And Here I am

Pour nous qui défendons la cause palestinienne depuis de longues années cette prestation d’Ahmed Tobasi a été un grand moment salué avec enthousiasme par un public où la jeunesse était très présente.


© The Freedom Theater

Il faut reconnaître qu’Ahmed donne tout de lui-même pour nous entraîner avec lui dans ce parcours de vie, le sien qui commence dans le camp de Jénine fondé en 1953 en Cisjordanie pour accueillir les Palestiniens chassés de chez eux en 1948 à la création de l’état d’Israël, un camp où de nombreux groupes de résistants se sont armés pour lutter contre l’occupation israélienne. 

Lui est né là, en 1984 et a connu deux Intifada, ce qui signifie émeutes et répression.

Sur un plateau encombré d’objets hétéroclites (scénographie, Sarah Beaton) mais choisis pour une certaine pertinence, bidons, valises éventrées, balais et morceaux de bois marqués du nom du TNS (hommage au théâtre qui l’accueille et allusion à sa propre destinée théâtrale) en une remarquable prestation, très animée, très vivante, il retrace les épisodes d’une vie marquée par le fait d’être né dans un des pires endroits du monde puisque la liberté et le droit d’y vivre dépendent d’une puissance étrangère.

Drapé dans son keffieh, le grand foulard symbole de la résistance palestinienne,  se coiffant ou enlevant son petit calot rouge  de combattant (costumes Sarah Beaton) c’est en mimant avec expressivité les situations vécues, les rencontres qu’il nous introduit dans son histoire, montrant la pauvreté du camp, le désordre, l’insalubrité, puis les débuts de sa révolte quand il rêvait d’être Leonardo DiCaprio ou Rambo et qu’à 17 ans après avoir appris que son cousin était mort en kamikaze et qu’un de ses copains avait été tué par un sniper qu’il décide d’entrer dans la lutte armée. Très concrètement on le voit afficher les portraits des morts et parader avec sa kalachnikov, faisant les gestes de tirer. Mais, parenthèse dans cette époque tourmentée de son adolescence, comme pour éclairer ce sombre tableau, il nous révèle son amour pour la jeune Sanaa à qui il fait parvenir ses déclarations par un jeune enfant du camp moyennant récompense. Il joue avec habileté et humour les deux personnages de cette courte fugue, comme il imite l’intervention de son père lui déconseillant de rejoindre les résistants. Qu’à cela ne tienne, il part et se retrouve bientôt arrêté, enfermé dans une prison israélienne dans le désert du Neguev. On l’y voit se désespérer.

A sa sortie, devenu presque fou et très déprimé il veut s’immoler par le feu. C’est alors qu’il croise le Freedom théâtre créé et dirigé par Juliano Mer-Khamis qui lui fait comprendre que le théâtre est la meilleure arme pour lutter et il s’engage à fond dans cette résistance culturelle puis part en Norvège parfaire sa formation. Là, il nous montre sa joie de vivre dans un pays libre, il va et vient sur le plateau en sautant et dansant mais la dure réalité le rattrape quand il apprend la mort de son mentor, Juliano a été assassiné. Il décide de rentrer à Jénine où le nouveau directeur du Freedom théâtre, Mustefa Sheta le retient comme directeur artistique ce qu’il est toujours alors que le camp a été vidé de ses habitants par les dernières attaques israéliennes.

Cette histoire mouvementée c’est celle d’Ahmed écrite par l’auteur irakien Hassan Abdulrazzak, traduite en français par Juman Al-Yasiri mise en scène par Zoe Lafferty,

Cette immersion dans la vie d’un palestinien qui, après avoir connu de terribles événements peut dire du théâtre « la voilà ma chance pour tout changer » nous a procuré beaucoup d’émotion.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Représentation du 25 février au TNS

En salle jusqu’au 7 mars