Le livre des nombres

Le train vient de s’arrêter au milieu de la campagne transylvanienne.
En pleine Roumanie. Les voyageurs se pressent aux fenêtres et
voient des paysans. Mais les démons qui les assaillent sont bien pires
que les vampires. Il s’agit des affres du 20e siècle qui vont, dans ce
roman magistral, s’acharner sur les quatre générations de cette
famille de gens simples. A travers l’histoire de cette saga qui
traverse tout le siècle dernier, la romancière roumaine Florina Ilis a
bâti, à travers la voix de son narrateur et des différents
interlocuteurs qui s’y agrègent, un véritable puzzle mémoriel. Avec
une langue puissante, elle suit une sorte de quête visant à lutter
contre l’oubli, celui du temps qui efface tout et qui plonge les êtres
dans les marécages de l’histoire jusqu’à disparaître, que leurs vies
furent tragiques, heureuses ou les deux à la fois. Creusant la
mémoire et le passé comme on déterre sans le savoir les restes d’un
cadavre, le lecteur avance avec elle, entre excitation de ressusciter
quelque chose et crainte que cette découverte ne vienne causer plus
de  dégâts. Mais le lecteur, conduit par Florina Ilis, avance malgré
tout car au final, pour ces paysans comme pour nous, le pire est
d’ignorer son passé. Car sans lui, pas de futur. Alors est-on passé à
côté d’un chef d’œuvre ? Assurément oui.

Par Laurent Pfaadt

Florina Ilis, Le livre des nombres, traduit du roumain par Marily le Nir
Aux éditions des Syrtes, 522 p.