Depuis l’invasion russe en février 2022, Andrei Kourkov est devenu la grande voix littéraire de la résistance ukrainienne. Récompensé par de nombreux prix dont le Médicis étranger pour les Abeilles grises en 2022, l’écrivain s’est exilé en Allemagne où d’interviews en festivals – nous l’avions rencontré au festival America de Vincennes pour un dialogue avec l’Irlandais du Nord Michael Magee sur ces guerres qui corrodent le cœur des hommes – il ne cesse de dénoncer l’occupation russe sous toutes ses formes et d’affirmer la singularité de l’identité ukrainienne.

Après son Journal d’une invasion (Noir sur Blanc, 2023), Kourkov poursuit dans cette suite, l’exploration de cette guerre racontée de l’intérieur et qui affecte tout un peuple. Passé le choc et la sidération, la guerre s’est installée dans les foyers, sur le front. A la fois drôle et tragique, Notre guerre quotidienne, couvrant une période allant d’août 2022 à février 2024 et récompensée par le prix Transfuge du livre européen en 2024 nous emmène dans cette guerre vécue au quotidien, à Kiev, Izioum ou Kherson qui glorifie ces actes singuliers de résistance, parfois minimes mais ô combien symboliques. Une guerre qui comme le rappelle Andrei Kourkov, a fait prendre conscience à ses compatriotes qu’il existait bel et bien une mémoire collective et que celle-ci avait été piétinée, sciemment falsifiée par une Russie qui a fait d’ailleurs de même avec sa propre mémoire.
Notre guerre quotidienne laisse pourtant un goût amer dans la bouche du lecteur au regard des derniers développements du conflit notamment depuis l’élection de Donald Trump et l’humiliation du président Zelensky dans le bureau ovale. « Pour de nombreux Américains, la guerre en Ukraine est presque devenue « leur » guerre » écrit ainsi Kourkov le 15 janvier 2023. Des mots qui paraissent aujourd’hui bien lointains.
Par Laurent Pfaadt
Andrei Kourkov, Notre guerre quotidienne, traduit de l’anglais par Johann Bihr et Odile Demange
Aux éditions Noir sur Blanc, 256 p.