Aristides de Sousa Mendes, le juste de Bordeaux

Juin 1940. Alors que les Allemands se rapprochent d’une Bordeaux devenue la capitale d’une France défaite et d’une république assassinée par le maréchal Pétain, un homme se démène pour que brille dans la nuit du nazisme la lumière de l’humanité. Son nom : Aristides de Sousa Mendes, consul du Portugal.


Dans ce livre publié une première fois en 1998, José-Alain Fralon, ancien grand reporter au Monde, trace le portrait de cet homme d’exception, l’un de ces quelques diplomates qui ont fait passer leur conscience avant leur obéissance. 

Revenant sur ses origines familiales dont le frère César fut ministre des affaires étrangères dans le premier gouvernement Salazar en 1932, l’auteur dépeint un aristocrate catholique épris d’humanité envers les plus pauvres, envers ceux que le destin n’a pas favorisé. Plutôt complaisant à l’égard de la dérive fascinante de Salazar, Sousa Mendes enchaîne plusieurs postes diplomatiques à Zanzibar ou en Belgique avant d’arriver à Bordeaux fin septembre 1938.

C’est là qu’il va « y rencontrer son destin » écrit l’auteur. Alors que la guerre fait rage et que la France vient de s’effondrer, il a une révélation : sauver ceux qui fuient les nazis et notamment les juifs. Allant à l’encontre de sa hiérarchie et touché par toutes ces souffrances, il va, aidé du rabbin d’Anvers, Jacob Kruger, accorder de nombreux visas à des juifs persécutés tandis qu’à quelques rues de là, un autre homme, le plus illustre des Français, s’apprête à emporter l’histoire et le destin de la France de l’autre côté de la Manche. « Mon attitude était uniquement inspirée par des sentiments d’altruisme et de générosité dont les Portugais, pendant leurs huit siècles d’histoire, ont su si souvent donner d’éloquentes preuves » dira-t-il plus tard. Parmi eux, l’acteur américain Robert Montgomery, future star des Sacrifiés de John Ford avec John Wayne, des membres de la famille des Habsbourg, un ministre belge et surtout de nombreux anonymes juifs qui, pour la plupart, vont échapper, grâce à lui, aux camps de la mort.

S’appuyant sur de nombreux témoignages y compris ceux de Sousa Mendes et de sa famille, l’auteur retranscrit parfaitement cette course contre la montre qui s’engagea au mois de juin 1940 entre des Allemands prêts à faire main basse sur la France, un consul signant des centaines de visas et son gouvernement tentant de l’arrêter.

Aristides de Sousa Mendes décéda en 1954 dans la pauvreté après avoir subi la vindicte du dictateur Salazar à qui il désobéit. Il fallut attendre 1966 pour qu’il soit reconnu juste parmi les nations puis 1988 pour que son pays, le Portugal, reconnaisse enfin le héros qu’il fut. Ce livre lui rend le plus beau des hommages et montre que la justice de l’histoire est plus forte que celle des hommes fussent-ils dictateurs.

Par Laurent Pfaadt

José-Alain Fralon, Aristides de Sousa Mendes, le juste de Bordeaux
Bouquins, Mollat/Robert Laffont, 192 p.