Archives de catégorie : Cinéma

Little Girl Blue

un film de Mona Achache

Avec entre autres réalisations Les Gazelles et 6 épisodes de la série HPI, on n’attendait pas de Mona Achache un film comme Little Girl Blue avec sa noirceur et sa réflexion qui plonge au cœur de l’intime. Il nous renvoie à notre propre questionnement sur nos origines, les non-dits et leur répercussion sur les générations suivantes. Avec Marion Cotillard, elles composent un film hommage à Carole Achache, la mère de Mona, disparue en mars 2016, en s’étant donnée la mort.


Copyright Tandem

Janis Joplin chante sur le générique sa chanson éponyme. Qui est la petite fille triste dont il est question ? La réalisatrice devenue orpheline ou bien Carole, éternelle spleeneuse que sa fille essaye de mieux comprendre ? Le film interroge le pourquoi du suicide de cette femme qui laissa des milliers de photos, des carnets, des lettres et des enregistrements. « Le désir 1er de ce film était de donner un corps à ma mère pour une conversation avec elle. » La réalisatrice fut très inspirée de choisir Marion Cotillard pour incarner au sens propre du terme Carole Achache. Sous nos yeux, elle endosse son costume pour son rôle, met une perruque, des lentilles de contact pour cacher ses yeux bleus. Le film va ainsi procéder en nous montrant l’actrice à l’œuvre. Pour Mona Achache, plus qu’une incarnation, c’est une résurrection de sa mère qui s’est opérée par le jeu et la présence de sa comédienne. Pas de répétitions ! « Le tournage, chronologique, a été une expérience de vie insensée, d’une extrême intimité. Chaque jour, son corps, son visage et sa voix se métamorphosaient. Au fur et à mesure, la confusion devenait totale. Carole et Marion fusionnaient. Cela a été bouleversant pour moi, mais pour toute l’équipe sur le plateau aussi. Une résurrection, le temps d’un tournage. »

Outre le travail sur le physique, la voix a été l’enjeu d’une troublante confusion, Carole ayant laissé de nombreux enregistrements. Elle était une intellectuelle des années 70. Une femme de son temps, la fille d’une femme de lettres qui fréquentait l’intelligentsia parisienne dont Jean Genet à qui elle vouait une grande admiration au point de fermer les yeux sur l’emprise perverse qu’il exerçait sur la petite Carole. Mona Achache propose un film passionnant à la démarche formelle et esthétique admirable, mêlant images d’archives de cette époque si riche et si neuve, rebelle, avec des extraits de films des années 20, films muets très expressifs. C’est toute cette période qui est questionnée, libre et sexuellement libérée au risque de perdre son âme, avec l’évocation de Carole à New York qui vit la prostitution mais aussi avec les libertés que s’autorisaient les hommes … C’était l’époque ! Comment également vivre l’injonction de sa mère brillante écrivain à devenir une personne exceptionnelle ? Être une personne banale c’est être voué à la mort, accepter le conformisme, selon Yourcenar, est une misérable maladie. Mona Achache interroge les archives et écoute sa mère pour comprendre son geste désespéré avec le souci de rompre une malédiction familiale féminine qui se perpétue. Mona Achache a signé une œuvre cinématographique atypique, un film où l’intime touche au collectif, en transcendant son sujet par des moments de pure poésie. « Je voyais de la lumière dans tout ce noir. Il y a cette citation de Marguerite Yourcenar dans le film, dont la découverte a été une révélation pendant mon chemin d’écriture. « Qu’est-ce que vous emporteriez si la maison brûlait ? J’emporterais le feu. » Voilà. Notre maison a brulé et ma mère a été emportée avec. Mais c’est ce feu que je voudrais transmettre à mes enfants. »

Elsa Nagel

Second Tour

Un film d’Albert Dupontel

Second Tour est le huitième long-métrage mis en scène par Albert Dupontel. Comme toujours le cinéaste en a signé le scénario qui, comme toujours, ne ressemble à aucun autre, et positionne immédiatement le film dans la catégorie des œuvres inclassables.

Une fine équipe

Dans cette histoire suivant le parcours d’un brillant candidat à la présidentielle entre deux tours, il y a beaucoup de scènes de pure comédie, mais pas que. Des réflexions sur des thèmes actuels importants -coucou l’écologie, coucou l’immigration- font irruption ici ou là avec un sérieux d’autant plus percutant que l’atmosphère générale du film tire vers la loufoquerie.

Second Tour nous montre le quotidien de Pierre-Henri Mercier, interprété par Albert Dupontel, candidat sorti de nulle part et issu d’une riche famille industrielle. Il est financé par de puissants groupes aux intérêts uniquement mercantiles, qui attendent de lui une politique en leur faveur. Passé quelques scènes, nous découvrons que Pierre-Henri Mercier n’est pas la marionnette que ses sponsors espéraient, et qu’il a l’intention d’œuvrer à la défense de l’écologie, ce qui va totalement à l’encontre des promesses faites aux magnats qui le financent. Son secret était jusque là bien gardé…

Cécile de France et Nicolas Marié

Nathalie Pove (Cécile de France) est une journaliste TV sportive dynamique. Brillante, elle couvrait auparavant une actualité plus prestigieuse, mais a été placardisée suite à un reportage peu élogieux sur l’un des actionnaires de sa propre chaîne. Avec son fidèle cameraman, Gustave Clément (Nicolas Marié), elle se morfond en couvrant des événements sportifs, jusqu’au jour où son patron lui demande de suivre la campagne de Pierre-Henri Mercier suite à l’indisponibilité des principaux journalistes politiques de la chaîne. Son patron lui fait promettre de museler son esprit critique, et lui fournit l’ensemble des questions à poser, les aseptisées, celles évitant toute polémique. Nathalie acquiesce, bien entendu, mais va-t-elle réussir à réfréner son instinct, rien n’est moins sûr…

Infiltrés…

Second Tour démarre sur les chapeaux de roue, Albert Dupontel n’aime pas perdre de temps à planter le décors. Le réalisateur est efficace dès les toutes premières images, ses films durant la plupart du temps moins d’une heure trente (exception faite d’Au revoir là haut il y a six ans). Il nous présente ce candidat atypique en quelques scènes, l’homme providentiel que la droite libérale a propulsé sur le devant de la scène faute d’autre candidat. Vient le tour de Nathalie Pove, dépeinte comme une experte dans l’art de dénicher les petits secrets, sorte de Columbo moderne du journalisme. Avec son acolyte, le cameraman, elle forme un duo percutant, les forces et faiblesses de l’un et l’autre se compensant. .

Ce huitième long-métrage reflète partiellement l’âme de son metteur en scène, qui ne peut s’empêcher de (se) questionner sur la nature humaine, ainsi que son rapport à son environnement. La fable politique et écolo est bien évidemment teintée d’une certain cynisme, sans quoi ce ne serait pas vraiment un film de Dupontel, mais on remarque ici ou là des percées d’espoir, mesurées.

Albert Dupontel

Les dialogues sont très souvent hilarants et les scènes ne s’embarrassent d’aucun superflu. Les comédiens, parfaits, font des merveilles, chacun dans son registre. Les fidèles de l’univers Dupontel sont bien là, à commencer par Nicolas Marié, aux côtés de Philippe Duquesne, Philippe Uchan, et encore Bouli Lanners. Albert Dupontel les connaît bien, il leur offre des rôles, petits ou grands, aux petits oignons. Face à ses habitués, la comédienne belge Cécile de France trouve sa place sans difficulté, interprétant un personnage plus cérébral, moins physique qu’à l’accoutumée. Elle excelle dans ce rôle de femme forte, prête à aller au bout de ses idées et qui, malgré ses revers professionnels récents, arrive encore à se laisser gagner par une indignation salvatrice. Elle donne la réplique à un Albert Dupontel plus posé, qui ne se départ pas de son côté sombre. Leurs échanges, précautionneux au départ, leurs permettent de se révéler l’un à l’autre, au cours d’un jeu du chat et de la souris imprévisible. La conclusion, teintée d’espoir, est à l’image des films d’Albert Dupontel : traversée de doutes, mais ouverte et positive.

Jérôme Magne

The Creator

Un film de Gareth Edwards

En 2010, le réalisateur britannique Gareth Edwards se faisait connaître en réalisant un film de science-fiction indépendant intitulé Monsters. Le long-métrage allait récolter plusieurs récompenses et lui ouvrir les portes d’Hollywood.

La sinistre station NOMAD

Il allait par la suite mettre en scène deux blockbusters, Godzilla en 2014, et Rogue One : A Star Wars Story en 2016. The Creator est son quatrième long-métrage, dans lequel il confirme son attirance pour l’anticipation.

Le film s’ouvre sur des images d’archives. Un rappel des grandes découvertes de la robotique et de ses dates-clefs nous montre l’évolution de l’intelligence artificielle, jusqu’au drame survenu 10 ans plus tôt. L’intelligence artificielle (I.A.) aurait fait exploser une bombe nucléaire sur la ville de Los Angeles, faisant disparaître un million de personnes en un éclair.

Joshua et Alphie

Depuis, les États-Unis sont en guère contre l’I.A., et cherchent à l’éradiquer par tous le moyens. Une vision que les pays d’Asie du Sud Est ne partagent pas, ceux-ci ayant continué à développer des robots humanoïdes de plus en plus perfectionnés, au cœur d’une société où les androïdes et les humains cohabitent pacifiquement. Le États-Unis ne sont pas en guerre contre ces pays, mais n’acceptent pas leur fonctionnement. Ils ont décidé d’éradiquer l’I.A. partout sur Terre, et on développé une gigantesque station orbitale qui survole la planète dans le but de supprimer tous les foyers d’I.A. Pour cela, ils doivent trouver le mystérieux Créateur, celui qui a tout conçu depuis le début, et qui a permis de fabriquer des clones toujours plus perfectionnés et plus humains.

Joshua est un ancien soldat infiltré chez les robots. La bombe nucléaire a fait disparaître l’ensemble de sa famille, et lui a fait perdre l’usage d’un bras et d’une jambe. Suite à ce drame, il a fait ce que son pays voulait de lui, contribuer à débusquer le Créateur. Mais un drame viendra bousculer ses certitudes…

Le thème de l’interventionnisme américain est le premier qui apparaît dans le film. Il semble une évidence, et se teinte d’une grande sincérité, l’Amérique est condamné à défendre le monde contre lui-même. Elle souffre d’un complexe de supériorité tellement écrasant qu’elle l’empêche de comprendre les choses comme elles sont. Persuadés d’avoir raison, les Américains estiment avoir le droit d’imposer leur vision à tous, quitte à engendrer des dommages collatéraux sur leur route. Le complexe du Sauveur s’accompagne de manifestations belliqueuses : même en pays étranger, les États-Unis s’autorisent à intervenir, sans avoir consulté les dirigeants concernés. Ce « dialogue » de sourd est au cœur de l’histoire. Le pays exerce une forme de justice aveugle, que Joshua embrassera, du moins au début. Persuadé d’agir pour le bien de l’humanité, Joshua suivra d’abord ses ordres à la lettre, dans l’espoir de retrouver -ne serait-ce que brièvement- un être cher.

Alphie, le Sauveur

Gareth Edwards filme The Creator comme une fable d’anticipation. Cela lui permet d’aborder son genre de prédilection, la science-fiction, tout en faisant la critique de la civilisation occidentale opposée, selon lui, à la notion de tolérance prônée par les pays orientaux. Le thème de l’intelligence artificielle est finalement plus un prétexte pour défendre le droit à la différence et le respect de l’autre, quel qu’il soit. Les effets spéciaux n’éloignent pas le spectateur du récit, ils créent un monde futur plausible dans lequel les robots sont parfois plus qu’humains. Isaac Asimov aurait apprécié ! L’intelligence artificielle telle qu’elle est ici représentée n’apparaît jamais comme menaçante, son but est simplement de cohabiter avec les hommes. Loin du Skynet que James Cameron imaginait en 1984 dans son film culte Terminator, et qui allait donner de nombreuses suites.

Le périple de Joshua est éreintant, il est poussé par une force immense, et aidé par un petit «enfant» qui pourrait bien être la clef de tout…

A la toute dernière image celui-ci nous gratifie d’un sourire annonciateur de jours meilleurs. Gareth Edwards nous confirme qu’il n’a pas perdu espoir en l’humanité…

Jérôme Magne

Le Ravissement

un film d’Iris Kaltenbäck

1er long métrage remarquable, Le Ravissement, prix SACD au Festival de Cannes 2023, élève Hafsia Herzi (révélation 2007 de La Graine et le Mulet) au rang de grande héroïne romanesque, une sœur d’Adèle H qui aurait trouvé comment attirer l’attention de son amoureux et le garder, mais à quel prix !


© Mact Productions – Marianne Productions – JPG Films – BNP Paribas Pictures

Lydia est sage-femme. Elle sort d’une rupture amoureuse. Sa meilleure amie, Salomé, est enceinte. C’est Lydia qui l’accouche. Les jours suivants, Salomé vit très mal son post-partum. Le film explore ce que provoque l’arrivée d’un enfant dans un couple mais aussi son impact sur une relation d’amitié très forte. Lydia et Salomé (excellente Nina Meurisse) se retrouvent à la fois plus unies et dans l’élan de la rupture inéluctable de leur amitié. Lydia entretemps a rencontré Milos, un chauffeur de bus qui travaille essentiellement la nuit. Milos est arrivé quand il était enfant, avec sa famille qui fuyait la guerre en Serbie. Il ne veut pas être aimé, ne veut vivre que l’instant présent et ne penser ni au passé ni se projeter dans l’avenir. Alexis Manenti, César du meilleur espoir masculin dans Les Misérables en 2020 campe ici un homme taciturne loin de ses rôles d’homme fort et viril. Lydia, en revanche, a tant besoin d’être aimée, c’est d’ailleurs elle qui donne son nom à l’enfant que Salomé met au monde : Esmée, « celle qui est aimée ».

La réalisatrice a voulu emmener Hafsia Herzi dans le romanesque, dans le silence et la solitude, l’ayant poussée à exprimer beaucoup par peu de mots, à la recherche de l’émotion juste. Sage-femme est un métier et il fallait qu’on y croie. Un travail en amont a été opéré par Hafsia Herzi pour maîtriser les gestes de la parturiente. Le tournage de la séquence d’accouchement de Salomé s’est fait  dans une vraie maternité avec un dispositif propre au documentaire. « J’ai voulu filmer le travail de la sage-femme, qui travaille en étroite collaboration avec la mère pour mettre l’enfant au monde, avec une précision documentaire, sans recourir au discours. J’avais le sentiment que montrer ce métier par les gestes, c’était ce qu’il y avait de plus cinématographique. Je voulais filmer les gestes de cette sage-femme, qui grandissent jusqu’au passage à l’acte. »

L’idée du scénario est partie d’un fait divers mais la réalisatrice n’a pas mené d’enquête au-delà : « Je me suis vite rendue compte que je voulais aborder les passions qui animent et déchirent les gens par un autre biais que le droit. » Ce fait divers raconté en deux phrases : une jeune femme emprunte l’enfant de sa meilleure amie et fait croire à un homme qu’elle en est la mère, a ouvert les vannes de l’imaginaire. Il s’agissait de s’éloigner du naturalisme pour aller vers la fiction avec un personnage romanesque et de s’amuser avec les codes de ce genre. On pense à Truffaut par l’utilisation de la voix off, le procédé de l’ouverture et fermeture à l’iris, l’annonce en préambule du destin tragique. On pense au Ravissement de Lol V. Stein, le roman de Duras. À In the mood for love à l’écoute de la musique qui accompagne les errements de la jeune femme dans Paris de nuit, revisitée. Quant à Hafsia Herzi, elle semble une femme échappée des tableaux de Jean-Jacques Henner dont elle visite une exposition avec Milos. L’affiche du film est un hommage à sa beauté romantique.

Le Ravissement joue sur les registres du réalisme et du romanesque et ouvre sur le thriller. Lydia entre dans une spirale du mensonge et le film ménage un suspens jubilatoire pour le spectateur qui se demande comment elle va en sortir. Que celui qui voit le film en préserve le mystère !

Elsa Nagel

Festival européen du film fantastique de Strasbourg

Le FEFFS est de retour pour sa 16ème édition du 22 septembre au 1er octobre. C’est peu dire que ce festival met l’ambiance ! Rare moment dans l’année où les spectateurs font la queue de plusieurs centaines de mètres, devant les salles de cinéma. Toutes participent à l’évènement, les cinémas Star, le Vox, l’UGC et le Cosmos, anciennement Odyssée. Drôle de public que l’on voit alors dans la ville, avec leur look de vampires sortis exprès pour la fête ! Sans doute regrettent-ils que la zombie walk n’ait plus lieu. Et pour leur plaisir, ils pourront approcher Terry Gilliam, l’invité de cette édition.  


Vincent doit mourir

Un coup de chapeau aux organisateurs du festival de faire venir des monstres du cinéma comme le regretté William Friedkin, père de l’Exorciste, en 2017, ou Christophe Gans en 2022, carte blanche est donnée cette fois-ci à Terry Gilliam ainsi qu’une rétrospective de ses films dont son fameux Brazil (1985). Il animera une Master class en préambule à la projection de L’Armée des 12 singes. Un prix d’honneur lui sera remis. Autre événement en marge des différentes compétitions, la toujours très courue et festive projection en plein air, place du château, avec à l’honneur cette année Indiana Jones et le temple maudit. Très prisée par les spectateurs noctambules, la Nuit excentrique commence à minuit avec la projection jusqu’au petit matin de trois films confiés par la cinémathèque française (en 35 mm – grâce à la bonne idée du Star d’avoir conservé le projecteur idoine !) avec un petit déjeuner servi avant le 3ème film. Spectacle assuré tant sur l’écran que dans la salle ! Comme c’est la cas aux Midnight Movies, le must du festival pour de nombreux spectateurs fans de films extrêmes et décalés.

#Manhole Main

Le FEFFS c’est la découverte de films rares – 45 longs métrages et 40 courts sur 175 séances. Les deux films d’ouverture et de clôture sont signés par les réalisateurs coréens, Kim Jee-woon pour Ça tourne à Séoul  et Um Tae-hwa avec Concrete Utopia. Le premier se passe dans les années 70 dans les coulisses d’un tournage de film et le second est un film d’anticipation climatique. Trois compétitions internationales (souvent avec la présence des équipes de films), seront l’occasion de découvrir des films en avant-première et des films qui ne connaîtront pas forcément de sortie en salle, faute de distributeur. Le film d’animation n’est pas en reste ni les courts-métrages. Honneur aussi à Edgar Allan Poe dans une rétrospective de films adaptés de son univers, en avant-première de l’événement « Strasbourg Capitale mondiale du livre – Unesco ». Quant à la section « Connexions » à l’UGC, elle est dédiée au numérique avec 8 œuvres internationales et françaises en réalité virtuelle et accès libre au public (interdit aux moins de 13 ans). Pour les lycéens, une Master Class sur l’importance des décors au cinéma se tiendra au Vox ainsi que pour les professionnels, des tables rondes et lectures de scénarii faisant de ce festival un évènement majeur pour la promotion et le développement des films de genre, le fantastique offrant une palette d’histoires et de traitements différents qui font rentrer ces films souvent classés série B au rang de films du patrimoine cinéphilique.

Programme complet disponible à l’accueil des salles de cinéma ou sur www.strasbourgfestival.com

Elsa Nagel

Banel et Adama

Un film de Ramata-Toulaye Sy

C’est la première fois qu’un premier long métrage est en compétition pour la prestigieuse palme cannoise. Tourné en langue peule dans le Fouta-Toro au Sénégal, avec des acteurs non professionnels, le film est remarquable par sa photographie, avec un sujet âpre – une histoire d’amour folle – et un personnage féminin qui ne l’est pas moins. Banel et Adama est un film qui ne laisse pas indifférent.


© TANDEM

Elle dit qu’il y a beaucoup d’elle dans son personnage féminin. Etonnante déclaration à voir et à rencontrer la gracile et douce Ramata-Toulaye Sy. Cependant, ses références littéraires sont un signe. Cent ans de solitude de Garcia Marquez et les romans de Toni Morrison, la Tragédie sont des phares pour celle qui obtenu son diplôme de scénariste à l’école de la Fémis, pépinière des talents qui font le cinéma français. Elle est passée à la réalisation. Après Astel, un court métrage déjà remarqué, la voici dans la cour des grands.

Banel répète comme un mantra « Banel et Adama » et remplit des pages et des pages de ces deux prénoms qui côte-à-côte ne font qu’un. Dans ce village du nord du Sénégal où les traditions sont tenaces, leur couple dérange. L’amour que porte Banel à Adma est si puissant qu’elle ne veut pas d’un enfant qui briserait leur relation fusionnelle comme elle ne veut pas qu’il devienne chef alors que son temps est venu. Elle veut Adama entièrement et exclusivement à elle et garder les troupeaux avec lui, ne pas aider sa belle-mère dans les tâches domestiques féminines, ne pas retrouver son homme que la nuit et comme tous les couples du village, ne rien avoir à se dire. Mais la réalité va rattraper son idéal d’amour et elle n’aura de cesse de tendre vers un absolu. Mon film est sur « comment on trouve son individualité au sein d’une communauté qu’on ne peut rejeter » dit Ramata-Toulaye Sy qui a choisi le réalisme magique pour raconter son histoire.

La nature prend ses droits sur le village et la sècheresse s’installe, décimant les troupeaux de vaches, tuant les plus fragiles, vieillards et enfants. Banel n’est que colère et violence, une Médée (selon la réalisatrice) maniant sa fronde contre oiseaux et lézards, si fâchée que son Adama soit occupé toute la journée à garder les vaches loin du village. Son personnage border line sort des sentiers battus et si c’est un film sur la femme africaine, il trouve alors une émancipation originale à mesure du cataclysme qui s’empare du village. Avec son titre répété à l’envie par son héroïne, Banel et Adam relève du conte qu’un griot pourrait raconter un jour, quand la pluie reviendrait et laverait le village de la malédiction, arroserait les tombes. Sage avant l’heure, un enfant avec un calame et un grand cahier dévisage Banel et cette femme, qui n’a peur de rien, s’en inquiète. Lit-il dans ses pensées ? A moins que son destin s’écrive sous sa plume.

Banel et Adama est un conte tragique. Les maisons sont des tombeaux et les oiseaux fondent sur le village en un nuage de mauvais augure tandis que le vent souffle et assèche tout. Le paysage reflète l’état émotionnel de Banel et le film impressionne par ses images que l’on doit à Amine Berrada qui avait signé également l’image des Meutes de Kamal Lazraq. Si Banel et Adama nous a tant plu, c’est pour sa photographie, son esthétique, sa couleur saturée mais convainc moins par son personnage de Banel, si peu attachant, et dont on ne croit pas à l’amour qu’elle porte à Adama. Un comble !

Elsa Nagel

Hypnotic

Un film de Robert Rodriguez

Avec plus d’une vingtaine de longs-métrages à son actif,
Robert Rodriguez a démontré qu’il était un cinéaste éclectique. Le réalisateur américain d’origine mexicaine a en effet prouvé qu’aucun genre ne l’effrayait
.

Capable d’aborder le film de gangsters (El Mariachi et ses suites, les Desperados), celui de vampires (Une nuit en enfer), pour ensuite passer par le film d’invasion extra-terrestre (The Faculty), la comédie d’action pour adolescents (Spy Kids et ses nombreuses suites), le film d’anticipation (Alita : Battle Angel) et le film d’horreur(Planète Terreur), Robert Rodriguez a démontré sa curiosité à la moindre occasion. Son amour pour le cinéma s’étend à tous les genres, et le pousse même à cumuler de nombreuses casquettes sur chacun de ses films.

En effet, le réalisateur ne se contente pas de la mise en scène de ses films, il en est très souvent le scénariste, le producteur, le monteur, le compositeur, tout en se permettant ici ou là des petits caméos bien sympathiques. Véritable homme-orchestre, son amour du Septième Art lui fait embrasser ses créations comme peu de cinéastes aujourd’hui. Avec Hypnotic, il choisit d’aborder un genre hybride, entre le thriller psychologique et le film d’anticipation, renvoyant à des classiques du cinéma. A la vue de certaines scènes et concepts, comment en effet ne pas penser aux Matrix des Wachowski, ainsi qu’à Christopher Nolan et son célèbre casse-tête Inception…

Le début du film nous montre un flic, Danny Rourke (interprété par Ben Affleck), en pleine conversation avec sa psychiatre. Le personnage est fatigué, amaigri, il suit une thérapie suite à la disparition de sa fille quelques années auparavant. Alors que le père et sa fille partageaient un moment ensemble dans un parc de la ville, celle-ci avait brusquement disparu. Rourke avait juste détourné le regard une fraction de seconde, elle n’était plus là… La séance de thérapie touche à sa fin, Rourke est déclaré apte au service alors qu’on l’appelle justement sur une affaire urgente.

Sur le lieu du braquage en cours, il constate rapidement que certains intervenants se comportent de manière étrange. Comme agissant dans un état second. Commence alors une course contre la montre dans laquelle il va découvrir une sombre machination et des personnes aux capacités étranges. Il devra faire face à une organisation opaque, dont le but ne sera jamais très clair (bras armé secret des USA, obscure organisation criminelle, secte …?). Dans le rôle de ce père qui n’a toujours pas fait le deuil de sa fille disparue, Ben Affleck s’en sort plutôt bien, de même qu’Alice Braga (La Cité de Dieu, Le Rite, Elysium et plus récemment le Suicide Squad version 2021 de James Gunn) dans celui de sa compagne de fuite, Diana Cruz. Le grand méchant nous offre le plaisir de croiser William Fichtner, second rôle de plus d’une soixantaine de films (Heat, Armageddon, La Chute du Faucon Noir, Strange Days, En pleine tempête, Pearl Harbour, Hell Driver), surtout connu pour sa participation aux séries Prison Break et Crossing Lines. Sa présence suffit à personnifier une menace plausible, même si on aurait aimé voir le personnage de Lev Dellrayne un peu plus développé à l’écran.
Hypnotic s’avère être un drôle d’objet, une pellicule qui pourra paraître brouillonne à certains, tandis que d’autres y verront une fois encore la sincérité de son metteur en scène. Pour certains, Robert Rodriguez a réalisé un sous-Christopher Nolan. Nous préférons y voir un film à prendre au premier degré, plein de bonnes intentions, parsemé de rebondissements et qui nous donne la brève occasion de revoir cette bonne vieille trogne de Jeff Fahey.

La scène qui suit le début du générique laisse entendre qu’une suite serait possible, mais au vu des chiffres d’exploitation au box-office (très mauvais, en grande partie du fait d’une campagne publicitaire inexistante aux USA) cela est malheureusement peu probable….

Jérôme Magne

Mission impossible : Dead Reckoning, partie 1

Un film de Christopher McQuarrie

En 1996, Brian de Palma mettait en scène un premier Mission impossible sur grand écran. Dans cet excellent film, aujourd’hui qualifié « d’old school », Tom Cruise endossait pour le première fois le costume d’Ethan Hunt, cet ex-soldat d’élite aux capacités d’adaptation extraordinaires et entraîné aux techniques d’espionnage.

Près de trente années ont passé, Emmanuelle Béart, Jon Voight et Jean Reno ne sont plus là, seuls Tom Cruise, Ving Rhames et Henry Czerny sont rescapés du premier film. L’époque, les moyens financiers et la technique ont beau avoir évolués, l’histoire conserve ce qui a fait la réussite de la saga. Une sombre machination, une menace planétaire, des trahisons et des déguisements à foison, le tout agrémenté de cascades ébouriffantes (mention spéciale à la course poursuite dans les rues de Rome, et à l’arrêt brutal de l’Orient Express, au bord d’un précipice). Ce qui se fait de mieux en terme d’image et d’effets spéciaux, une technique à l’état de l’art. Cela pourrait sembler répétitif à certains, et pourtant, il n’en est rien.
La menace qui plane sur l’Humanité est mise au goût du jour. Ère numérique oblige, il s’agit d’une intelligence artificielle ayant échappé à son créateur, évolutive, qui apprend de ses erreurs et s’améliore sans cesse. Et bien évidemment animée des pires intentions. Comme quoi, depuis le classique d’anticipation Terminator de James Cameron il y a 40 ans et son sinistre Skynet, il n’y a pas grand’chose de nouveau. Si ce n’est qu’aujourd’hui l’Humanité n’est pas décimée par les robots, mais en passe d’être manipulée par la désinformation par une Entité tentaculaire. De manière toujours aussi évidente, tous les gouvernements sont prêts à tout pour mettre la main dessus.


Solution de la dernière chance, l’équipe Force Mission impossible va accepter ce nouveau défi. Les premières images se prêtent au jeu de la paranoïa : dans le milieu confiné et étouffant d’un sous-marin, l’équipage russe teste un programme permettant de rester invisible aux yeux de tous. La manœuvre militaire prendra une tournure inattendue. On retrouve ensuite Ethan Hunt, caché et seul comme toujours. Contacté par son « employeur », il va accepter une nouvelle mission au nom de son équipe. Luther (Ving Rhames) et Benji (Simon Pegg) sont là, ils vont devoir retrouver Ilsa Faust (Rebecca Ferguson), une vieille amie. Transfuge du MI6, celle-ci possède la moitié d’une mystérieuse clef qui, associée à son autre moitié, permet d’ouvrir l’accès à cette mystérieuse Entité, capable d’altérer toute vérité pour faire disparaître le monde tel que nous le connaissons. Ethan croisera la route de Grace, une jeune femme aux multiples talents. Associée à Ethan Hunt bien malgré elle, elle lui donnera du fil à retordre.
Le metteur en scène n’en est pas à son coup d’essai. Il met en images son troisième Mission impossible (et signe son quatrième scénario), et collabore pour la neuvième fois dans un long-métrage mettant Tom Cruise en haut de l’affiche. Christopher McQuarrie évolue donc en terrain connu, et le degré d’exigence et de professionnalisme de la star ne l’étonnera pas. Mais le film ne se résume pas uniquement au personnage d’Ethan Hunt. La notion d’équipe conserve toute son importance. La Force Mission impossible est envisagée comme une famille, chaque membre la composant bénéficiant du soutien indéfectible des autres membres.
Pour personnifier les enjeux, l’Entité est affublée d’un avatar en la personne de Gabriel. Cette vieille connaissance d’Ethan le connaît trop bien, et sait à quel point il est prêt à mettre la sécurité de ses proches avant la sienne. Et n’hésiterait pas une seconde à se sacrifier pour eux. On pourra regretter que ce « méchant » soit un peu trop doux, trop mielleux à notre goût. La faute à des choix d’interprétation faits par Esai Morales, pourtant habitué aux rôles ambiguës. La froideur qu’il affiche est malheureusement atténuée par un petit côté espiègle qui ternit son aura de super méchant.

Cette première partie est très divertissante, on ne voit pas le temps passer, malgré les quelques deux heures quarante que dure le film. Tom Cruise porte bien évidemment le film sur ses épaules, mais laisse à chacun l’opportunité de marquer la pellicule à son image. Connue pour son rôle de Peggy Carter dans l’univers Marvel, la comédienne Hayley Atwell incarne le petit grain de sable qui grippera la machine Force Mission impossible dans un premier temps, avant d’en devenir un allié. Un électron libre, habitué à ne suivre que son propre instinct, et à faire cavalier seul, coûte que coûte. Face à elle, les fans des films Gardiens de la Galaxie auront bien du mal à reconnaître la comédienne française Pom Klementieff, dont les traits étaient maquillés pour donner vie à Mantis. Elle interprète ici Paris, une assassine française à la solde de Gabriel, déterminée mais rattrapée par sa conscience dans la dernière partie du film.
Lorsque le rideau se lève, il le fait au bon moment. Les événements se sont enchaînés naturellement, sans temps mort, et le spectateur n’a pas eu l’impression que l’histoire s’étirait en longueur. Une juste mesure, pour un long-métrage qui remplit son objectif à 100 %. La suite l’année prochaine…

Jérôme Magne

L’Olympe sur le Rocher

Le Grand Prix de Monaco fête sa 80e édition

Le Grand Prix de Formule 1 de Monaco a toujours été un grand prix à part. Le plus beau. Le plus prestigieux. Il constitue un rêve, un tournant dans la carrière de chaque pilote. Tous les pilotes et directeurs de course vous le diront. Il est « le plus glamour de l’année, l’un des plus techniques aussi » estiment ainsi Daniel Ortelli et Antoine Grenappin dans leur très beau livre. Toutes les légendes de la Formule 1 se sont illustrées ici : de José Manuel Fangio à Sergio Pérez, dernier vainqueur et premier mexicain en passant par Niki Lauda, Jackie Stewart, Ayrton Senna qui détient le record de victoires (6) notamment celle du « tour parfait » en 1988 selon ces mêmes auteurs et Michael Schumacher. Le GP de Monaco a ainsi vu triompher des pilotes d’exception.


Le Grand Prix de Monaco de 1982 connut quatre changements de leader dans les quatre derniers tours avant la victoire de Patrese qui était pourtant parti à la faute à deux tours de la fin

Pendant longtemps, il est demeuré le seul circuit urbain avant d’être rejoint par Djeddah, Bakou et Singapour. Extrêmement exigeant, il requiert une attention de tous les instants pour dompter un tracé « hors-norme et jusqu’à ces dernières années il ne ressemblait à rien d’existant. Rouler dans les rues étroites de la Principauté au volant d’une F1 est un exercice de fou, quasi impossible à faire » estime ainsi le journaliste de l’Equipe spécialiste de Formule 1, Frédéric Ferret. La moindre erreur de pilotage peut être dramatique et il est extrêmement difficile de dépasser. Si bien que les positions sur la grille de départ déterminent souvent le classement à l’arrivée.

Si Ferrari, vainqueur à dix reprises mais une seule fois ces vingt dernières années avec le quadruple champion du monde, Sébastien Vettel, rêve de glaner cette année un nouveau trophée, le Grand Prix de Monaco ressembla surtout à une promenade des Anglais ou plutôt de britanniques avec, sur la piste, des légendes comme Graham Hill, Stirling Moss qui offrit la première victoire en Formule 1 à une Lotus en 1960, Lewis Hamilton et dans le paddock avec McLaren et ses quinze victoires.

Côté français, Maurice Trintignant dit « Petoulet » fut le premier Français de l’histoire de la Formule 1 à gagner ici un Grand Prix comptant pour le championnat du monde au volant d’une Ferrari 625, exploit qu’il renouvela en 1958. D’autres français ont suivi : Jean-Pierre Beltoise, Patrick Depailler et Olivier Panis sans oublier bien évidemment Alain Prost qui triompha sur le Rocher à quatre reprises. Mais la légende du Grand Prix de Monaco s’écrivit aussi dans le sang, celui d’accidents restés célèbres, de Lorenzo Bondini en 1967, mort dans l’explosion de sa Ferrari, à Karl Wendlinger en 1994.

A Monaco où le spectacle est à la fois sur la piste et dans les tribunes, le Grand Prix a très vite inspiré nombre d’auteurs et de créateurs. En 1966, John Frankenheimer mit en scène dans Grand Prix Yves Montand, James Garner et Eva Marie Saint sur le mythique circuit avec des cameo de Fangio, Hill, McLaren ou Brabham. En 1971, Roman Polanski signa un documentaire sur Jackie Stewart, vainqueur à trois reprises. Son Weekend of a champion en 1972 dépeint parfaitement l’excitation et le danger qui règnent sur le circuit. Tony Stark, le personnage de Marvel, créateur d’Iron Man participa même sous les traits de l’acteur Robert Downey Jr à la course dans le film Iron Man 2 (2010).

Si le 7e art célébra le Grand Prix, le 9e ne fut pas en reste notamment avec Jean Graton, le génial créateur de Michel Vaillant. Le Grand Prix de Monaco est ainsi présent dans de nombreux albums, du célèbre Pilote sans visage (1960) à L’Epreuve (2003) en passant par L’honneur du samouraï (1966) ou Champion du monde (1974). Il lui consacra même un album spécifique devenu culte, Panique à Monaco, paru en 1957. Avec son inoubliable couverture figurant la sortie de piste de la Vaillante d’Hervé Regout, le coéquipier de Michel Vaillant, l’album raconte l’histoire d’un mystérieux maître chanteur menaçant de faire exploser une bombe s’il n’obtient pas les trois millions de francs exigés. D’ailleurs Denis Lapière, le scénariste de la nouvelle série en convient : « Le circuit de Monaco est le préféré de Michel Vaillant. Il est tellement dessingénique ! Tellement particulier. On fait deux cases et les fans savent immédiatement de quel circuit on parle. C’est le plus graphique de tous, ça monte, ça descend, ça tourne ».

Rendez-vous de la jet-set et de personnalités en tout genre, le Grand Prix est aussi cet instant, ce lieu où le monde et ceux qui l’influencent se donnent rendez-vous et se croisent dans le paddock ou sur les terrasses des restaurants étoilés pour assister au spectacle, un verre de champagne à la main, de vingt hommes frôlant la mort comme dans l’amphithéâtre de la Rome antique. Alors lorsque les feux rouges s’étendront comme un pouce impérial tourné vers le bas, ils seront vingt à rêver d’inscrire leur nom dans la légende d’une course à nulle autre pareille qui, depuis quatre-vingts éditions, continue toujours autant de faire rêver le monde entier. 

Par Laurent Pfaadt

A lire :

Daniel Ortelli et Antoine Grenappin, Histoire de la Formule 1, de Jim Clark à Fernando Alonso, préface de Bernie Ecclestone, nouvelle édition, Casa éditions, 232 p.

Jean Graton, Panique à Monaco, Jean Graton éditeur, Dupuis, 48 p.

A voir :

John Frankenheimer, Grand Prix (1966)

Drive to survive, la série Netflix, en particulier les épisodes qui reviennent sur la victoire de Daniel Ricciardo et l’abandon de Charles Leclerc

Les Gardiens de la Galaxie 3

Un film de James Gunn

Adaptée au cinéma en 2014, la franchise Les Gardiens de la Galaxie a aussitôt rencontré le succès, ce qui a rapidement permis la mise en route de sa suite, sortie en 2017. Les studios Marvel se sont ensuite consacrés à exploiter d’autres personnages (Thor, Docteur Strange, Black Panther), pour finalement revenir sur la fine équipe des Gardiens.

On ne va pas tourner autour du pot, ce troisième opus est aussi réussi que les deux précédents. Tout ce qui a fait le succès de la saga est là, sans que cela paraisse répétitif, et le metteur en scène développe de nouveaux éléments, ainsi que certains déjà présents auparavant. Le film dure, là encore, 15 minutes de plus que le précédent. De là à dire que Marvel donne dans la surenchère il n’y a qu’un pas, que nous ne franchiront pas.

Les premières images sont sombres et, une fois n’est pas coutume, ne donnent pas dans la gaudriole. Un bref aperçu des origines de Rocket, l’irascible et génial petit raton-laveur qui refuse d’être décrit ainsi. Plus tard on en apprendra un peu plus sur ses origines et sur les terribles expériences dont il a été le cobaye. Aussitôt après, on retrouve la bande composée de Star-Lord/Peter Quill, Drax le Destructeur, Nébula, Mantis, Groot et bien sûr Rocket, dont on a vite compris qu’il sera le ressort dramatique du long-métrage.
Sur la planète Knowhere les Gardiens s’occupent comme ils peuvent. En fait chaque membre est surtout chargé au quotidien de veiller à tour de rôle sur Peter, celui-ci passant son temps noyé dans l’alcool, pleurant encore la disparition de sa bien-aimée Gamora. Cette routine déprimante aurait pu se prolonger encore longtemps, mais voilà, un ersatz de méchant “Superman”, Adam Warlock (étonnant Will Poulter, qui interprétait le cousin Eustache dans Le Monde de Narnia et Gally dans Le Labyrinthe), Souverain fils de la grande prêtresse Ayesha, décide de débarquer sur Knowhere en détruisant tout sur son passage, dans l’idée d’enlever Rocket. Dans la bataille qui s’ensuit celui-ci est blessé puis plongé dans le coma. Pour le sortir de là, Peter Quill va devoir dessaouler, et les Gardiens se lancer à la poursuite du Maître de l’évolution, l’apprenti sorcier qui s’est livré à toutes ces expériences sur Rocket et détient le secret permettant de le sauver.

Ce troisième épisode des Gardiens de la Galaxie emprunte une trame assez classique dans le genre, celle d’un être qui se prend pour Dieu et s’est peu à peu éloigné de son idée originelle (créer un monde parfait, peuplé de créatures aussi parfaites), face à un groupe de héros. On croise avec plaisir des personnages secondaires désormais familiers (Sylvester Stallone reprend l’uniforme de chef des ravageurs Stakar Ogord, Nathan Fillion de la série Castle celui de Maître Karja). Comme à son habitude, James Gunn a bâti son film sur trois grands piliers, l’équipe, l’action, et la musique. Les deux premiers sont communs à toutes les productions Marvel, le dernier est ici un personnage à part entière, une partie de l’âme du film.
Le cinéaste a en effet encore une fois composé une bande-son délirante, qui donne à son histoire des faux airs de dessin-animé sous acide. Certaines scènes en deviennent indescriptibles, les couleurs vives le disputant à des mélodies d’une autre époque. Les querelles au sein du groupe sont toujours présentes (elles sont indissociables de la troupe des Gardiens), mais c’est véritablement la musique qui fait des films « Gardiens de la Galaxie » un genre à part au cœur de l’univers Marvel. Star-Lord ne saurait vivre sans musique, il est resté fidèle à ses origines, baratineur, charmeur et pacifiste avant tout. Mais comme tout héros qui se respecte, il ne faut pas s’attaquer à un membre de « son » équipe.

Quand le rideau se lève, le spectateur pourra s’étonner. Peter Quill en a-t-il fini avec les Gardiens ? C’est ce que semblent nous montrer les dernières scènes (deux scènes post-génériques viennent compléter celles présentes dans le générique), et le départ de James Gunn pour le concurrent DC Films tend à le confirmer. À moins que les studios Marvel ne lui trouvent un successeur ?

Jérôme Magne