La Abuela

 Un film de Paco Plaza

On avait découvert Paco Plaza au début de l’année 2008 au
Festival International du Film Fantastique de Gérardmer. Il y
présentait REC, coréalisé avec Jaume Balaguero, dans le cadre de
la compétition. Le film avait récolté trois récompenses dans la
Perle des Vosges, le Prix du Jury, le Prix du Public, et enfin le Prix
du Jury Jeunes. Paco Plaza allait continuer l’aventure en réalisant
deux suites, pour ensuite laisser Jaume Balaguero réaliser seul le
quatrième et dernier opus.

Avec La Abuela le metteur en scène avait fait le déplacement pour présenter le film aux festivaliers en ce début d’année 2022. Sur la scène de l’Espace Lac, il est alors revenu sur les souvenirs de sa première fois à Gérardmer avant d’introduire brièvement l’histoire. Présenté dans la compétition du 29ème Festival International de Gérardmer, La Abuela n’en est pas reparti les mains vides. Il a dû se partager le Prix du Public avec le film irlandais Samhain mis en scène par Kate Dolan, sur une soirée d’Halloween bien barrée.

Les premières images de La Abuela nous donnent des indices sur sa fin. Nous faisons la connaissance de Pilar, la grand-mère du titre, qui vit dans un grand appartement au coeur de Madrid. Très élégante, elle boit son café dans un bar avant de rentrer chez elle. Au milieu de son salon un corps inanimé étendu sur le sol… Un peu plus tard on apprend qu’un grave AVC va la laisser fortement diminuée. Prévenue, sa petite fille Susana devra interrompre sa carrière de mannequin (elle était sur le point de percer dans le milieu de la mode à Paris) pour venir s’occuper d’elle sur place. Dans le grand appartement de vieux souvenirs vont ressurgir, et l’aïeule s’avérer moins inoffensive que son état le laisse supposer.

L’état de Pilar nécessitant la présence d’un aidant 24H/24, Susana va dans un premier temps s’installer sur place. Elle sera aux petits soins pour sa grand-mère et ne la quittera pas d’une semelle. Le metteur en scène a commencé son histoire avec une scène forte laissée sans réponse, il poursuivra par petites touches minutieuses. Il choisit de prendre son temps, décrit en profondeur le personnage de Susana (interprété par Almudena Amor avec une justesse impressionnante pour un premier film) et la met face à une boogeywoman originale (dans le rôle de Pilar, l’ancienne mannequin brésilienne de Chanel Vera Valdez accapare l’écran).

Le Fantastique s’immisce vite dans le film, mais de manière insidieuse. De petits détails, une musique particulière ici, certains gestes de la grand-mère là. Paco Plaza fait monter progressivement la tension en utilisant les trois éléments principaux dont il dispose : Susana, dont l’esprit va progressivement vaciller à la lecture d’un vieux journal lui ayant appartenu, Pilar, dont les apparitions/disparitions et le mutisme renforcent le côté inquiétant, et enfin l’appartement, qui est lui-même un personnage à part, chaque pièce étant susceptible d’abriter le Mal. Aucune pièce n’est réellement propice au repos, l’appartement apparaissant alors comme l’antre d’une entité maléfique.

Avec La Abuela le réalisateur a souhaité raconter une histoire sur les liens de la famille, très forts dans la société espagnole, et les confronter à l’élément surnaturel. L’association des deux est plutôt naturelle. Il y a dans La Abuela des choses prévisibles, mais la manière de les amener permet de l’oublier. La conclusion du film, à la fois sensible et glaçante, fait partie des thèmes chers aux amateurs de genre. Un petit côté Le Témoin du mal (Gregory Hoblit, 1998) pas déplaisant. Le Jury ne s’y est pas trompé, en lui remettant son Prix lors de la cérémonie de clôture sur la grande scène de la salle de l’Espace Lac.

Jérôme Magne