Robespierre, le sphinx mélancolique

On connaît tous Maximilien de Robespierre, figure à la fois vénérée et haïe de notre République, surnommé l’Incorruptible pour cette intransigeance qui le conduisit à condamner à mort le roi Louis XVI et ses propres amis révolutionnaires, Danton mais surtout Camille Desmoulins qu’il fréquenta au collège Louis-le-Grand.


Mais derrière le marbre républicain fracassé un certain 10 Thermidor en pleine Terreur, qui est réellement ce mal-aimé de l’Histoire pour reprendre le titre de la très belle collection des éditions Delcourt ?

C’est ce qu’a voulu savoir Makyo, l’auteur de cet album très réussi. Pour cela, il a fallu humaniser ce « sphinx mélancolique », surnom de Robespierre à Louis-le-Grand. Makyo a ainsi descendu ce solitaire passionné par les écrits de Rousseau de sa statue révolutionnaire pour montrer les doutes, les hésitations et parfois les contradictions de ce tribun – on déguste littéralement les discours mis en scène tout au long du récit – qui souhaitait abroger la peine de mort avant de la réclamer pour le roi. Grâce à d’astucieux flashbacks, la BD permet de mesurer cette radicalisation prompte à empoisonner même les esprits les plus féconds. Ici, à travers la figure de Robespierre, on comprend pleinement la célèbre phrase du girondin Vergniaud, guillotiné  le 31 octobre 1793 : « La Révolution est comme Saturne : elle dévore ses propres enfants ». Et contrairement à un David qui fut proche de ce Robespierre dont l’auteur n’hésite à recréer leurs rencontres secrètes au Louvre, Makyo a fait le choix judicieux d’un portrait de salon, intime, plutôt que d’une peinture historique de musée. Cela donne une biographie toute en nuances avec des couleurs alternant feu du verbe et noir de la tyrannie.

Par Laurent Pfaadt

Makyo, Simone Gabrielli, Alessandro Polelli, Robespierre, le sphinx mélancolique
Aux éditions Delcourt, 96 p.