Spectacle d’une rare intensité qui nous emmène loin de notre quotidien vers des pratiques hors normes autant sur le plan du récit qui a des rapports avec le chamanisme que sur le plan des performances physiques auxquelles des voltigeurs, des porteurs éblouissants, d’une parfaite technicité se livrent devant nous, au plus près de nous assis en rangs serrés autour de la piste et il faut le dire vite médusés, conquis.
Est-ce le rituel de l’enfant mort ou du ressuscité ?
Il arrive tenu par une femme, c’est une marionnette (création Polina Borissova) aux grands yeux tristes, sur lesquels on pose un bandeau noir avant de l’envelopper dans une peau de mouton et de le poser au pied du totem érigé en fond de piste, où sont accrochés des crânes de loup. (scénographie Oria Puppo).
C’est bien un rituel qui commence là et qui se précise quand l’obscurité se fait et que d’elle surgissent des individus qui entreprennent une lourde marche, sorte de danse répétitive, martelant le sol avec vigueur, tout en poussant de puissants hurlements.(travail chorégraphique Dominique Duszynski)
On les voir réapparaître avec des masques de loup (Isis Hauben) et s’adonner à une lutte acharnée qui nous glace d’effroi. Ce sont les combats d’une extrême violence d’une meute déchainée où, se jeter à corps perdu sur l’autre, semble être d’une absolue nécessité.
Viennent ensuite ces extraordinaires voltiges et portés auxquels s’adonnent la voltigeuse Chloé Chevalier souvent envoyée dans les airs et comme rattrapée de justesse par ses deux acolytes César Mispelon et Franco Pelizzari Del Valle qui, eux-mêmes, se lancent dans de superbes figures, soutenus par les porteurs Lucas Elias et Paul Krügener. Nous suivons leurs évolutions d’une grande virtuosité, le souffle coupé et admirons la chanteuse lyrique Camille Brault qui les accompagne sur des airs entre autres de Purcell, Bach, magnifiquement interprétés bien que souvent les porteurs la hissent dans les hauteurs sans qu’elle se départisse de sa sérénité et de l’attention qu’elle prête à son chant. Deux violoncellistes, Ambre Tamagna et Claire Goldfarb,en partenaires musicales offrent un accompagnement soutenu à ces diverses prestations.
A la fin on redécouvre l’enfant-marionnette entre les mains porteuses et bienveillantes des femmes. Une renaissance en quelque sorte, un apaisement, comme un espoir que nous transmettent l’écriture et la mise en scène de Patrick Masset fondateur et directeur du Théâtre d’Un Jour, compagnie contrat-programmée par la Fédération Wallonie- Bruxelles.
Ce spectacle qui a été ici chaudement applaudi a reçu le Prix Maeterlinck de la Critique comme meilleur spectacle de cirque 2O22-2023.
Nous avons hautement apprécié cette alliance intelligente du théâtre, du cirque et de la musique.
Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope
Représentation du 14 décembre au Maillon