Brillante synthèse du Saint Empire romain germanique par l’historienne allemande Barbara Stollberg-Rilinger
Voilà un ouvrage plus que salutaire et qui permet aux lecteurs d’entrer dans cette structure politique et confessionnelle qui a présidé aux destinées de l’Europe pendant près d’un millénaire. Sous la plume de la grande historienne allemande Barbara Stollberg-Rilinger, titulaire pendant longtemps de la chaire d’histoire moderne à l’université de Münster et dont les travaux font autorité, cette courte synthèse permet de rendre compréhensible non seulement l’organisation du Saint Empire romain germanique mais à travers lui, les grandes lignes de fracture qui ont traversé l’Europe et plus particulièrement celles de ses composantes germanique et slave.
Souhaitant ainsi « expliciter la singularité et la complexité spécifiquement prémodernes de l’Empire ancien », l’autrice parvient avec brio à dessiner les contours politiques, économiques, culturels et confessionnels de ce corps vivant, non figé qui a été capable de s’adapter aux différentes périodes historiques de l’Europe et a dû affronter des périls qui l’ont poussé à s’adapter et à passer des compromis.
Sa structuration et sa composition hiérarchie pyramidale se fondait sur une puissance universelle et transpersonnelle centrée autour de l’imperium c’est-à-dire de la figure de l’empereur « qui donnait à l’ensemble une unité et une légitimité essentiellement symboliques ». Car au départ, comme le rappelle Barbara Stollberg-Rilinger, le Saint Empire était un réseau d’intérêts de familles régnantes avant de devenir « une communauté politique cohérente ». Une communauté politique d’une plasticité assez stupéfiante, sorte de triple fédération juridique, financière et de paix. Une sorte d’anti État moderne sans frontières clairement définies et sans population homogène qui va cependant connaître un phénomène de territorialisation. Une structure qui fut malmenée par la Réforme et la financiarisation de l’économie européenne puis par la guerre de Trente ans. C’est finalement l’empereur Napoléon qui allait donner le coup de grâce à cet autre Reich de mille ans.
L’éclairage fort pertinent de Barbara Stollberg-Rilinger donne également à comprendre la genèse de cette culture du consensus qui imprégna le Saint Empire romain germanique et qui a laissé, comme une sorte d’atavisme, des traces dans les démocraties qui lui ont succédé.
Un livre plus actuel qu’il n’y paraît.
Par Laurent Pfaadt
Barbara Stollberg-Rilinger, Le Saint Empire romain germanique, de la fin du Moyen Age à 1806, traduit de l’allemand par Denis-Armand Canal,
Passés Composés, 192 p.