Le ballet de l’opéra de Bordeaux présentait son Casse-Noisette.
A chaque hiver, à l’approche des fêtes de Noël, son ballet de Tchaïkovski. L’opéra de Bordeaux et le directeur de son ballet, Charles Jude ont choisi cette année Casse-Noisette plutôt que le Lac des cygnes qui sera présenté au printemps 2015. Œuvre incontournable des ballets blancs, Casse-Noisette de Piotr Illitch Tchaïkovski, créé en 1892 au théâtre Mariinsky d’après un livret de Marius Petipa, comporte deux actes, trois tableaux et quinze scènes. Il s’inspire du conte d’Hoffmann, Casse-Noisette et le Roi des souris qui conte l’histoire de Marie qui, durant la nuit de Noël, voyage au pays des rêves et des jouets grâce à son casse-noisette.
Il faut dire que Charles Jude connait bien son sujet pour l’avoir interprété auprès de Rudolf Noureev en tant qu’étoile de l’opéra de Paris notamment dans le rôle du Prince mais également pour l’avoir chorégraphié ici, à l’opéra de Bordeaux où il est le directeur de la danse depuis 1996.
Le Casse-Noisette présenté cet hiver est la reprise de l’édition de 2011. Le parti pris du chorégraphe est, dès les premiers tableaux, clairement affiché : le rêve enfantin. Et il faut dire que, grâce également aux décors de Giulio Achilli, la magie opère très vite aussi bien chez les adultes que chez les enfants, d’ailleurs venus en nombre. Quelle que soit l’entrée, chaque génération, chaque enfant qui sommeille en nous, y trouve une porte vers ce monde de rêves dans lequel pénètre Marie. Les sources d’inspiration sont multiples : Charles Dickens (premiers tableaux), Tintin (notamment dans la figure du prince masqué au quatrième tableau ou des danses du second acte) ou Tim Burton (le drosselmeier ressemble à ne s’y méprendre à un personnage entre Sweeney Todd et Sleepy Hollow). Ces influences se sont parfaitement intégrées dans l’univers tiré du conte d’Hoffmann. On retiendra notamment le magnifique quatrième tableau, celui au cours duquel des rats menés par leur roi affrontent des soldats de plomb dans une bataille parfaitement chorégraphiée.
Les danseurs ont également été au rendez-vous. On y a pu apprécier la vélocité et les jetés d’Igor Yebra dans un rôle qu’il connaît bien et l’interprétation très convaincante d’Oleg Rogachev en drosselmeier dont il prenait le rôle. Mais la grande nouveauté de ce ballet a été la révélation de Sara Renda en Marie, magnifique d’émotions et de technique. Ses pas de deux lors du cinquième tableau et celui précédent l’apothéose ainsi que ses menées ont été prodigieux. Enfin, n’oublions pas les différents solistes qui ont tenu avec grâce leur rang notamment une splendide Mika Yoneyama et ont complété un corps de ballet de grande qualité qui a excellé dans le royaume des neiges ou la danse des fleurs.
La musique accompagne parfaitement les danseurs avec une justesse très appréciable et menée superbement par son chef, Ermanno Florio, grand spécialiste du répertoire de ballet qui a fait des merveilles à Amsterdam. On y reconnaît les grands airs (Valse des fleurs, danse de la fée Dragée) mais surtout la musique n’est pas omniprésente et réussit à accompagner la chorégraphie sans la gêner.
Avec ses canons tirant des bonbons, son chameau farceur ou sa neige tombée du ciel, ce Casse-noisette réussi est un véritable sucre d’orge qu’il convient de déguster sans modération.
Laurent Pfaadt