Le 30 mai 1975, le pianiste Arthur Rubinstein donne son dernier concert en Pologne. Un disque d’une beauté inouïe
Lodz, 30 mai 1975. Dans cette ville, cette Manchester polonaise, naquit en 1887 un gamin qui allait conquérir le monde. Quatre-vingt huit ans plus tard, ce même gamin, cet enfant prodige qui donna ici, à 7 ans, son premier concert et célébra Chopin dans le monde entier, est de retour chez lui. Arthur Rubinstein s’assoit alors devant son piano et de ses doigts, distille pour la dernière fois, devant un public ravi, sa magie musicale.

Ce concert est rythmé par deux concertos. Le deuxième de Chopin, ce cher Chopin dont il fut l’un des plus beaux, l’un de ses plus intenses interprètes au siècle dernier. Magnifique, impérial, grandiose comme d’habitude. Puis vient l’autre empereur, le cinquième concerto de Beethoven, pareil à un chant d’adieu à sa patrie, comme un ami qui s’éloigne doucement et qu’on a aimé plus que tout. Le second mouvement est d’une émotion à vous tirer des larmes. Les deux concertos sont encadrés par une Polonaise, celle qui danse amoureusement avec le génie depuis des décennies. Elle est tantôt blonde comme la lumière de ses interpérations, tantôt noire comme la nuit de ses nocturnes inoubliables qui renferment à jamais l’intimité de nos rencontres. En deux CD, tout Rubinstein est ici réuni : virtuosité, générosité et émotion. Dernière note jouée. Un silence puis des vivats qui montent dans l’air. Le roi de Pologne se lève, salue puis quitte sa terre natale. Il n’y reviendra plus.
Un disque pour l’histoire.
Par Laurent Pfaadt
Arthur Rubinstein, Last Concert in Poland, Frederick Chopin
Institute label, 2 CD