Si Varsovie a été quasiment détruite à l’issue de la seconde guerre mondiale, l’histoire y est demeurée omniprésente
Une ville pareille à un fleuve. Avec sa source souvent teintée de sang et son estuaire qui regarde fièrement vers l’avenir. Les habitants de Varsovie ont l’habitude de dire que l’histoire réside sous leurs pieds, dans la terre mêlée de cendres et de ruines desquelles ont été tirées le béton de ces gratte-ciel qui se dressent aujourd’hui fièrement tels la Varso tower, qui, du haut de ses 310 mètres, est la plus haute tour d’Europe. Du béton mais également le métal de ces anciennes usines d’électricité ou de produits de placage et d’argent reconverties en endroits branchés où se masse la jeunesse polonaise contribuant ainsi à faire de la ville la destination touristique préférée des Européens en 2023. Sur la Nowy Swiat, la « Voie Royale », l’une des grandes artères de la ville où les pierogis, les fameux raviolis, côtoient le khachapuri géorgien, ce pain plat cuit à la poêle et garni d’un mélange de fromages et les fast food, l’histoire irrigue depuis toujours et en permanence une ville à nulle autre pareille, à l’image de cette Vistule qui la traverse et la construit. Des pierres qui hier, édifiaient des usines, sont celles qui pavent le chemin de ces jeunes Européens.

Une ville à l’identité juive encore très marquée et symbolisée par le musée Polin, institution culturelle retraçant brillamment et à grands renforts de pédagogie l’histoire des juifs de Pologne qui a fêté cette année son dixième anniversaire et qui se trouvait en plein ghetto. Ici près de 300 000 juifs y furent regroupés avant d’être déportés depuis la sinistre Umschlagplatz vers le camp d’extermination de Treblinka situé à une cinquantaine de kilomètres au nord de la capitale polonaise. Situé en pleine forêt, le site mérite assurément un détour pour la solennité de ce lieu hérissé de 17 000 pierres tombales où près de 900 000 juifs périrent entre 1942 et 1943.
A l’image des remous du fleuve, Varsovie peut être capricieuse, rebelle. Elle l’a démontré à plusieurs reprises : par deux fois contre l’occupant allemand : en 1943 avec la révolte du ghetto puis en août 1944 avec sa fameuse insurrection qui a fêté son 80e anniversaire mais également face au communisme avec Solidarnosc et quelques espions tels Ryszard Kuklinski qui a donné son nom à un nouveau musée de la guerre froide. Ayant rejoint l’Union Européenne, les cataractes de l’histoire sont alors devenues musées tels celui de l’insurrection de Varsovie avec, grâce à une scénographie parfaitement réussie entre mitraillettes Sten et presses clandestines, de magnifiques reconstitutions de rues ou d’égouts – sans les odeurs on vous rassure – où circulaient les insurgés.

copyright Polish History Museum
Ces musées, à l’image des affluents de l’immense fleuve de histoire, ont fini par converger vers de nouvelles institutions telles que le musée de l’histoire polonaise, immense palais futuriste – la troisième saison de la série Fondation sur Apple TV y a été tournée – regroupant espace muséal, bibliothèque, salles de conférences, de musique – un auditorium capable d’accueillir 580 personnes et un orchestre symphonique – et de cinéma et qui ambitionne de devenir, selon le porte-parole de l’institution, Michal Przeperski, « l’endroit culturel où il faut être ». Conçu par le WXCA Architectural Design Studio, le complexe qui abrite également sur son esplanade le musée de l’armée et le futur musée de Katyn est, avec ses 44 000 m² l’un des plus grands d’Europe. Sa conception puise dans la métaphore de la pierre pour narrer l’histoire polonaise. Cela tombe bien puisque l’une des premières expositions temporaires s’attache à démontrer à travers le cinéma, la littérature ou les rites funéraires, le pouvoir du storytelling. Un pouvoir que s’évertuera également à dispenser, à partir de la création contemporaine, le nouveau musée d’art contemporain dont l’ouverture est prévue à la fin du mois d’octobre. Des pierres qui désormais ne résident plus sous les pieds des Varsoviens mais se dressent vers le ciel comme pour écrire une nouvelle histoire.
Si l’histoire se trouve dans les abysses d’un fleuve dictant à la ville son destin et dans ces épreuves qui ont été souvent tragiques, elle résonne également dans ce ciel que Frédéric Chopin et aujourd’hui le Cross-Culture Warsaw Festival illuminent de leurs musiques. Autant dire que les remous d’une ville toujours en effervescence n’ont pas fini de résonner et de séduire tous ceux qui voudraient se plonger dans ce fleuve multiculturel en perpétuel mouvement.
Par Laurent Pfaadt
Où dormir : Le Motel One Warsaw-Chopin situé en face du Musée Chopin offre d’excellents services et un excellent Urban Breakfast Bio qui vaut le détour. Chambre à partir de 73 euros.
Où manger : Les deux restaurants The Eater propose de merveilleux plats revisités de la cuisine polonaise notamment des pierogis, la spécialité nationale, ces succulents raviolis fourrés dans leur sauce au yaourt ou des panko crusted potatoes, des croquettes de pommes de terre fourrées au fromage.
Pour préparer votre voyage, consultez le site de l’office de tourisme polonais sur :https://www.pologne.travel/fr