Aimer Perdre

un film de Lenny et Harpo Guit

Quand on leur demande si ce sont leur vrai prénom, ils assurent que oui. S’ils s’étaient appelés Jean-Jacques et Henri, pas sure que ce duo de choc de jeunes frères réalisateurs aurait penché vers le genre de la comédie, voire du burlesque. Lenny et Harpo Guit, fils de Graham Guit, réalisateur également, étonnent avec un film foutraque porté par une héroïne antihéros, comédienne alien que l’on reverra sûrement.


Elle s’appelle Maria Cavailier Bazan, choisie à l’issue d’un casting et habituée de la scène théâtrale bruxelloise. Elle est de chaque plan et impulse une dynamique et un rythme qui servent cette comédie enlevée dans l’esprit de Fils de plouc, le précédent film des frères Guit: « Notre moteur premier, c’est la comédie, c’est ce qui nous motive au quotidien dans la fabrication d’un film, qu’est-ce qui nous fait rire ? Pourquoi ça nous fait rire ? Et essayer de creuser toujours plus pour inventer des nouvelles histoires qui peuvent accueillir des nouvelles blagues. » Avec cette comédienne, ils ont trouvé leur Charlie Chaplin, leur vagabonde qui traite son corps en outil de cinéma sans complexe, comme dans cette séance où elle pose, dans une école d’art, et qui devrait lui rapporter quelques euros. Ou bien assise sur les toilettes avec la désagréable surprise d’avoir ses règles. Quelle surprise ! Il fallait trouver l’originalité du cadrage ! En plongée ! « Il s’agissait de faire une blague de règles, féminiser les blagues pipi-caca. » Le spectateur est pris à rebrousse-poil comme il l’est souvent face à ce film au ton original qui joue avec les genres et notamment sur la frontière indicible entre fiction et réalité, avec l’impression de scènes prises sur le vif ou en caméra cachée dans les rues de Bruxelles. Sans compter les plans qui semblent pris avec un portable.

De son nom qui est à lui seul un poème, Armande Pigeon vit de débrouilles, petits larcins et combines. Les frères Guit parlent de leur personnage comme d’une malandra. « Chico Buarque un chanteur brésilien qu’on adore parle du concept de malandro : « Le malandro danse et marche, simule et dissimule, à la frontière du bien et du mal, de la légalité et de l’illégalité. Bluffeur, provocateur, c’est un dribbleur social. Pour nous Armande est une malandra. On aime cette idée, que comme une footballeuse, elle dribble les gens qu’elle rencontre, que ce soit des amis, des ennemis ou des inconnus, pour se sortir des situations. Pour Armande, chaque moment de la vie est un jeu, que ce soit en business ou en amour. Elle représente un peu tout ce que nous on n’ose pas être dans la vraie vie. Avec Armande, on se permet de vivre les aventures folles qu’on aimerait vivre. »

Ses rencontres sont étonnantes elles aussi, avec des comédiens professionnels ou non, comme Catherine Ringer, Delphine dans le film, chez qui Armande squatte un clic-clac et Melvil Poupaud, joueur fou, littéralement, mais aussi Axel Perin, Michael Zindel et Maxi Delmelle déjà vus dans les films précédents des frères Guit. Aimer Perdre ne se prend pas au sérieux même si l’histoire d’une jeune femme qui vit dans la rue et n’a pas de quoi se payer à manger n’est pas des plus drôles. Charlot pourrait être son compagnon de route.

Elsa Nagel