Comme chaque année, Hebdoscope vous propose une sélection d’ouvrages à lire durant vos vacances

James Lee Burke, Un autre Eden, traduit de l’anglais (américain) par Christophe Mercier, éditions Rivages, 272 p.

A chaque vacances son Burke. Et à chaque fois la même interrogation comme avec les romans de Joyce Carol Oates : comment réussit-il à façonner de tels bijoux littéraires et à se renouveler ? Alors oui, il y a les thèmes burkiens : la glorification de la nature qui s’apprécie, se contemple dans le miroir d’une nature humaine, sombre et détestable. La rédemption de ces êtres qui peuplent ses romans, ces êtres haïssables qui pourtant nous touchent en raison de leur volonté de se libérer de cette violence qui les emprisonne.
Un autre Eden constitue une pierre supplémentaire dans cette cathédrale noire avec ses vitraux qui représentent les personnages tout en clair-obscur de Burke et dont les reflets interpellent à chaque fois notre inconscient. Dans cet édifice, on retrouve une nouvelle fois Aaron Holland Broussard, le héros des Jaloux. Il a grandi et vit désormais dans le Colorado. Sur sa route se présente une fois de plus le grand amour avec la belle Joanne McDuffy et sa « gorge colorée comme un pétale de tulipe brisée » qu’il va falloir défendre, arracher aux griffes du mal.Dans ce deuxième opus qui relève plus du roman noir, Aaron Holland Broussard poursuit son apprentissage de la cruauté des hommes. Et dans les Enfers de Burke, notre Orphée contemporain devra affronter bien des périls pour sauver son Eurydice.
Hugh Howey, Une colonie, traduit de l’anglais par Aurélie Tronchet, Le livre de poche, 336 p.

Mondialement connu pour sa saga Silo adaptée en série par Apple TV, Hugh Howey nous embarque dans l’un de ses premiers romans, à l’époque auto-publié et réédité pour l’occasion, à bord de ce vaisseau regroupant 500 personnes destinées à coloniser une nouvelle planète. Durant ce voyage qui doit durer trente ans, une IA est censée leur enseigner tout ce qu’il leur sera nécessaire pour vivre en société. Mais au bout de quinze ans, une explosion à bord du vaisseau interrompt le processus et la soixantaine d’adolescents de quinze ans survivants sont contraints s’installer sur une planète hostile.
Débute alors l’édification de cette fameuse colonie et l’exploration de ce nouveau monde. Chacun va apporter ses compétences et en même temps construit son propre système d’autorité. Mais cette exploration laisse vite place à celle des méandres de l’âme humaine. Ce roman qui ravira un public young adult montre en réalité que nos pires ennemis sont en réalité en nous-mêmes.
Hélène Coutard, La disparition de Chandra Levy, 10/18, 224 p.

D’emblée, quand on voit le visage de Chandra Levy, on pense à Monica Lewinsky. Un visage d’ange aux cheveux noirs, innocent, presque naïf. Cela tombe bien, nous sommes à la même époque, en 2001 et Chandra Levy travaille au bureau fédéral des prisons en tant que stagiaire. Elle y fait la rencontre d’un parlementaire démocrate de Californie, Gary Condit à qui on prête un brillant avenir et avec qui elle a une liaison. Mais le 1er mai 2001 alors qu’elle fait son jogging dans le Rock Creek Park de Washington DC, tout près des institutions, elle disparaît.
Voici le décor du dernier opus de la collection True Crime en partenariat avec le magazine Society et raconté par la journaliste Hélène Coutard. Si les premières pistes se tournent naturellement vers Gary Condit, elles sont vite abandonnées car personne ne sait où se trouve Chandra Levy. Certes, le parlementaire entretenait avec elle une relation extra-conjugale et a menti sur sa vie mais cela n’en fait pas un coupable pour autant. Et lorsque le corps de Chandra Levy est enfin retrouvé, un an plus tard, dans le parc, la police arrête un immigré clandestin d’origine salvadorienne qui est condamné à soixante ans de prison sur la base d’un dossier somme toute assez mince.
Affaire classée donc. Sauf notre coupable est finalement libéré. Hélène Coutard nous conduit ainsi dans cette affaire criminelle aux multiples rebondissements, peut-être l’un des opus des plus passionnants de la série avec sa dimension politique qui rappelle les romans de John Grisham et cette nuit dans laquelle s’enfonce le lecteur.
François de Bernard, La Chartreuse de Naples, Editions Héloïse d’Ormesson, 352 p.

Habituellement, les hommes viennent contempler les toiles de maître. Mais il arrive parfois que ces dernières, imperturbables témoins de l’histoire de l’Europe, se mettent à observer les hommes. Le Mariage de la Vierge peint vers 1550 dans l’atelier du Tintoret est de ceux-là. Acheté par un marquis napolitain, Alessandro de Paladini, il est le personnage principal du très beau roman de François de Bernard, lui-même propriétaire du chef d’œuvre qu’il a déjà mis en scène dans son livre précédent.
Quelques quatre-vingt ans plus tard dans une Naples qui a vu passer le Caravage, alors que se construit la chartreuse San Martino, un monastère perché sur les hauteurs de la ville, une autre vierge de la peinture, bien réelle celle-là, Artemisia Gentileschi se retrouve menacée. Et lorsqu’elle fait la rencontre du marquis, notre tableau devient le témoin des dangers qui rôdent autour d’elle et de l’aide que le marquis lui apporte. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que Dieu lui-même, peut-être courroucé de ce génie volé à son orgueil, déclenche irruption volcanique et peste.
Une histoire enlevée et jamais ennuyeuse narrant de multiples péripéties et qui combine récits historique, policier et de science-fiction dans un savant mélange d’aventures tirées d’une très belle palette littéraire.
Marie-Béatrice Baudet, David Gaillardon, Le salon vert, A l’Elysée au cour du pouvoir, Grasset, 144 p.

L’époque littéraire est à faire parler les objets et les lieux. Hôtels, tableaux, ils sont autant de spectateurs que de nouvelles trames narratives pour aborder l’Histoire avec un grand H. Voilà que le salon vert de l’Elysée, au premier étage du célèbre palais de la République, juste à côté du bureau du président de la République, se met à table. Le salon vert et ses objets singuliers en ont vu des vertes – c’est le cas de le dire – et des pas mûres. C’est là que François Hollande a décidé de répondre aux attentats terroristes, qu’Alstom a été vendu. Il a servi tour à tour de QG, de chambre mortuaire et de salle de mariages. Lieu de confidence, il fut également celui des traîtrises les plus infâmes notamment lorsque Patrick Buisson enregistra de nombreuses conversations avec Nicolas Sarkozy et Carla Bruni.
Pour nous conter la fantastique histoire de ce lieu fait de bonheurs et de tragédies, les plûmes combinées de Marie-Béatrice Baudet, grand reporter au Monde et de David Gaillardon allient magnifiquement petite et grande histoire, témoins et archives, anecdotes et grandes décisions. Le salon vert invite à un voyage dans l’histoire de France et dans le temps et en passionnera plus d’un.
Lorina Balteanu, Cette corde qui m’attache à la terre, traduit du roumain par Marily Le Nir, éditions des Syrtes, 160 p.

C’est une merveilleuse petite pépite littéraire venue d’un pays que peu de gens savent placer sur une carte. Une pépite qui vous ouvre les yeux en même temps que ceux de cette petite fille d’une Moldavie qui était, à cette époque, un satellite de l’URSS.
Tandis que cette petite fille avance, grandit, le récit du premier roman de cette designer devient plus net, comme un brouillard qui se déchire, emportant avec lui cette nostalgie faite de ces gâteaux confectionnés, du cochon qu’on tue, du magasin de papa qui vend des bonbons, pour laisser place à cette vie où il faut s’imposer, gagner sa place et en même faire la sublime découverte de l’amour.
Derrière tout cela, avec sa magnifique plume, Lorina Balteanu, magnifiquement traduit par Marily Le Nir, dessine le décor d’un monde disparu, une sorte de Goodbye Lenine les yeux ouverts enfermé dans une bulle étanche au monde extérieur, à l’Ouest avec sa liberté perçue comme un poison tandis qu’à l’intérieur, toute initiative pour affirmer son identité est sévèrement réprimée. Car il y a une ombre que cet enfant ne perçoit pas tout de suite et qui, sans le savoir, recouvre son existence, sa famille, son pays. Une ombre faussement bienfaitrice.
Ce magnifique roman d’apprentissage et d’une certaine manière géopolitique célèbre les choses simples mais en même temps, il nous rappelle qu’elles ne sont rien sans liberté.
Michel Vaillant, Rédemption, saison 2 tome 13, Denis Lapière, Eilam, Marc Bourgne, Graton, 56 p.

L’an passé, Denis Lapière, scénariste de cette nouvelle saison nous l’avait promis : « le prochain épisode de la nouvelle saison se tiendra à Indianapolis mais de nos jours ! Alors patience… » Nous y voilà donc. Après avoir échappé dans le tome précédent à un sniper sur la piste des 24h du Mans, Steve Warson est rentré chez lui aux Etats-Unis. Mais il n’est pas pour autant en sécurité car le FBI sait que le sénateur est menacé par ces mêmes suprématismes et que se profile à l’horizon la mythique course des 500 miles d’Indianapolis que la team Vaillante et Steve Warson souhaitent bien évidemment gagner. Michel lui, a pris du recul, pour s’occuper de Françoise qui se bat contre un cancer et a laissé le volant à la talentueuse Elsa Tainmont. Tandis que se prépare la célèbre course d’IndyCar, le FBI décide de tendre un piège aux conspirateurs en utilisant un sosie du sénateur démocrate tandis que le vrai s’installe au volant de la Vaillante. Une fois de plus, le suspense est à la fois sur la piste et en dehors.
Les fans du célèbre pilote de Jean Graton retrouveront avec plaisir ce circuit qu’il a dompté à de nombreuses reprises dans des albums devenus mythiques (Suspense à Indianapolis, Le secret de Steve Warson) ou plus récemment dans le premier tome de la série Légendes. Un circuit que les auteurs sont allés ausculter notamment en rencontrant Romain Grosjean, ancien pilote de F1 passé en IndyCar. Cela donne un album qui s’inscrit dans la lignée des grands opus de la saga de Jean Graton en faisant cohabiter à merveille course automobile et thriller à l’américaine.
Robert Pike, Oradour s’est tu. Le destin tragique d’un village français, traduit de l’anglais par Julie Primon, coll. Au fil de l’histoire, Flammarion, 496 p.

Parmi les nombreuses publications qui émaillent l’anniversaire du plus important crime de guerre commis sur le sol français, à Oradour-sur-Glane, le 10 juin 1944, celle de l’historien britannique, Robert Pike, spécialiste de la France durant la seconde guerre mondiale, mérite d’être signalé. Combinant intelligemment archives et récits des survivants notamment celui de l’infatigable Robert Hebras, il donne à lire la préparation, l’exécution et les enseignements de cet épisode majeur de l’histoire de France au 20e siècle.
A travers trois parties qui forment ce livre passionnant et en même temps émouvant car il laisse en suspens certaines questions renforçant ainsi ce sentiment d’injustice avec son lot d’incompréhensions, Robert Pike revient sur ces évènements « aussi inattendus qu’immérités ». Il montre ainsi avec force que la destruction méthodique de ce village de Haute-Vienne fut également celui d’un îlot d’humanité « idyllique » avec la présence à Oradour de juifs et de républicains espagnols dont Ramona Domínguez Gil, reconnue en 2020 comme la 643e victime du massacre d’Oradour et qui périt ce jour-là aux côtés de son fils, de sa belle-fille et de ses trois petits enfants dont le dernier n’avait que vingt-et-un mois. Plus qu’un livre, cet ouvrage est une voix qu’il est nécessaire d’entendre à nouveau.
Christophe Penalan, Eden. L’affaire Rockwell, coll. Chemins nocturnes, Viviane Hamy, 384 p.

Eden, une gamine de onze ans surdouée, vue pour la dernière fois au moment de prendre ce bus qu’elle laissa filer, vient de disparaître. Eden qui ressemble à la fille de l’inspecteur Myers chargé de l’enquête et nouvellement arrivé dans ce trou perdu ou coin tranquille – c‘est comme on veut – du nord de la Californie.
Avec sa mise en scène très réussie, façon thriller avec Morgan Freeman ou Woody Harrelson, Christophe Penalan, journaliste sportif breton qui signe là son premier roman, embarque immédiatement son lecteur.
On imagine Myers, 33 ans, beau gosse cabossé façon Mark Wahlberg, Megan Bailey, la journaliste qui lui prête main-forte en Eva Mendes avec ses cheveux châtains et sa peau hâlée. Des flash-backs de disparitions d’autres enfants insérés donnent un petit côté Mindhunter. Et puis l’astuce de Penalan est de ne rien révéler jusqu’au bout. Donc on avale les pages en attendant la confrontation finale.
On pense s’attendre à tout. Les jours passent, l’espoir se réduit, d’autres meurtres interviennent, des pistes se refroidissent, des parents suspectés, des interrogatoires avec des glaces sans teint. Et Eden qui s’est volatilisée tandis que Myers commence à vaciller. Au milieu de la nuit vient alors l’épilogue, inattendue. Eh oui, c’est toujours pareil avec les bons polars. On pense être plus malin et puis non. Alors préparez-vous à passer de l’autre côté du miroir de la réalité. Il y a des criminels qui ne vieillissent jamais…
Fabrice Drouelle, Cahier de vacances, Affaires sensibles, Hors Collection, 80 p.

Plonger dans la crise des missiles de Cuba ou dans les arcanes du Vatican, traquer Dupont de Ligones ou Adolf Eichmann, revivre la séparation des Beatles et l’exploit de Nadia Comaneci avec Fabrice Drouelle et ses Affaires sensibles. Voilà ce que propose ce cahier de vacances passionnant qui sera votre compagnon idéal sur les plages de vos vacances ou sur les terrasses de vos maisons principales ou secondaires.
Un cahier qui associe culture générale et activités ludiques, parfait pour les grands et les moins grands. Des QCM pour vous plonger dans l’histoire des JO ou dans les scandales politiques de ces quinze dernières années, des jeux de piste qui vous feront revivre à merveille cette émission désormais culte de France Inter et permettront aux lecteurs de briller face à leurs profs ou à la machine à café dès la rentrée.
Alors le temps d’une double page, transformez-vous en espion du Mossad ou en enquêteur de la brigade criminelle tout en sirotant votre boisson préférée ou un cornet de frites à la main pour résoudre ces quelques affaires sensibles.
Lunettes noires et stylos indispensables. Et attention aux empreintes !
Par Laurent Pfaadt