Y aller voir de plus près

Par Maguy Marin

La guerre est une terrible épreuve. La raconter, en ressusciter les
causes et les effets en constitue une autre tout aussi traumatisante.

Il semble que ce soit le but recherché par ce spectacle conçu par
Maguy Marin, difficile à suivre, à entendre, à supporter.

C’est à partir du célèbre ouvrage  » La guerre du Péloponèse  »  écrit
par le non moins célèbre Thucydide au vième siècle avant
Jésus-Christ qu’elle nous engage à réfléchir à ce phénomène
ravageur  (traduction de Jacqueline de Romilly).

Ce n’est pas par la danse qu’elle exprimera son point de vue, elle qui
s’est rendu célèbre par ses remarquables chorégraphies, comme
l’inoubliable  » May Be « , mais par le jeu complexe de la lecture,  de la
musique et de l’image. Pour ce faire, elle a requis quatre comédiens
qui, livre en main vont procéder à une lecture d’extraits du texte de
Thucydide, une lecture pratiquée à vive allure, soulignant par là que
le texte est très long ( en tout, pas loin de 800 pages!). C’est un texte
complexe en raison des noms des villes de la Grèce ancienne que
nous avons du mal à situer, malgré les cartes projetées sur les petits
écrans qui  se trouvent de part et d’autre du plateau, et des noms des
ces généraux, chefs de guerre ou de territoires qui se sont battus
pendant des décennies.

Dans cet ouvrage, Thucydide décrit avec précision comment les
peuples d’alors se sont dressés les uns contre les autres, fomentant
des alliances, les trahissant pour aboutir aux carnages que tout
conflit entraîne inexorablement. La guerre est donc ce fléau qui
habite l’humanité depuis fort longtemps et ce spectacle se veut par
son didactisme évident le souligner et par bien des aspects nous en
monter l’actualité.

Avec beaucoup de constance, les comédiens s’y emploient,
plongeant avec application dans la lecture, tout en frappant
énergiquement sur les tambours placés devant eux. Quand ils se
lèvent, c’est pour placer sur les supports dressés sur le plateau, de
petits panneaux explicatifs, portant des dates, des noms, des
repérages jugés sans doute nécessaires pour clarifier cet exposé
complexe.

De plus, leurs propos sont illustrés par des dessins d’enfants
projetés sur les petits écrans comme ces  petits bateaux, images des
nombreuses batailles navales qui ont eu lieu durant ces conflits.

Apparaissent aussi des photos de guerres récentes qui nous placent
devant la réalité actuelle, d’autant qu’on y voit aussi des vidéos
représentant les hommes et les femmes politiques de notre monde,
tous ceux et celles que nous reconnaissons pour avoir mené des
pourparlers qui n’ont pas empêché les conflits.

Dans ce spectacle, Maguy Marin en collaboration avec ses
interprètes, Antoine Besson, Kais Choubi, Daphné Koutsafti, Louise
Mariotte nous place face à cette sombre réalité qu’est la guerre dont
les causes sont de toute éternité, le goût du pouvoir, la force des
intérêts, les rivalités, le mépris de la vie humaine et le refus de
déconstruire tout cela pour aboutir à une paix durable entre les
peuples.

Une leçon d’histoire dure à entendre à l’instar des sons
assourdissants des tambours sur lesquels les comédiens frappent de
toute leur force, en les accompagnant de leurs cris  comme d’un
sombre avertissement.

Marie-Françoise Grilsin

Représentation du 12 janvier à Pôle-Sud