A l’occasion de la présentation de la traduction de son livre, Les Cartier, à l’Abu Dhabi International Book Fair par le Kalima Translation Project de l’Abu Dhabi Arabic Language Centre, ouvrage qu’elle a consacré à son illustre famille et qui a rencontré un immense succès, Hebdoscope a rencontré son autrice, Francesca Cartier Brickell.

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Comment cette histoire a-t-elle débuté ?
Mon grand-père vendit Cartier en 1974. Tous les étés, je passais mes vacances dans la maison familiale en France. C’était un homme incroyable. Modeste et gentil. Lors de ses 90 ans, il est allé à la cave chercher une bouteille de champagne. Ne le voyant pas revenir, je suis allé à sa recherche et j’ai trouvé une malle pleine de lettres que je me suis mis à lire. Il y avait là l’histoire de la famille sur cinquante ans. Je lui ai alors demandé s’il pouvait me raconter cette histoire incroyable. C’est ainsi que ce livre est né.
Comment avez-vous procédé pour écrire ce dernier ?
Ces lettres parlent de différents membres de la famille, de mon arrière-arrière-grand-père Alfred et de ses fils, Louis, Pierre et Jacques, mon arrière-grand-père, qui se sont partagés le monde pour faire de Cartier la plus grande entreprise de bijoux du monde, l’un à Paris, la capitale culturelle du monde, Pierre à New York où se trouvait l’argent et le plus jeune, Jacques, qui s’occupa de l’Angleterre et des colonies britanniques, et fut le globe-trotter de la famille.
En plus, il n’y avait pas d’ordre chronologique dans ces lettres, elles évoquent aussi bien la révolution russe que la première guerre mondiale où mon arrière-grand-père fut gazé, la grande dépression aux Etats-Unis, la fin des Indes britanniques, etc. C’était un véritable puzzle que j’ai dû reconstituer pendant des centaines d’heures. Mon expérience dans la finance à la City m’a également aidé à comprendre comment analyser une entreprise, à la fois son succès mais également son déclin.
Ce qui m’a passionné plus que tout fut de voir comment vous survivez, en tant que petite entreprise familiale, à tous ces évènements majeurs du 20e siècle. Mais, je voulais avant tout faire de mon histoire familiale, une histoire humaine, l’histoire d’une famille sur quatre générations avec ses échecs, ses histoires d’amour, ses peurs.
Vous ne vous êtes pas contentés d’écrire une histoire je crois…
Oui, je suis allé rencontrer les familles que mes aïeuls avaient côtoyés. En Inde, j’ai rencontré dans le même palais, les descendants du Maharadjah que mon arrière-grand-père connaissait. Au Bahreïn, j’ai retrouvé sa trace dans le commerce de la perle. Je suis allé également à New York ou à Paris car ce livre raconte aussi les histoires de Louis et de Pierre. Ce travail s’est également appuyé sur de nombreuses recherches pour les ramener à la vie.
Avez-vous rencontré des difficultés pour réunir les pièces de ce gigantesque puzzle ?

Oui, énormément. Car il s’agit d’une histoire tellement grande que vous ne pouvez pas tout savoir. Je me suis sans cesse posée la question de la véracité de leurs propos et il m’a fallu, en permanence confronté leurs mots aux sources, aux mémoires de gens qui les avaient connus pour garder l’objectivité nécessaire à l’écriture de ce livre, de cette aventure qui continue toujours et qui a changé ma vie.
Interview de Laurent Pfaadt pour l’hebdoscope
Francesca Cartier Brickell, Les Cartier
Aux éditions Les Arènes, 616 p.