Panzer Faust

Jean Lopez signe la première biographie française d’Heinz Guderian, le père de l’arme blindée allemande

Il fut un adepte de la guerre éclair, la fameuse blitzkrieg et pourtant il remporta sa plus belle victoire en pratiquant une guerre d’usure. Mais celle-ci ne fut pas militaire plus plutôt historique et hagiographique. Théoricien de l’arme blindée allemande durant la seconde guerre mondiale, le général Heinz Guderian fut l’un des artisans de la victoire éclair sur la France en 1940 avant d’être disgracié par Hitler comme nombre de ses pairs lors de la guerre à l’Est. Manifestant une certaine réserve quant à l’opération Barbarossa que détaille parfaitement Jean Lopez, grand spécialiste et auteur d’un ouvrage de référence sur la question, Heinz Guderian participa pourtant au plan d’invasion en fidèle soldat qu’il fut. Après l’échec devant Moscou en décembre 1941 puis l’enlisement sur le front russe, celui que ses hommes appelaient Schneller Heinz (Heinz le rapide) fut remplacé par Erich von Manstein et nommé inspecteur général des blindés.

Pendant longtemps, profitant de la mort des autres généraux du Troisième Reich et d’une certaine mansuétude des Alliés, il se construisit une légende pour se dépeindre comme un nazi contraint, presque une victime de l’hubris d’un Führer se considérant comme un génie militaire et la réincarnation de Frédéric II de Prusse. L’excellente biographie de Jean Lopez balaie tout cela. Sans omettre le génie militaire de Guderian qui fut réel mais dont les considérations sur l’arme blindée étaient également partagées par d’autres militaires et notamment le colonel de Gaulle, Jean Lopez montre qu’Heinz Guderian fut un fidèle serviteur de son Führer et un nazi convaincu sinon pourquoi accepta-t-il de purger l’armée après l’attentat du 20 juillet 1944 et de devenir le chef d’état-major de l’armée de terre d’un Reich au bord de l’abîme si ce n’est mué par une admiration mystique envers son Führer ? Car comme le rappelle Jean Lopez « sur sa fin de carrière à la tête de l’Etat-Major général de l’armée de terre, soyons clair : ce qu’il a fait dix autres auraient pu le faire. »

En réalité, Heinz Guderian fut le Faust du Troisième Reich, vendant son âme au diable en échange de l’application de ses idées militaires et ses rêves de grandeur et de gloires militaires. Un Faust mis à nu magistralement par Jean Lopez et désormais condamné à errer dans le purgatoire de l’Histoire avec le poids de sa compromission.

Par Laurent Pfaadt

Jean Lopez, Heinz Guderain, le maître des panzers
Chez Perrin, 560 p.