Ses livres ne ressemblent à rien d’autre. D’ailleurs lui-même ne peut être comparé, tant Mircea Cartarescu apparaît unique et son œuvre si singulière. Il n’y a qu’à lire Solénoïde, son chef d’oeuvre même s’il faut aujourd’hui mettre ce mot au pluriel. Solénoïde, ce voyage dans les méandres de son cerveau littéraire si fécond qui vient d’accoucher d’un magnum opus hallucinant.

Le roman qui s’ouvre sur la mort de l’empereur d’Ethiopie Theodoros qui donne d’ailleurs son titre au livre est une sorte de miroir volontairement brisé par l’auteur et dont les morceaux du destin de ce fils de domestiques d’un aristocrate roumain et animé d’une ambition sans limites diffusent, chacun, leur propre lumière avant de se rejoindre dans une sorte d’arc-en-ciel littéraire prodigieux sur lequel marchent des anges, ces narrateurs du destin de l’empereur. Des anges qui nous emmènent dans le labyrinthe de l’Histoire, jouant comme Hegel avec sa raison et fatalement la nôtre, entre religiosité et métaphysique pour emprunter ces passages littéraires dont seul Cartarescu a le secret.
Il y a quelque chose de presque maçonnique dans cette trame narrative se déployant dans ce siècle occulte que fut le 19e tant l’écrivain se mue en grand horloger du temps et d’une histoire d’où finit par jaillir une lumière éblouissante et inoubliable.
Par Laurent Pfaadt
Mircea Cartarescu, Théodoros, traduit du roumain par Laure Hinckel
Aux éditions Noir sur Blanc, 608 p