Le musée du Louvre célèbre les chefs-d’œuvre de la collection Torlonia
Une exposition en forme de voyage dans le temps et plus particulièrement sous la Rome antique. Voilà ce que l’on ressent immédiatement en pénétrant dans la très belle exposition que le musée du Louvre consacre au chefs d’œuvre de la collection Torlonia. Une collection élaborée au gré des acquisitions des collections de la noblesse romaine et plus particulièrement celle des familles Albani et Giustiniani pour la montrer ensuite à de petits groupes de visiteurs dans une institution appelée à un brillant avenir : un musée. Et il fallait bien un écrin royal avec ces appartements d’été d’Anne d’Autriche enfin restaurés pour accueillir ces empereurs qui vous contemplent, vous dévisagent, et semblent comme Hadrien, vous toiser. On pourrait citer Napoléon et ces quarante siècles qui vous contemple tant l’exceptionnelle qualité de ces portraits frappe par leur incroyable réalisme comme ce Septime Sévère aux traits marqués par l’âge ou les rides profondément incisées du vieillard d’Otricoli. Le visiteur regarde à deux fois les annotations et reste fasciné, subjugué. Oui, ces quelques portraits parmi les 109 de la collection ont bien été réalisés il y a près de mille huit cent ans.
Bien évidemment, nous n’avons pas été le seuls à subir le charme voire l’ensorcellement de ces sculptures. D’autres avant nous, et non des moindres notamment Le Bernin n’ont pu rester de marbre devant elles puisque le maître a restauré le fameux Caprone datant du IIe siècle après J-C. Surprenante est également l’irruption de la couleur avec ces marbres colorés, ce bigio morato noir et le porphyre du Dace captif qui donnent ainsi une puissance insoupçonnée à cette statuaire en la rendant plus vivante que jamais.
« Cette exposition s’attache donc à écrire une histoire de la sculpture romaine, qui procède à la fois d’un temps historique de réception et d’une rédaction contemporaine appuyée sur la science archéologique » estiment Carlo Gasparri, Salvatore Settis et Martin Szewczyk dans le très beau catalogue accompagnant l’exposition. Les diverses œuvres présentées permettent ainsi de mesurer les diverses influences qui traversèrent la sculpture romaine et notamment cette modernité hellénistique très populaire, véritable « révolution esthétique » selon Fabien Queyrel, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, contributeur lui-aussi du catalogue. Une modernité hellénistique qui suscita d’abord des réactions hostiles avant d’être adoptée dans les hautes sphères militaires, politiques et culturelles de l’Empire et que l’on retrouve notamment dans les très beaux bas reliefs ornant les sarcophages présentés tels celui du centurion Lucius Pullius Peregrinus. Une modernité grecque qui attira à Rome les meilleurs sculpteurs grecs venus se mettre au service d’une intelligentsia romaine symbolisée par le sénateur Hérode Atticus (101-177). Professeur de rhétorique ayant eu notamment comme élève le futur empereur Marc-Aurèle devenu un homme politique influent et riche, Hérode Atticus favorisa dans ses diverses demeures et en particulier dans celle de la via Appia, une politique artistique emprunte d’influences hellénistiques et egyptisantes à l’image de cette incroyable statue de divinité assise : Hygie.
Les fouilles archéologique menées sur le site de la villa d’Hérode Atticus au XVIe siècle ont ainsi révélé des trésors qui ont ensuite rejoint la collection Borghèse qui elle-même, durant l’Empire, a été incorporée à celle du Louvre. Celle-ci s’est ensuite enrichie d’autres pièces par exemple le buste d’Hérode Atticus, découvert en 1819 par Louis-Ferdinand-Sébastien Fauvel et ayant appartenu à la collection du comte de Choiseul-Gouffier. Une villa qui, sous la pyramide du Louvre, abrite les retrouvailles de ces deux collections sœurs, permettant enfin de rattraper un temps perdu figé dans le marbre.
Par Laurent Pfaadt
Les chefs-d’œuvre de la collection Torlonia, Musée du Louvre jusqu’au 11 novembre 2024
Catalogue de l’exposition :
Chefs-d’oeuvre de la collection Torlonia, sous la direction de Martin Szewczyk, Carlo Gasparri et Salvatore Settis
Louvre éditions/Le Seuil, 340 p.