Fin de saison au Maillon

Deux spectacles nous attendaient pour clore la saison, de facture différente ces deux one-man shows  dont le dernier à voir en famille ont connu un vrai succès auprès d’un public toujours aussi nombreux au Maillon. 

En Mai, « Wayqeycuna » nous emmenait en Argentine, en juin
« Préparation pour un miracle » dans un espace fermé plein de surprises. L’un comme l’autre mérite qu’on en parle.


Tintements de clochettes en arrière fond sonore et arrivée sur le plateau, revêtu de sa cape brodée de fleurs et parsemée de pompons aux couleurs vives de celui qui nous emmène dans son pays, dans la province de Jujuy tout au nord de L’Argentine.

Lui, c’est Tiziano Cruz, un artiste qui présente le troisième volet de son autobiographie, celle qui nous montre son retour au pays auprès de ses frères, de cette communauté pauvre, pauvreté qu’il soulignera en évoquant ce deuil terrible suite à la mort de sa sœur mal soignée ou ces réflexions sur ceux dont on se moque car ils n’ont plus de dents.

C’est un spectacle plein de ces vérités simples, touchant par sa sincérité que soulignent et authentifient les projections d’images de sentiers dans la montagne, de troupeaux de moutons, de visages dont celui de son père, projections réalisées sur des grands tissus blancs tendus en fond de scène. Ainsi nous donne -t-il à connaître que les peuples autochtones résistent face au monde brutal qui cherche à les déposséder de leurs traditions et de leur terre.

Lui-même, fait-il remarquer étant toujours considéré comme un danger lors de ses passages aux frontières, c’est  pour lui  de répéter « je rentre à la maison » l’expression qui dit  une nécessité et un très grand bonheur qu’il nous fait partager par ses commentaires, ses récits  sur la vie des siens, par cette cérémonie de la table dressée magnifiquement recouverte d’une immense nappe fleurie sur laquelle seront disposés les pains traditionnels en forme d’animaux et qui seront finalement donnés en offrande au public.

Un moment de rencontre comme le Maillon sait nous en proposer.

Représentation du 23 mai, WAYQEYCUNA (en langue « quechua « , ses frères à lui)

Beaucoup d’enfants pour cette ultime représentation de ce samedi
7 juin à 18 heures, il faut dire que le titre de la pièce est prometteur et suscite une curiosité partagée par petits et grands.

© Grégoire Chollet

Marc Oosterhoff est l’homme de la situation. C’est lui qui a conçu ce spectacle, l’a mis en scène et l’interprète. Le voilà entrant en scène et parcourant des yeux divers objets placés comme en attente d’être utilisés des tréteaux, un escabeau, on est un peu comme dans une remise. Réflexion faite semble -t -il, l’homme veut quitter les lieux et c’est là que tout commence. La porte refuse de s’ouvrir malgré ses efforts et sa persévérance. Le voilà donc enfermé avec ces objets et nous vient à l’esprit ces vers de Lamartine « objets inanimés avez-vous donc une âme … » car il ne lui reste plus qu’à composer avec eux alors qu’ils semblent doués d’autonomie et lui réservent quelque surprise comme cette lumière qui jaillit ou disparaît au moindre contact d’un fil électrique, le plongeant soudain dans le noir, ces portes qui claquent, ces rideaux qui volent. Il faut faire avec comme on dit, ce que notre homme, artiste polyvalent ne manque pas de faire justement, se révélant bricoleur, danseur, grimpeur, circassien, véritable performeur, gardant cependant un petit air inquiet et interrogatif que soulignent ses regards tournés vers le public, ainsi toujours sollicité et le plus souvent amusé par ces allées et venues dans de mystérieux couloirs où il s’engouffre pour réapparaitre instantanément comme par magie, affichant un vrai don d’ubiquité. Autant de propositions qui intriguent, comme celle entre autres d’empiler tréteaux et escabeau pour atteindre en hauteur une boucle permettant de suspendre une lampe. Paradoxe de l’instabilité, ça bouge, ça penche mais ça tient, bravo l’artiste !

Un spectacle qui a ravi son monde.

Représentation du 7 juin, Préparation pour un miracle

Par Marie-Françoise Grislin pour l’hebdoscope

Saxon s’apprête à envahir la France

Le célèbre groupe de heavy metal britannique débute une tournée qui le conduira aux quatre coins de l’hexagone


© Grégory Hernandez / Gérard Drouot Productions

Que les Francs et les Wisigoths tremblent, les Saxons s’apprêtent à déferler sur la France et à balayer, de leur furie musicale, toute résistance. Leurs batailles musicales, à Maxéville, St Herblain et Toulouse s’annoncent homériques. On leur prête même la volonté d’entrer dans la cathédrale Notre-Dame, tout juste rénovée.

Il faut dire le groupe britannique originaire de Barnsley emmené par leur roi Biff Ier qui fêtera en 2026 son demi-siècle d’existence comme un règne qui a certes connu des tourments mais a toujours été constant a fait un retour fracassant au Hellfest 2024 dont il a tiré un album live attendu avec impatience par leurs fans comme un cor résonnant dans la brume et prêt à envelopper, comme le nom de sa tournée, ces derniers de leurs sortilèges musicaux.

Princess of the Night, Crusaders ou Wheels of steel seront ainsi entonnés dès ce week-end sur la terre des Francs au Heavy Weekend de Nancy avant de revenir pour trois dates au mois de septembre 2025. Que les fans et les curieux se préparent donc à des concerts d’anthologie…

Par Laurent Pfaadt

Saxon, Hell, Fire and Steel European Tour 2025 :
Heavy Weekend Nancy (6 juin), Zénith Paris (11 septembre), Zénith Nantes (12 septembre), Zénith Toulouse (13 septembre)

A écouter, Saxon, Hell, Fire and Damnation, Eagles over Hellfest, Silver Lining, 13 juin 2024

Else

Un film de Thibault Emin

Il y a huit jours nous évoquions une autre pépite (Les Maudites de Pedro Martin-Calero) vue dans le cadre de la compétition de la 32ème édition du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer. A l’occasion de sa sortie nationale nous voilà de retour avec une autre trouvaille de ce bon vieux festival, toujours aussi généreux.


Et ici, il s’agit de Fantastique à la française, à savoir un mélange expérimental poétique qui embarque le spectateur dans une fin du monde jamais vue auparavant. Une science-fiction organique. Else est un premier long-métrage protéiforme (rares sont les films auxquels l’adjectif est aussi adapté !), dont la vision de l’apocalypse ne pourrait être résumée en quelques lignes. Mais essayons quand même, en reprenant le synopsis du film : Anx vient de rencontrer Cass quand l’épidémie éclate : partout, les gens fusionnent avec les choses. Cloîtré dans son appartement, le couple doit faire face à cette menace monstrueuse. Le spectateur comprend très vite qu’il n’y aura aucune référence à laquelle se raccrocher, aucun point de vue connu dans le Septième Art…..

Sur la grande scène de l’Espace Lac les festivaliers avaient pu assister à une longue présentation du film par son metteur en scène, son comédien principal et le producteur. Thibault Emin était le plus volubile des trois, son enthousiasme était communicatif. Et pour cause, il était face à des amateurs du genre, et savait que s’il y avait bien un public à même d’apprécier son œuvre c’était celui devant lequel il se trouvait. Il nous expliquait la genèse de son film et nous prévenait, il fallait s’attendre à être surpris…

Le générique donne le ton, Else sera organique. On pense vite à David Cronenberg, mais pas que. Anx et Cass se sont rencontrés il y a peu, ils forment un couple aussi hétérogène que possible ; autant Cass est vive, bruyante, expressive, autant Anx est réservé, timide. Dans sa première partie l’appartement de Anx jouera un rôle de premier plan. Une sorte de troisième personnage, avec ses drôles d’objets et ses couleurs criardes. L’épidémie lancée, Cass va traverser les rues confinées de la ville afin de se réfugier chez Anx, espérant échapper à l’épidémie. Tout autour d’eux, les êtres humains se mettent à fusionner avec les objets environnants. De la fenêtre Anx et Cass assistent à la métamorphose d’un SDF, qui se fond peu à peu dans le trottoir sur lequel il avait élu domicile.

Cass va rapidement être touchée par la maladie, Anx fera tout pour essayer de la soigner.

Thibaut Emin réalise avec ce premier film une œuvre surprenante, enthousiasmante. La narration regorge de surprises, et le style visuel offre au spectateur de magnifiques trouvailles, notamment lorsque Anx cherche à s’échapper de l’immeuble. Des images étranges, qui s’appuient sur les éléments physiques de notre monde tout en les déformant, pour parvenir à une vision lyrique de l’environnement. Lorsque Anx s’échappe de son immeuble avec sa voisine japonaise, entrelacés tels un projectile luminescent, on se dit que peu de metteurs en scène auraient été capables d’imaginer de telles images. On pense bien évidemment à David Lynch, à David Cronenberg, mais aucun nom français ne vient spontanément à l’esprit.

Fable sur l’homme et la nature, Else nous invite à un voyage à la fois philosophique et sensoriel. L’épidémie qui y est décrite ne saurait être combattue par un quelconque vaccin. On y voit une Nature qui reprend ses droits et intègre l’Humanité.

Le film se termine sur les images d’un monde nouveau, générées par l’intelligence artificielle. Sur la scène de l’Espace Lac le réalisateur nous confiait alors que cela n’était pas sa première idée, mais que la production l’avait « convaincu » de conclure son récit ainsi, en utilisant les multiples possibilités offertes par l’informatique. Les amateurs d’images de synthèse les trouveront inventives, les autres n’y verront pas un grand intérêt.

Else ne se résume heureusement pas à cette conclusion, mais vaut avant tout pour son idée de départ, sa manière de la matérialiser à l’écran et sa réflexion sur notre monde. Son film traduit à la perfection sa volonté initiale, qui était de convier le spectateur à un mélange de plusieurs genres. Else est à la fois un film d’auteur et un film de genre qui devrait trouver son public lors de sa sortie en salle, après avoir fait la tournée des festivals (SITGES, TIFF, l’Étrange Festival, Gérardmer).

Jérôme Magne