L’ancien diplomate Georges Ayache nous raconte l’histoire fascinante des Roosevelt
Les Etats-Unis aiment les dynasties. Les dynasties politiques qui construisirent le mythe d’une nation jeune, le mythe d’une république arrachée à un roi qui célébra pourtant, avec les Roosevelt et avant les Kennedy et les Bush, sa première famille régnante. Car les Roosevelt doivent être regardés à travers le miroir de la seconde guerre mondiale, avec les Kennedy, dont ils partagent bien des points communs : une présidence des Etats-Unis – la mort de Bob Kennedy empêchant d’égaler la double présidence des Roosevelt – s’achevant par un sacrifice pour la nation : l’assassinat de JFK et la maladie de Franklin Delano Roosevelt interrompant un troisième mandat unique dans l’histoire des Etats-Unis, et la présence de femmes d’envergure.

Georges Ayache, diplomate et auteur de nombreux ouvrages consacrés aux Etats-Unis, connaît bien les Kennedy pour leur avoir consacré quelques livres notamment une biographie du fondateur de la dynastie (Joe Kennedy, le pouvoir et la malédiction, Perrin, 2018). Il nous emmène cette fois au sein des Roosevelt, cette autre famille mythique qui ne se réduisit pas à leurs deux présidents et à Eleanor et compta dans leurs rangs quelques individus complexes et fascinants.
Si les Roosevelt étaient un arbre, ils seraient assurément un chêne tant il s’étend sur cette période où l’Amérique bâtit sa prospérité, tant ils ont « fait » de l’Amérique la première puissance du monde. Une famille dont le visage reste gravé dans une montagne et pour qui la constitution des Etats-Unis a été modifiée. Rien que cela. Et si elle plonge ses racines en Europe et plus particulièrement aux Pays-Bas, la famille Roosevelt se divisa en deux branches distinctes, celle d’Hyde Park (Franklin Delano) et celle d’Oyster Bay (Theodore) qui dominèrent avec d’autres l’aristocratie newyorkaise. Comme dans un roman, l’auteur coure sur ces branches qui suivirent des destinées politiques différentes puisqu’au républicain Theodore, président entre 1901 et 1909 succéda, un quart de siècle plus tard, un Franklin Delano (1933-1945) qui adopta une politique interventionniste tant intérieure avec le New Deal que sur la scène internationale, notamment après Pearl Harbor en 1941. Deux hommes qui, jusqu’à JFK, personnifièrent une présidence des Etats-Unis jusqu’alors bien terne. Deux Roosevelt si différents de prime abord et qui pourtant se ressemblaient terriblement.
Comme dans toute famille, les Roosevelt connurent également désaccords, disputes et trahisons. Dans un chapitre qui tient presque du film hollywoodien baptisé Roosevelt vs Roosevelt, Georges Ayache raconte ainsi comment l’élection de Franklin Delano déchira le clan d’Oyster Bay, pro-républicain, et qui n’avait jamais accepté que le cousin prenne cette lumière promise à Ted Jr, le fils de Theodore.
Georges Ayache montre également qu’à l’instar des Kennedy, les femmes jouèrent des rôles fondamentaux et participèrent à la renommée des Roosevelt, inscrivant ces derniers dans la mémoire collective. Tout le monde a en tête bien évidemment Eleanor Roosevelt, la « First Lady of the World » qui joua un rôle prépondérant sur la scène internationale notamment lors de la création des Nations-Unies. Mais l’auteur dévoile ces autres femmes, « Princesse Alice », Edith, Conie ou Sara, ces matriarches ou progressistes annonçant les Jackie, Rose Kennedy et Barbara Bush de l’après-guerre.
Avec ce livre passionnant qui fourmille de détails et nous emmène dans l’histoire non seulement des Etats-Unis mais du monde durant la fin du 19e siècle et la première partie du 20e siècle, Georges Ayache nous conte l’histoire d’une famille qui aura laissé « une trace beaucoup plus profonde et durable dans la société américaine » que les Kennedy et a fini par se confondre avec l’histoire d’un pays.
Par Laurent Pfaadt
Georges Ayache, Les Roosevelt, une dynastie américaine
Chez Perrin, 384 p.