L’opéra de Marseille présentait un Ballo di Maschera de Verdi très réussi
Voilà plus de seize ans que cet opéra créé par Giuseppe Verdi en 1859 n’était pas revenu à Marseille. S’inspirant de l’assassinat du roi de Suède Gustave III lors d’un bal masqué à l’opéra royal de Stockholm en 1792, il reste cependant moins connu que La Traviata ou Luisa Miller. Dommage car il peut être considéré comme l’un des plus beaux, musicalement parlant, du compositeur italien, Olivier Bellamy, directeur artistique de Marseille Concerts, le considérant à juste titre comme « un diamant qui brille de tous ses feux, et transporte le cœur de tous les publics ».
Cela fut effectivement le cas sur la scène de l’opéra de Marseille.
La mise en scène assez traditionnelle se fond parfaitement dans ce jeu de masques. Elle a quelque chose de délicieusement suranné, très stendhalien qui plonge immédiatement le spectateur dans une atmosphère où il pressent le drame à venir. Il y a dans l’air un souffle viscontien. Les robes virevoltent comme les destins où la comédie et la facétie incarnées par le merveilleux personnage du page Oscar, sorte de Papageno verdien alternent avec la tragédie d’un assassinat politique sur fond de haine amoureuse annoncé par une magicienne tiré d’un jeu de tarots, entre la Médée de Cherubini et le Commandeur de Mozart. Une histoire de vengeance très dumasienne à l’ombre d’un château d’If, haut-lieu des aventures du comte de Monte-Cristo.
Bien évidemment ce bal masqué ne serait rien sans des voix capables de distiller le vrai du faux. Et il faut dire qu’ici la distribution ne souffrit d’aucune faiblesse. Si le rôle titre, celui de Gustave III est parfaitement tenu par un Enea Scala qui a parfaitement pris la mesure du rôle et offre un merveilleux contrepoint au baryton Gezim Myshketa, impeccable en comte Anckarström, la beauté de cet opéra tient surtout à celle des voix féminines. Et en premier lieu Chiara Isotton, parfaite en Amelia avec sa voix puissante et émotive qui, deux ans après sa magnifique Elisabeth de Valois triompha une nouvelle fois sur son terrain de jeu favori et n’est pas sans rappeler la soprano américaine Angela Meade. Maniant aussi bien le ut que le soupir et arrachant au public de nombreux « Bravo ! », son duo d’amour à l’acte II – « Oh, qual soave brivido » – restera assurément le point d’orgue de cette soirée. Une voix qui s’inséra dans un merveilleux jeu scénique emprunt à la fois d’une profonde retenue et d’une noblesse bafouée que l’on imagine parfaite dans la Marie Stuart de Donizetti. Il ne faudrait cependant pas oublier Sheva Tehoval, magnifique soprano colorature qui illumina avec son timbre lumineux et cristallin, cet opéra. Lauréate du concours reine Elisabeth en 2014, Sheva Tehoval distilla un belcanto remarquable qui enchante d’ailleurs depuis près de dix ans de nombreux théâtres et devrait assurément gagner en notoriété dans les années à venir.
Restait alors à l’orchestre placé entre les mains du maestro Paolo Arrivabeni dont les Marseillais se souviennent encore avec émotion de son Simon Boccanegra en 2018 de mettre en magie ce bal masqué, ce qu’il fit avec brio notamment dans les déploiements du motif par les bois à l’acte II. Restant à l’écoute des voix et tenant la bride à un cheval musical qui libéra quelques moments de grâce notamment ces hennissements de violoncelle au troisième acte, le chef d’orchestre conduisit parfaitement le tempo d’un bal masqué où vengeance et amour ne firent qu’un et de cet opéra plein de couleurs et de vie.
Par Laurent Pfaadt
Retrouvez la programmation de la nouvelle saison de l’opéra de Marseille sur : https://opera.marseille.fr/programmation