La maison d’édition Philippe Rey fête sa vingtième rentrée littéraire
Qu’on se le dise : cet homme ne craint ni les chutes, ni les cataractes des grands fleuves, ni les tempêtes de l’histoire et des océans. Il y a vingt ans une nouvelle maison d’édition sortait ses premiers ouvrages : Philippe Rey du nom de cet éditeur passé par Stock et passionné de littérature étrangère. Et pour partir à la conquête des lecteurs et du monde éditorial français, ce nouveau capitaine des lettres lançait son navire amiral : Joyce Carol Oates. De délicieuses pourritures, premier titre qu’il publia de l’autrice américaine nobélisable depuis 1979, à son prochain roman Babysitter en octobre, quelques monuments de la littérature américaine ont depuis pris d’assaut les tables de chevet des lecteurs français : Mudwoman (meilleur livre étranger en 2013 pour le magazine Lire), Un livre de martyrs américains (2017), l’un des plus grands livres écrits sur le corps des femmes et bien évidemment Les Chutes, récit de la destruction d’un couple qui valut en 2005 à son autrice et à son perspicace éditeur le prix Femina étranger.

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D’une Joyce à une autre, notre capitaine traversa sans difficulté le continent américain agrégeant à son catalogue Jeannine Cummins, Rebecca Lee, Thomas King ou Nathan Harris dont La douceur de l’eau sur fond de guerre de Sécession se hissa en 2022 dans les deuxièmes sélections du Femina étranger et du Grand prix de littérature américaine, avant de rencontrer Joyce Maynard. Révélée avec Long Weekend, l’autrice américaine francophone et francophile a, en compagnie des éditions Philippe Rey, tissé une relation littéraire avec le public français qui ne s’est jamais démentie et a culminé avec Où vivaient les gens heureux, Grand prix de littérature américaine 2022 et véritable best-seller qui s’est écoulé à près de 100 000 exemplaires.
Après avoir conquis un continent et avoir, de par le monde, révélé au public français de nouvelles voix tant australienne (Robert Hillman) que chinoise (Xu Zechen), Philippe Rey traversa l’océan atlantique et remplit les coffres littéraires de son navire d’un deuxième prix Femina étranger (2015) avec La couleur de l’eau de la britannique Kerry Hudson, de la poésie d’une Tina Vallès ou de l’émotion de Deux vies d’Emanuele Trevi, prix Strega 2021, le Goncourt « italien ». Il ne restait plus qu’à conquérir cette autre terre promise littéraire, la plus inaccessible. Et c’est en compagnie d’un prophète littéraire africain, Mohamed Mbougar Sarr, porteur d’une langue française en perpétuelle évolution et armé de cette torche de la francophonie qu’il a toujours porté dans son catalogue avec Souleymane Bachir Diagne ou Patrice Nganang, que notre capitaine atteignit les rivages de la plus secrète mémoire des hommes, celle où se niche les livres appelés à rester comme ce prix Goncourt 2021.
Aujourd’hui, vingt ans après sa première rentrée littéraire, les éditions Philippe Rey devenues incontournables dans le paysage éditorial français affichent une maturité que reflètent parfaitement les deux titres publiés en ce mois de septembre : L’hôtel des Oiseaux d’une Joyce Maynard, caravelle aux multiples tours du monde qui figure dans la première sélection du Femina étranger et Ce que je sais de toi d’Eric Chacour, nouvelle voix francophone venue du Canada et dont le livre, récent finaliste du Prix du Roman Fnac et figurant dans la première sélection du Femina 2023 pourrait bien emmener une fois de plus les éditions Philippe Rey sur les rivages des mystérieuses cités d’or de la littérature française.
Par Laurent Pfaadt