La forteresse

Avec La Forteresse, spectacle initié par le Groupe 48 de l’Ecole du TNS, mis en scène par Elsa Revcolevschi, nous nous retrouvons quelques années en arrière, époque où la psychiatrie se remettait en question et ouvrait des établissements comme la clinique Borde à Cour-Cheverny où l’on y pratiquait des expériences de vie sur le bateau L’Adamant, qui a été documenté dans film de Nicolas Philibert, sans oublier le courant de l’antipsychiatrie né dans les années 6O qui dénonçait la psychiatrie et l’enfermement comme des outils de répression.


©Jean-Louis Fernandez

Avant la représentation nous sommes invités à voir une exposition d’œuvres réalisées par des personnes qui ont été hospitalisées dans une de ces cliniques qui a fermé, celle des Rives à Montpalette et ce, dans le cadre du programme national de mise en valeur du patrimoine culturel et artistique des hôpitaux et cliniques psychiatriques françaises. Toutes les œuvres présentent la particularité d’être composées avec les matériaux qui se présentaient  aux résidents, cartons , bouts de tissus  et autres objets  que leur imagination a  rassemblés,  agencés pour en faire ces réalisations surprenantes comme, entre autres ce bateau négrier ou cette œuvre fabriquée avec des petites cuillères ou cette puissante marionnette… et comme toujours devant tant d’inventivité nous sommes admiratifs et nous allons le rester en assistant à la pièce élaborée par les élèves du Groupe 48 de l’Ecole du TNS, probablement inspirés par ceux  qui ont conçu ces œuvres.

La scénographie (Mathilde Foch) nous  montre un intérieur qui est une pièce à vivre où se côtoient une grande table, un coin cuisine, un établi, une machine à laver et divers objets du quotidien permettant à chacun de mener ses petites activités et  d’entrer en contact avec les autres habitants du lieu . Tour à tour les résidents prennent possession de l’espace, vont à la rencontre de l’un ou de l’autre dans un rapport simple et plutôt fraternel. On perçoit vite que chacun a ses petites habitudes et les manifeste à l’envi sans que cela déclenche la moindre remarque ou critique.

Telle prépare le café et l’offre à celui qui arrive, telle balaie systématiquement et range, c’est la vie de famille en quelque sorte où règnent attention et bienveillance, on perçoit bien sûr le côté maniaque de certains mais cela n’a rien de spectaculaire et reste très juste et surtout bien observé. Et les petits dérapages ne font que conforter ce côté bon enfant et fantaisiste qui fait partie des aléas de la vie, alors, boulettes de pain qu’on jette ou baiser pour se refiler une miette sur la langue, pas de quoi s’offusquer, plutôt s’en amuser.

C’est cela qu’il faut souligner dans ce travail des élèves, cette attention à noter les détails qui mettent en évidence la personnalité de chacun à travers des attitudes, des postures qui les caractérisent Judy Mamadou Diallo est Sylvain, Thomas Lelo joue François, Gwendal Normand est Mathias, Blanche Plagnol devient Angèle, Marie Sandoval Freudelina et Apolline Taillieu Suzie. On perçoit que leurs prestations résultent de leur engagement à nous montrer ce qu’a de profondément humain ce vivre ensemble où rien ne distingue les soi-disant malades et les soignants, ce qui est le propre de la psychiatrie institutionnelle. (La dramaturgie est signée Vincent Arot). C’est pourquoi quand s’annonce la probable fermeture de ce lieu, l’idée qui leur vient est d’organiser « une fête des larmes », une belle façon de défier la tristesse et l’angoisse que cette fermeture annoncée risque de provoquer. Ils s’adonnent aux préparatifs et répétition et l’on voit apparaître les grands seaux prêts à recueillir les larme, et bientôt tous apparaissent avec de somptueux déguisements qui les rendent princiers, (création costumes Salomé Vandendriesseche), heureux au point que deux n’hésitent pas à s’enlacer pour une danse pleine de frivolité. (création sonore Paul Bertrand, lumières Clément Balcon)

Ce magnifique travail d’écriture et de jeu collectif s’achève, comme il se devait sans doute dans l’esprit de cette entreprise par « un petit discours » qui dénonce le danger que court la psychiatrie actuellement faute de personnel et de moyens pour offrir aux patients des conditions d’accueil et de soin respectant leur liberté et leur dignité telles que ce spectacle en a montré leur bien-fondé.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Représentation du 1er mars au TNS

UMUKO

De la chorégraphe britannico-rwandaise Dorothée Munyaneza directrice de la compagnie Kadidi sise à Marseille.

Reçue plusieurs fois à Strasbourg, nous connaissons et apprécions cette artiste pluridisciplinaire qui était très récemment au TNS avec la pièce « Les Inconditionnelles » de Kae Tempest. Au Maillon c’est un spectacle de danse qu’elle nous offre intitulé Umoko, nom de l’arbre  sacré du Rwanda, son pays de naissance. Pour ce retour aux sources elle invite 5 jeunes danseurs et 3 musiciens de ce pays et le spectacle commence par le jeu de l’un d’eux sur l’inanga, un instrument typique de ce pays, instrument à bois et à corde dont les résonances nous appellent et nous conduisent vers cette magnifique prestation, une sorte de cérémonie fascinante où dans la lumière tamisée (Lumière et scénographie Camille Duchemin) les prodigieux danseurs se mettent à évoluer.


© Patrick Berger

Il n’est pas exagéré de dire qu’ils sont sublimes, la prestance de leurs corps magnifiée par des tenues rouge et noir d’une grâce et élégance extrêmes (Costumes Stéphanie Coudert). Avec quelle énergie, quelle rapidité ils parcourent l’espace scénique, bondissant, rebondissant déployant bras et jambes comme s’ils devenaient  de grands oiseaux, occupant l’espace d’en haut comme celui du sol, esquissant avec une légèreté et une virtuosité époustouflantes les mouvements qui les propulsent en véritables envolées.

C’est une célébration de la vie que nous donnent à voir Jean Patient Nkubana, Impakanizi, Cédric Mizero, Abdoul Mujyambere, Michael Makembe qui n’ont seulement pratiquent cette danse performative avec maestria mais chantent aussi et s’adonnent aux percussions corporelles dont ses clochettes accrochées au mollet de l’un d’eux et ces battements de mains très rythmés, et expressifs.

Tout cela nous transporte dans un ailleurs où la culture est le socle de la créativité.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Représentation du 27 février au Maillon