Dans le cadre de son Temps fort intitulé « Corps politique » Le Maillon a présenté avec Pôle-Sud, CDCN la dernière création de la chorégraphe chinoise Wen Hui de la compagnie Living Dance Studio, sise à Beijing.
En compagnie de quatre danseuses, elle montre dans différents tableaux la condition féminine.

Pendant que le public s’installe se tient déjà sur le plateau le personnage d’une femme, tenant serré contre elle un gros baluchon, elle sera bientôt rejointe par deux autres femmes, elles-mêmes porteuses d’un gros sac .Toutes d’âges différents( Alessandra Corti, Patcharaporn Kuger-Distakul, Parvin Saljugi, elles sont rattrapées par la plus ancienne, Wen Hui, elle-même et c’est parti pour une rencontre au cours de laquelle, elles sortent, tissu et couettes de leur ballot pour s’installer dessus et se faire des confidences sur leur vie, des propos qui sont traduits et projetés en surtitrage car les comédiennes d’origine diverses s’expriment dans leur langue (chinois, indien, anglais). C’est qu’il y a à dire et montrer sur le sort qui leur est réservé en tant que femme, en commençant par ce problème crucial qui est celui de la maternité, la subir, la désirer ou la refuser et donc de l’accouchement comme viendra le rappeler Wen Hui dans une courte allocution directement adressée au public, et qui fait allusion entre autres à la politique de natalité en Chine qui a changé du tout au tout, passant de la norme de l’enfant unique dans les années 79 à celle plus récente de faire trois enfants, il ne perd pas, hélas, de son actualité ce nouveau spectacle est tout aussi nécessaire et pertinent que l’ancien.
En traduisant par des manipulations de tissus, tantôt déployés, tantôt ramassés en grosses boules, on perçoit l’alternance entre ces moments de vie exposées au fardeau de l’enfant qu’il faut porter dans son ventre puis au problème de l’accouchement, sans oublier les nombreuses tâches que toute femme se doit d’accomplir comme s’occuper du linge, le laver, l’étendre, le plier, le ranger, nourrir la famille, et l’alternance avec ces moments de grâce, de répit où l’on peut goûter à la liberté, tissus déployés qu’on fait voltiger et corps en bondissements, extensions, courses et cavalcades, danse pour exprimer le désir de liberté, la nécessité de la revendiquer et de la vivre de temps à autre pour survivre. Comme l’illustre cette bataille de polochons qui jaillit soudain entre elles.
Moments de paroles, moments de danse se succèdent ou s’interpénètrent. La même complicité, la même énergie parcourent ces prestations autant esthétiques que politiques, témoignant d’un engagement souligné par les images vidéo de manifestations de femmes, trop souvent réprimées (vidéo Rémi Crépeau).
Un spectacle intelligent et sensible qui alerte sur la condition des femmes encore bien malmenées dans le monde malgré toutes les prises de position en leur faveur qui ne cessent de se multiplier.
Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope
Représentation du14 mars au Maillon