La Nef d’Ishtar

Le débat agite toujours tant les fans que les spécialistes. Quel est le meilleur roman d’Abraham Merritt ? Les moins de cinquante ans se souviennent encore avec émotion de la couverture des éditions J’ai Lu de ces romans signée Casa et qui nous plongeait immédiatement dans l’univers à la fois fantasmagorique et troublant d’Abraham Merritt.


Aujourd’hui injustement oublié et rejeté dans l’ombre d’un Howard Lovecraft, Abraham Merritt, son aîné de quatre années, fut en réalité complémentaire du « reclus de Providence ». Célébrant en cela le centenaire de la publication de la Nef d’Ishtar, son troisième roman qui pour tout vous dire est notre préféré, en novembre-décembre 1924, les éditions Callidor redonnent vie dans leur très belle collection « l’âge d’or de la fantasy » à ce qu’il faut bien considérer comme l’un des chefs d’œuvre de la littérature fantastique.

Celui-ci relate l’histoire d’un jeune archéologue, John Kenton, qui découvre dans une stèle la maquette d’un navire, une nef aux pouvoirs magiques sur laquelle il embarque bientôt après avoir été projeté dans des temps immémoriaux. Il devient alors le témoin d’une guerre que se livrent deux divinités sumériennes, Nergal, le dieu des enfers et l’ensorcelante déesse de l’amour et de la guerre, Ishtar avec comme décor la fameuse nef d’Ishtar où il croise la route de la belle Sharane, prêtresse d’Ishtar, elle-même en lutte contre son homologue maléfique, Klaneth. Ici, à la différence d’un Lovecraft qui créa son propre monde, Merritt situe l’action de son roman dans des civilisations lointaines.

Dans cette magnifique édition, le lecteur, en plus de s’imprégner de l’intrigue de Merritt, pourra savourer les merveilleuses illustrations à la fois de Roger B. Morrison, premier à avoir mis en images le roman de Merritt ainsi que celle de Virgil Finlay qu’embaucha Abraham Merritt à The American Weekly, le supplément du dimanche publié pendant 70 ans notamment dans le New York Journal. Un Virgil Finlay à qui nos Casa, Siudmak ou Graffet doivent beaucoup.

Mondes anciens et parallèles, divinités maléfiques, manichéisme, tous les ingrédients de cette fantasy des années 20-30 se trouvent réunis dans ce roman devenu culte pour bon nombre d’écrivains qui ont suivi cette génération, à commencer par Tim Powers, auteur, entre autres, des Voies d’Anubis en 1983, vainqueur du prix Philip K-Dick, où l’on retrouve les thèmes du voyage dans le temps et la lutte du bien contre le mal. Dans la préface d’un livre qu’il considère comme « intemporel », Tim Powers estime ainsi qu’« il se pourrait bien qu’il ne soit plus possible d’écrire un livre comme celui-ci de nos jours ».

Avec cette édition du centenaire en forme de petit diamant littéraire, tout semble réunit pour découvrir cet auteur oublié ou pour simplement posséder un livre renfermant un trésor, comme un grimoire que l’on ouvre et qui vous plonge dans l’inconnu.

Par Laurent Pfaadt

Abraham Merritt, La Nef d’Ishtar, coll. L’âge d’or de la fantasy, traduit de l’anglais (américain) par Luc Lavayssière, en collaboration avec Pauline Contant et Thierry Fraysse
Aux éditions Callidor, 408 p.

A lire également les autres romans d’Abraham Merritt publié aux éditions Callidor, Le visage dans l’abîme et Les habitants du mirage à retrouver sur www.editions-callidor.com/age-dor