Que
les Francs et les Wisigoths tremblent, les Saxons s’apprêtent à déferler sur la
France et à balayer, de leur furie musicale, toute résistance. Leurs batailles
musicales, à Maxéville, St Herblain et Toulouse s’annoncent homériques. On leur
prête même la volonté d’entrer dans la cathédrale Notre-Dame, tout juste
rénovée.
Il
faut dire le groupe britannique originaire de Barnsley emmené par leur roi Biff
Ier qui fêtera en 2026 son demi-siècle d’existence comme un règne qui a certes
connu des tourments mais a toujours été constant a fait un retour fracassant au
Hellfest 2024 dont il a tiré un album live attendu avec impatience par leurs
fans comme un cor résonnant dans la brume et prêt à envelopper, comme le nom de
sa tournée, ces derniers de leurs sortilèges musicaux.
Princess of the Night, Crusaders ou Wheels of steel seront ainsi entonnés dès ce week-end sur la terre des Francs au Heavy Weekend de Nancy avant de revenir pour trois dates au mois de septembre 2025. Que les fans et les curieux se préparent donc à des concerts d’anthologie…
Par Laurent Pfaadt
Saxon, Hell, Fire and Steel European Tour 2025 : Heavy Weekend Nancy (6 juin), Zénith Paris (11 septembre), Zénith Nantes (12 septembre), Zénith Toulouse (13 septembre)
A écouter, Saxon, Hell, Fire and Damnation, Eagles over Hellfest, Silver Lining, 13 juin 2024
La saison de l’OPS s’est achevée les 22 et 23 mai par
une exécution de haute volée de la seconde symphonie de Mahler. Un duo vocal de
qualité, un double chœur et une masse orchestrale des plus imposantes, tous
sous la direction d’Aziz Shokhakimov, auront, lors des deux soirées, suscité
une écoute à la hauteur de l’évènement et une ovation interminable.
Anna Kissjudit & Valentina Farcas Photo Gregory Massat
Alain Lombard l’avait introduite dans le répertoire de
l’orchestre en 1972 à l’occasion d’un concert mémorable à la cathédrale ;
trente ans plus tard, Marc Albrecht la défendit avec le talent qui est le sien
de même que Michael Gielen venu la jouer dans la salle Erasme avec son
orchestre du Südwestfunk. Il n’empêche : la prestation du jeune directeur
de l’OPS dans cette seconde symphonie de Gustav Mahler aura atteint un niveau
soutenant les plus flatteuses comparaisons.
S’il est un compositeur que l’industrie du disque,
dans sa grande époque des années 1960, aura entrepris de documenter bien avant
qu’il ne devienne une tête d’affiche des grandes salles de concert, c’est bien
Gustav Mahler. En une soixantaine d’années, il s’est ainsi accumulé une
pléthore d’enregistrements, d’intérêt nécessairement inégal. Des grandes
publications de cette symphonie dite ‘’Résurrection’’, il se dégage trois types
d’approche dont la première vaut par son atmosphère hyper-romantique, ses contrastes
exacerbés et une certaine exhibition sonore : les meilleurs dans le genre
sont sûrement Zubin Mehta et Léonard Bernstein. A l’opposé, d’autres chefs ont
surtout mis en avant le modernisme, sinon de l’écriture, au moins de
l’orchestration et recherché une grande rigueur d’atmosphère : Otto
Klemperer d’abord, Pierre Boulez ensuite ont talentueusement défendu cette
optique. Mais une troisième approche s’est également fait entendre, autant
capable de restituer le modernisme sonore que de faire entendre l’univers
romantique dans lequel baigne l’oeuvre : l’initiateur en ce sens ne fut
rien moins que Bruno Walter, le disciple du compositeur, son jeune assistant
d’abord à Hambourg (1894) puis durant
huit ans à Vienne quand Mahler dirigea le Staatsoper ; avant de
devenir le grand défenseur de sa musique, il fut aussi, en 1911, son exécuteur
testamentaire, héritant de la création post mortem de chefs d’oeuvre comme le
Chant de la Terre et la neuvième symphonie. Deux autres chefs se sont inscrits
dans le sillage de Bruno Walter, le tchèque Vaclav Neumann et le hongrois Georg
Solti.
Anna Kissjudit by Sophie von Becker
C’est dans ce sillage des plus idiomatiques que se
situe la prestation de Shokhakimov et de ses musiciens. Dès l’immense marche
funèbre qui constitue tout le premier mouvement, le jeune chef excelle à unir
la constante lourdeur du climat psychologique avec l’indispensable allant du
discours musical. La détente heureuse du second mouvement est magnifiquement
restituée par des cordes au lyrisme parfait, avant l’ambiance sarcastique d’un
scherzo aux plans sonores d’une lisibilité qui ne nuit en rien à l’atmosphère.
La voix dense de la mezzo Anna Kissjudit nous vaut un Urlicht dramatique
et puissant avant l’impressionnante explosion ouvrant le très long final. Cette
alternance de dialogues instrumentaux en coulisses, de dorures sonores boisées
et cuivrées et de tutti orchestraux démesurés est magistralement restituée par
des musiciens au meilleur d’eux-mêmes. Excellemment préparé par Hendrik Haas,
le chœur (ceux du Philharmonique et de l’Opéra) fait enfin son entrée,
intégrant les interventions de la délicate soprano Valentina Farcas et de la
profonde mezzo Anna Kissjudit, avant la résurrection finale. Le seul regret
sera que cette magnifique soirée ne se soit vue pérennisée par aucune caméra ni
aucun micro.
Cette seconde symphonie marque quasiment le terme du
projet Mahler entrepris en 2018 et suspendu pendant la crise sanitaire. Ne
manque plus que la huitième symphonie, qui pose des problèmes logistiques
considérables. Une version sonorisée dans une acoustique déplorable entreprise
par Jan Latham-Koenig il y a vingt ans aura surtout montré ce qu’il ne faut pas
faire. La cathédrale reste sans doute le moins mauvais des pis-aller. On peut
par ailleurs se demander si le projet ne gagnerait pas à être enrichi d’une
exécution de la dixième symphonie, notamment dans l’édition achevée du
musicologue Clinton A. Carpenter qui semble de grande valeur. Compte tenu des
grands talents mahlériens du directeur de l’orchestre (déjà très remarqués dans
les troisième et cinquième symphonies) et compte tenu de la médiocrité, au
cours de cette intégrale, des interprétations des première, septième et surtout
sixième symphonies, on peut aussi se demander si ces dernières ne mériteraient
pas d’être redonnées au cours des saisons prochaines.
Le débat agite toujours tant les fans que les spécialistes. Quel est le meilleur roman d’Abraham Merritt ? Les moins de cinquante ans se souviennent encore avec émotion de la couverture des éditions J’ai Lu de ces romans signée Casa et qui nous plongeait immédiatement dans l’univers à la fois fantasmagorique et troublant d’Abraham Merritt.
Aujourd’hui
injustement oublié et rejeté dans l’ombre d’un Howard Lovecraft, Abraham
Merritt, son aîné de quatre années, fut en réalité complémentaire du « reclus
de Providence ». Célébrant en cela le centenaire de la publication de la
Nef d’Ishtar, son troisième roman qui pour tout vous dire est notre
préféré, en novembre-décembre 1924, les éditions Callidor redonnent vie dans
leur très belle collection « l’âge d’or de la fantasy » à ce qu’il
faut bien considérer comme l’un des chefs d’œuvre de la littérature
fantastique.
Celui-ci
relate l’histoire d’un jeune archéologue, John Kenton, qui découvre dans une
stèle la maquette d’un navire, une nef aux pouvoirs magiques sur laquelle il
embarque bientôt après avoir été projeté dans des temps immémoriaux. Il devient
alors le témoin d’une guerre que se livrent deux divinités sumériennes, Nergal,
le dieu des enfers et l’ensorcelante déesse de l’amour et de la guerre, Ishtar
avec comme décor la fameuse nef d’Ishtar où il croise la route de la belle
Sharane, prêtresse d’Ishtar, elle-même en lutte contre son homologue maléfique,
Klaneth. Ici, à la différence d’un Lovecraft qui créa son propre monde, Merritt
situe l’action de son roman dans des civilisations lointaines.
Dans
cette magnifique édition, le lecteur, en plus de s’imprégner de l’intrigue de
Merritt, pourra savourer les merveilleuses illustrations à la fois de Roger B.
Morrison, premier à avoir mis en images le roman de Merritt ainsi que celle de
Virgil Finlay qu’embaucha Abraham Merritt à The American Weekly, le
supplément du dimanche publié pendant 70 ans notamment dans le New York
Journal. Un Virgil Finlay à qui nos Casa, Siudmak ou Graffet doivent beaucoup.
Mondes
anciens et parallèles, divinités maléfiques, manichéisme, tous les ingrédients
de cette fantasy des années 20-30 se trouvent réunis dans ce roman devenu culte
pour bon nombre d’écrivains qui ont suivi cette génération, à commencer par Tim
Powers, auteur, entre autres, des Voies d’Anubis en 1983, vainqueur du
prix Philip K-Dick, où l’on retrouve les thèmes du voyage dans le temps et la
lutte du bien contre le mal. Dans la préface d’un livre qu’il considère comme « intemporel »,
Tim Powers estime ainsi qu’« il se pourrait bien qu’il ne soit plus
possible d’écrire un livre comme celui-ci de nos jours ».
Avec cette édition du centenaire en forme de petit diamant littéraire, tout semble réunit pour découvrir cet auteur oublié ou pour simplement posséder un livre renfermant un trésor, comme un grimoire que l’on ouvre et qui vous plonge dans l’inconnu.
Par Laurent Pfaadt
Abraham Merritt, La Nef d’Ishtar, coll. L’âge d’or de la fantasy, traduit de l’anglais (américain) par Luc Lavayssière, en collaboration avec Pauline Contant et Thierry Fraysse Aux éditions Callidor, 408 p.
A
lire également les autres romans d’Abraham Merritt publié aux éditions
Callidor, Le visage dans l’abîme et Les habitants du mirage à
retrouver sur www.editions-callidor.com/age-dor
La
nouvelle édition du célèbre festival réunira une nouvelle fois quelques grands
noms de la musique
Comme chaque année, alors que s’avance l’été, la presqu’île de Malsaucy se transformera en paradis musical. Un paradis musical qui abrita, selon la légende, des sabbats de sorcières et où régnera une nouvelle fois anges et démons. Et parmi ces derniers, ceux d’Iron Maiden, le célèbre groupe de heavy metal, assurément l’une des têtes d’affiche de cette édition, qui inaugurera ici sa tournée française avant de rejoindre la scène de la Paris Defense Arena, les 19 et 20 juillet et célébrera son demi-siècle d’existence avec un public français qui ne lui a jamais fait défaut et entonnera à n’en point douter ses Run to the hills et Evil that men do pour appeler les autres démons de la musique à répandre leurs énergies sur les différentes scènes. Parmi ces derniers les suédois d’Avatar, Alta Rossa ou de The Raven Age du fils de Steve Harris, le fondateur d’Iron Maiden. Car il est bien connu qu’on a le démon dans le sang, surtout quand on viendra présenter son dernier album baptisé justement Blood Omen…
Dans ce paradis non moins perdu, quelques anges viendront répandre leurs lumières musicales, à commencer par Clara Luciani, l’une des figures de proue de la chanson française qui conduira une magnifique légion avec Damso, Kalash, le G.O.A.T du dancehall, SDM, Philippe Katerine et Theodora, nouveau phénomène qui chantera son hymne à la féminité noire. D’autres anges maudits ou non, vous proposeront un voyage dans le temps, Silmarils pour les nostalgiques du rock, Yodelice qui convoquera les mânes de Depeche Mode ou Uncle Waffels, une sud-africaine qui ressuscitera avec bonheur la house…
Ofenbach
Un paradis qui sera traversé par un serpent, celui de la tentation électro. Et pas n’importe lequel : DJ Snake, le plus grand DJ du monde qui sera l’une des têtes d’affiche de ces Eurockéennes 2025. Et nul doute qu’il fera croquer sa pomme aux milliers de spectateurs et à la Femme qui, avec ses tubes rétrofuturistes pleins d’énergie, nous proposera un voyage inoubliable à la rencontre des petits anges de notre jeunesse. Et si la nuit vient à tomber, il vous faudra de la crème solaire pour éviter le coup de soleil électro mais pas sûre que celle, punk, du groupe du même nom ne vous protège. D’autant plus qu’une éclipse est attendue lors de ce sabbat, une éclipse préparant l’arrivée des maîtres de la nuit, Ofenbach, le groupe français aux 350 millions de vues sur youtube et aux succès planétaires (Katchi, Overdrive, etc) qui distillera cette fois-cisa French Touch sur un ton plus funky qui rappellera à coup sûr ses illustres aînés. Les deux empereurs de l’électro seront accompagnés de disciples tels qu’I hate models ou Chroma pour un sabbat électro absolument unique.
Pris entre ces anges et démons, vous aurez la possibilité d’un dernier dîner. Mais celui-ci aura l’aspect d’une fête avec The Last Dinner Party qui évoquera l’âme d’une autre artiste de légende venue aux Eurockéennes en 2012, mi-ange, mi-démon, Lana Del Rey, une âme dans laquelle se glissera également la magnifique Sylvie Kreusch, une artiste à ne pas rater. Alors vous demanderez justice. Cela tombe bien puisqu’elle sera là mais préparez-vous à une version électro de cette dernière qui, l’image de sa prestation en clôture des JO 2024, vous emportera au firmament de ces étoiles pour un jugement céleste. Ne restera plus que les bardes et autres poètes et poétesses pour chanter cette énième épopée musicale sur les bords de la Véronne, à commencer par la suissesse Mary Middlefield et ceux de Dead Poets Society et Royel Otis, les nouvelles stars de la scène australienne, les petites pépites rocks à ne pas rater.
Comme chaque année, les Eurockéennes de Belfort en convoquant différents styles musicaux, mêleront avec bonheur divers publics, entre « metalleux », fans de rave parties ou amateurs de rap et de chanson française. Bref, préparez-vous à des rencontres inoubliables qui hanteront longtemps vos nuits…
Par Laurent Pfaadt
Retrouvez toute la programmation des Eurockéennes de Belfort 2025 (3-4-5-6 juillet) sur : www.eurockeennes.fr
Jean
Lopez signe la première biographie française d’Heinz Guderian, le père de
l’arme blindée allemande
Il
fut un adepte de la guerre éclair, la fameuse blitzkrieg et pourtant il
remporta sa plus belle victoire en pratiquant une guerre d’usure. Mais celle-ci
ne fut pas militaire plus plutôt historique et hagiographique. Théoricien de
l’arme blindée allemande durant la seconde guerre mondiale, le général Heinz
Guderian fut l’un des artisans de la victoire éclair sur la France en 1940
avant d’être disgracié par Hitler comme nombre de ses pairs lors de la guerre à
l’Est. Manifestant une certaine réserve quant à l’opération Barbarossa que
détaille parfaitement Jean Lopez, grand spécialiste et auteur d’un ouvrage de
référence sur la question, Heinz Guderian participa pourtant au plan d’invasion
en fidèle soldat qu’il fut. Après l’échec devant Moscou en décembre 1941 puis
l’enlisement sur le front russe, celui que ses hommes appelaient Schneller Heinz (Heinz le rapide) fut
remplacé par Erich von Manstein et nommé inspecteur général des blindés.
Pendant
longtemps, profitant de la mort des autres généraux du Troisième Reich et d’une
certaine mansuétude des Alliés, il se construisit une légende pour se dépeindre
comme un nazi contraint, presque une victime de l’hubris d’un Führer se
considérant comme un génie militaire et la réincarnation de Frédéric II de
Prusse. L’excellente biographie de Jean Lopez balaie tout cela. Sans omettre le
génie militaire de Guderian qui fut réel mais dont les considérations sur
l’arme blindée étaient également partagées par d’autres militaires et notamment
le colonel de Gaulle, Jean Lopez montre qu’Heinz Guderian fut un fidèle
serviteur de son Führer et un nazi convaincu sinon pourquoi accepta-t-il de
purger l’armée après l’attentat du 20 juillet 1944 et de devenir le chef
d’état-major de l’armée de terre d’un Reich au bord de l’abîme si ce n’est mué
par une admiration mystique envers son Führer ? Car comme le rappelle Jean
Lopez « sur sa fin de carrière à la tête de l’Etat-Major général de
l’armée de terre, soyons clair : ce qu’il a fait dix autres auraient pu le
faire. »
En réalité, Heinz Guderian fut le Faust du Troisième Reich, vendant son âme au diable en échange de l’application de ses idées militaires et ses rêves de grandeur et de gloires militaires. Un Faust mis à nu magistralement par Jean Lopez et désormais condamné à errer dans le purgatoire de l’Histoire avec le poids de sa compromission.
Par Laurent Pfaadt
Jean Lopez, Heinz Guderain, le maître des panzers Chez Perrin, 560 p.
Plusieurs récits viennent nous rappeler l’horreur
concentrationnaire
Alors que l’on célèbre la libération des derniers camps de concentration situés sur le territoire du Reich, plusieurs témoignages publiés depuis janvier viennent ainsi rappeler les tragédies que subirent les différentes victimes du nazisme. C’est ce que montre le très beau et très émouvant livre d’Alter Fajnzylberg. Tiré de son journal retrouvé dans une boîte à chaussures par son fils Roger et traduit à la fois en polonais et en français grâce au travail de l’historien Alban Perrin, il s’en dégage une double émotion à la fois visuelle (la version originale est reproduite) et littéraire. Le lecteur a ainsi l’impression de suivre la captivité de son auteur presque au jour le jour.
Alter Fajnzylberg est arrivé à Auschwitz en mars 1942 avant d’être affecté comme Shlomo Venezia aux fameux sonderkommandos, ces kommandos chargés de vider les cadavres des chambres à gaz et de les incinérer dans les fours crématoires. Des sonderkommandos dont la durée de vie demeura limitée pour avoir vu l’aboutissement du processus de destruction des juifs d’Europe. De 400 membres, l’effectif des sonderkommandos passa en 1944 à près de 950 pour faire face à l’arrivée et à l’extermination des juifs hongrois. A ce titre, le récit d’Alter Fajnzylberg constitue un apport historique fondamental en détaillant l’organisation des crematoriums et en évoquant la fameuse révolte des sonderkommandos en octobre 1944.« Il me suffira de tremper mon petit doigt dans le sang d’un SS, a-t-il ajouté, et je pourrai mourir. Je veux mourir en héros » lui dit alors l’un de ses compagnons. Alter Fajnzylberg aborde également le camp E, celui où furent enfermés les tziganes, exterminés en août 1943. Le récit d’Alter Fajnzylberg frappe immédiatement par son ton. Il est presque toujours clinique, froid et de ce fait, plus terrible encore.
Si les génocides des juifs et des tziganes représentèrent la partie la plus importante des victimes non militaires du nazisme, d’autres groupes de personnes et nationalités firent l’expérience de l’enfer concentrationnaire, notamment les républicains espagnols. C’est ce que raconte Joaquim Amat-Piniella (1913-1974) dans ce récit écrit en 1946-1947 et publié pour la première fois en français. Cet étudiant catalan n’a que 23 ans lorsqu’éclate la guerre civile espagnole. Il rejoint alors les rangs de l’armée républicaine comme lieutenant et combat en Andalousie et en Aragon. Peut-être croisa-t-il Alter Fajnzylberg qui se battait au même moment au sein des brigades internationales. Après le début de la seconde guerre mondiale, Amat-Piniella est fait prisonnier par les Allemands en juin 1940 puis est déporté, en 1941, à Mauthausen comme bon nom de républicains espagnols dont son ami José Cabrero Arnal qui allait créer après la guerre le personnage de Pif le chien.
Déjà Iakovos Kambanellis (1922-2011) avait relaté dans son récit bouleversant, le quotidien des Espagnols à Mauthausen. Celui d’Amat-Piniella, K.L. Reich (pour Konzatrationslager Reich) est lui plus « romancé » c’est-à-dire inséré dans des scènes du quotidien qui composent une sorte de fresque romanesque. Sa prose le rapproche indubitablement d’un Jorge Semprun mais également d’un Varlan Chalamov ou un Gueorgui Demidov lorsqu’ils font du camp, une sorte de théâtre d’ombres avec leurs héros du quotidien mais également ces traîtres de l’absurde qui gravitent dans cette fameuse « zone grise ». A travers le personnage d’Emili, sorte de double littéraire de l’auteur, le lecteur arpente ce camp, de sa terrible carrière de pierres qui tua de nombreux déportés aux expériences médicales qui assassinèrent notamment son ami Francesc, en passant par l’extermination des juifs hongrois et des prisonniers soviétiques qui servirent à « tester » les chambres à gaz au début de l’année 1942. Le lecteur le suit avec fascination y compris dans son subconscient comme lorsque la nuit « un monde de spectres s’agitait sous ses yeux clos, au milieu d’un silence plus saisissant que les hurlements de terreur du moment précédent » écrit ainsi l’auteur.
Joaquim Amat-Piniella raconte ainsi le quotidien du camp, l’évasion des détenus du bloc 20, la religion qui permet à de nombreux détenus de tenir ou les tortures des SS. Il est là lorsque le 5 mai 1945, le troupes de la 3e armée américaine du général Bradley à qui est dédié K.L. Reich libèrent enfin le camp. Passée la guerre vint alors le temps de raconter. Celui-ci mit quelques années pour Amat-Piniella ou plusieurs décennies pour Alter Fajnzylberg et emprunta diverses formes d’expression. Mais grâce au précieux travail conjoint d’historiens et d’éditeurs, ils nous sont parvenus.
Par Laurent Pfaadt
Alter Fajnzylberg, Ce que j’ai vu à Auschwitz, les cahiers d’Alter, présenté par Roger Fajnzylberg préface de Serge Klarsfeld Aux éditions du Seuil, 384 p.
Joaquim Amat-Piniella, K.L.Reich, traduit du catalan par Dominique Blanc Chez Verdier 288 p.
A lire également :
Shlomo Venezia, Sonderkommando, dans l’enfer des chambres à gaz, préface de Simone Veil Le Livre de poche, 264 p.
Iakovos Kambanellis, Mauthausen, traduit du grec par Solange Festal-Livanis Aux éditions Albin Michel, 384 p.
Après l’histoire de Valentina et toujours dans le cadre des « Galas » qui invitent, selon la volonté de Caroline Guiela Nguyen, des acteurs non professionnels à venir se produire sur scène, le TNS nous propose de suivre le parcours d’Amir, un jeune noir en recherche de ses origines, une histoire écrite par Claire Lasne Darcueil d’après des documents recueillis auprès de la population régionale.
Au cours d’une conversation téléphonique dans le train qui le ramène à Strasbourg, Amir (Salif Cissé) apprend d’une vieille dame, Liliane, qu’il est peut-être son arrière-petit-neveu. Il en demeure surpris et interrogatif, car cette dame a la peau blanche alors qu’il est noir. II aimerait et elle aussi que cette possibilité se transforme en certitude, d’autant qu’un certain test ADN qu’il a fait réaliser illégalement donnerait à penser que ses origines pourraient être alsaciennes. C’est ce qu’il explique à la personne qu’il est venu consulter pour tenter de remédier à la détresse qui le gagne en raison de cette obsession concernant cette recherche du père. Son écoute le réconforte, elle devient une amie, plus tard son amoureuse. (Lisa Toromanian)
Mais avant d’en arriver là, il aura l’occasion de rencontrer
une foule de gens car pendant qu’il va et vient toujours désemparé, le
spectacle se construit autour d’une population nombreuse et animée qui envahit
le plateau et se veut la représentation des habitants de la région parmi
lesquels se trouve peut-être le père inconnu.
Jeunes et plus âgés, hommes et femmes se croisent, se mêlent, se prêtent par moments à des mouvements de danse, montrant ainsi sur ce plateau nu, l’intensité de la vie, sorte de contrepoint à l’embarras d’Amir qui, au milieu d’eux , et se sent quelque peu pris au dépourvu. (Il est à noter que c’est Kaori Ito et Léonor Zurfluh qui ont chorégraphies la mouvance des corps pour que chacun et ensemble produisent cet effet harmonieux et joyeux.)
Pour faire réagir Amir et le sortir de son désarroi son amie
lui fait remarquer qu’il est loin d’être le seul à se pencher sur son passé,
c’est le prétexte à faire défiler nombre de personnes venant évoquer des
souvenirs d’enfance, certains drôles , d’autres, touchants comme il se doit,
tous s’appliquant à en faire des récits pleins d’authenticité, car ce n’est pas
rien de devenir acteur de sa propre vie !
Arrive enfin celui qui raconte la nuit merveilleuse qu’il passa au cours de sa jeunesse, sous une tente en compagnie d’une charmante jeune fille qu’il n’a jamais revue. Ce récit corrobore celui que détient Amir de sa propre mère. Il comprend alors qu’il vient de retrouver son père. Un happy end attendu déclenchant l’enthousiasme de tous les participants.
Ce sont quatre jeunes et beaux garçons, Benedikt Loflfer, Harrison Claxton, Christopher Mc Auley, Samuel Rhyner que le chorégraphe flamand Piet Van Dycke a engagés pour nous montrer, une heure durant, la beauté du geste, l’absolue nécessité de la complicité. Comment pourrait-il en être autrement quand les corps s’engagent dans ces acrobaties audacieuses qui pourraient se révéler dangereuses sans le soutien attentif du partenaire.
Mais avant tout c’est une course éperdue, ou une marche à grandes enjambées qu’ils mènent, contournant le grand cube gris planté au milieu du plateau, sorte de petit immeuble dont on ne voit que des portes soigneusement fermées. (Installation Arjan Kruidhof et Arjen Shoneveld). Bientôt ces portes les attirent et le jeu commence entre eux et avec elles. Pratiquant l’adage « une porte doit être ouverte ou fermée, voilà que l’un ouvre une porte pour laisser entrer celui qui se présente, pendant qu’un autre claque la porte au nez de l’intrus, parfois on se bouscule, entrées, sorties se multiplient en une sorte de ballet au rythme de plus en plus précipité soutenu par les accents d’une musique concrète (musique Bastiaan van Vuuren et Bastian Benjamin) et le public s’en amuse.
On ne va pas en rester là, fini les rencontres fortuites, ou inopportunes, les rejets, les exclusions, cet individualisme de mauvais aloi, on change de tee-shirt et on se lance dans des corps à corps pour se mesurer mais aussi s’engager dans des luttes symboliques, on opère des roulades, des portages, on devient danseurs de breakdance, c’est très rapide, virtuose, très beau.
Dans ce spectacle, conçu comme une démonstration de ce que
peuvent être les rapports entre humains (dramaturgie Marie Peteers), on
franchit une nouvelle étape quand nos quatre circassiens découvrent que le
panneau central de l’édifice bascule et place en hauteur la porte devenue
quasiment inaccessible mais qu’ils se donnent comme mission de franchir. Alors
se multiplient essais et ratages pour cette escalade. Là l’entraide reste on ne
peut plus indispensable, on soulève, le partenaire, on le propulse vers le
haut, on le jette jusqu’à ce que chacun à son tour arrive à franchir cette fameuse
porte.
S’ensuivent des disparitions, des retrouvailles surprises
jusqu’à cet ultime moment où la paroi devient bascule et nécessite de la part
des quatre compères de trouver en tâtonnant et en ajustant entre eux leurs déplacements
le juste équilibre soulignant que l’entraide et la complicité sont
indispensables pour atteindre le but qu’on s’est fixé.
Des applaudissements soutenus ont dit toute l’admiration du
public pour ce spectacle intelligent mené avec conviction et grand talent.
Sommes-nous proches ou loin, avec cette nouvelle création de Caroline Guiela NGuyen du « Saïgon » qui lors de sa création nous avait tant bouleversés que chaque occasion de le revoir fut un bonheur. Proches sans aucun doute de cette dimension humaine qui est la marque de ses créations, éloignés, peut-être parce qu’on n’atteint pas dans ce nouvel opus la dimension insurpassable de la tragédie historique qui sous-tendait « Saigon » pour se référer ici à un genre qui flirte avec le conte, entrecroisant des éléments propres à ce genre avec ceux plus prosaïques du reportage.
Alors commençons par la formule adéquate « il était une
fois » et faisons advenir les protagonistes de base dans cette histoire, un
père, une mère et leur fillette, Valentina. D’emblée un obstacle s’érige sur leur
chemin, le cœur malade de la mère qui oblige à une séparation, le père restant
au pays, en l’occurrence la Roumanie, la mère et la fille s’installant à Paris
pour y trouver les soins appropriés. Surgit immédiatement le deuxième obstacle,
celui de la langue française que ni l’une ni l’autre ne parlent et la mise en
place d’un personnage hostile la cardiologue, femme pressée, technicienne du
cœur, dépourvue d’écoute, de sensibilité, d’humanité et qui, par là même,
transforme la petite Valentina en héroïne, priée d’apprendre vite le français
pour devenir traductrice, médiatrice du médecin. En contrepartie, apparaît le
personnage aidant, la directrice de l’école, pleine de bienveillance à l’égard
de cette enfant dont le comportement et les absences l’intriguent, elle est
secondée par le cuisinier roumain qui permet les échanges en assurant la
traduction, elle va donc pour la soutenir lui confier « le gros
nounours » à emporter à la maison ce qui ravit Valentina.
Ainsi se met en place
le déroulement d’un conte réaliste au cours duquel alternent les séquences qui
ont lieu dans le cabinet de la cardiologue et celles qui se passent à l’école,
les premières devenant de plus en plus violentes, le médecin allant jusqu’à
confier à l’enfant la responsabilité de garder jour et nuit le »bip »
qui pourrait annoncer la possibilité d’une implantation cardiaque, seule
possibilité de sauver sa mère, les secondes comportant de plus en plus de mansuétude.
Comme Valentina apprend vite le français, elle prend en
quelque sorte le pouvoir sur les communications et entre dans les dires
opportunistes qui l’arrangent, mentir pour la bonne cause ne lui pose pas de
problème et elle s’enferre dans le mensonge refusant de dévoiler la gravité de
la situation. Au terme de ce périple, mère et fille se retrouvent à demander au
médecin qu’on en finisse avec cette attente épuisante et c’est là que le happy
end se produit, comme par miracle, le cœur de la mère se met à battre
normalement alors que celui de Valentina s’effondre mais qu’elle, en tant
qu’enfant, devenant prioritaire pour la greffe n’en mourra pas.
Cet échange de don de vie confère une dimension christique,
religieuse à cette histoire qui échappe à la pure réalité sociologique par
ailleurs très présente dans les nombreuses séquences du spectacle et souligne la
pertinence d’une scénographie signée Alice Duchange juxtaposant la niche fleurie,
véritable icône qui honore une vierge à l’enfant et un cœur vivant avec
l’intérieur d’un lieu de vie ordinaire comportant table et chaises et celui
d’un simple bureau pour les consultations et les rencontres à l’école.
Ce qui est manifestement séduisant dans ce spectacle c’est la qualité de jeu des comédiens dont deux ne sont pas professionnels, Loredane Iancu qui interprète la mère avec beaucoup de sensibilité et sa fille Angelina Iancu en alternance avec Cara Parvu, des fillettes qui sont remarquables par leur naturel et l’audace dont elles font preuve dans ce rôle complexe, elles sont accompagnées par deux excellents musiciens, violonistes qui tiennent aussi le rôle de personnages, Paul Guta qui fait le père et Marius Stoian, le cuisinier de l’école, traducteur selon les circonstances, et par la comédienne Chloé Catrin qui passe avec aisance du personnage du médecin à celui de directrice d’école, deux personnalités antinomiques. Tous font preuve d’authenticité, de justesse dans leur prestation et réussissent à émouvoir le public qui les a ovationnés.
Au cours de chaque saison musicale, la direction de
l’Orchestre philharmonique de Strasbourg ouvre sa porte, pour le temps d’une
soirée, à une autre formation symphonique. Ainsi, au fil des ans, a-t-on pu
entendre et apprécier l’Orchestre National de Lorraine, puis ceux de Lyon et de
Lille et l’an passé, l’Orchestre National de France. Cette année, c’était le
tour de l’Orchestre philharmonique du Luxembourg.
C’est toujours un plaisir que de découvrir un
orchestre que l’on ne connaît pas dans une salle qu’en revanche l’on connaît
bien. Les spécificités de chaque formation n’en ressortent que mieux. On n’est
toutefois pas à l’abri d’une déception tant il arrive parfois que le jeu de
musiciens fraîchement débarqués dans une salle autre que la leur peine parfois
à s’approprier ses caractéristiques acoustiques. Sous la conduite du chef et
violoniste Renaud Capuçon, les musiciens luxembourgeois auront brillamment surmonté
cette difficulté en décidant de venir sur scène plus d’une heure avant le début
du concert, afin de se familiariser avec la salle Erasme et de chauffer leurs
instruments. Dès la petite ouverture de Prométhée de Beethoven,
« historiquement informée » par ses attaques vives et nerveuses mais
jouée sur une soixantaine d’instruments modernes, on est on ne peut plus
agréablement surpris par l’extrême précision et la beauté sonore émanant de la
formation, sans la moindre des approximations qui entachent souvent les débuts
de concert.
Grégory Massat
C’est depuis son violon que Renaud Capuçon dirige
ensuite, avec une aisance sidérante, la formation resserrée à une quarantaine
de musiciens, dans le troisième concerto de Mozart dont il assure la partie
soliste. Au violon comme à l’orchestre, on aura beaucoup apprécié le jeu
vif-argent, la finesse de texture et la justesse de style. On le dit avec
d’autant plus de plaisir qu’on n’a pas toujours aimé dans le passé le violon
parfois sirupeux et compassé de ce musicien qui, l’âge venant, semble trouver
une vitalité nouvelle.
Cela fait déjà quelque temps qu’il se disait que
l’orchestre du Luxembourg avait accompli d’importants progrès mais on
n’imaginait quand même pas qu’il avait atteint un tel niveau d’ensemble. La
virtuosité des cordes, le son étincelant des bois, la beauté des cuivres sans
oublier la musicalité du merveilleux timbalier nous ont valu, sous la direction
autant assurée qu’inspirée de Renaud Capuçon, une symphonie Ecossaise d’une
richesse d’atmosphères que l’on n’entend pas toujours. Cette soirée du mercredi
9 avril nous aura non seulement fait découvrir une formation de haut niveau,
mais aussi un chef dont la carrière, encore débutante, le montre particulièrement
à l’aise dans un répertoire classique et romantique qui aujourd’hui échappe à
un nombre croissant de chefs d’orchestre.
David Amiot
La semaine d’avant, le vendredi 4 avril, l’Orchestre
philharmonique de Strasbourg offrait un programme d’une hauteur de vue peu
banale, associant la Nuit transfigurée d’Arnold Schoenberg au Chant de la terre
de Gustav Mahler dont on garde le souvenir d’une prodigieuse interprétation de
Marko Letonja, au temps où il était directeur de l’OPS. Cette fois-ci, c’est le
chef américain Robert Trevino qui se trouvait invité lors de cet unique
concert. De la version pour orchestre à cordes du chef d’œuvre de Schoenberg,
il nous aura proposé une interprétation assez prenante et particulièrement
puissante. La soixantaine d’archets strasbourgeois a fait preuve d’une belle
cohésion.
Donné en seconde partie, Le Chant de la terre s’est
avéré plus problématique. L’approche du chef se montre d’emblée par trop
immédiate et peu soucieuse des complexités et des ambiguïtés de la musique de
Mahler. Composé, à l’instar des suivants, sur des poèmes chinois du 8è siècle
ultérieurement traduits en allemand, le premier chant de cette symphonie pour
ténor et contralto avec grand orchestre s’intitule « Chant à boire de la
douleur de la terre » (Das Trinklied vom Jammer der Erde).
L’atmosphère s’y trouve dramatiquement contrastée, on y chante à la fois la
gloire du vin, la beauté du monde et la vanité de l’existence :
« sombre est la vie, sombre est la mort ». La sonorité y est d’une
âpreté particulière, tant du côté des vents que des cordes. Le chef Robert
Trevino entame ce lied dans une absence de retenue et avec un éclat sonore
évoquant plus un début d’opéra wagnérien précoce que celui du chef d’oeuvre
tardif de Mahler. Prise dans cette tempête sonore, la voix de l’excellent Simon
O’Neil, qui n’a toutefois plus vingt ans, se bat comme elle peut pour se faire
entendre. Le deuxième lied Der Einsame im Herbst, rapprochant solitude
automnale et automne de la vie, ne s’avère pas meilleur, mais pour d’autres
raisons : si l’orchestre s’est certes calmé, son jeu s’avère bien en-deçà
de la grande poésie du morceau ; quant à la voix de la mezzo Justina
Gringyté, richement dotée dans le registre grave, elle se montre en grande
difficulté dès que sa partie passe dans l’aigu. Forcé de cette manière, ce
chant mélancolique vire en exercice de Sprechgesang (chant parlé),
parfaitement idoine dans le Pierrot lunaire de Schoenberg, mais hors sujet dans
Le Chant de la terre de Mahler.
Aussi étonnant que cela paraisse dans une affaire
aussi mal engagée, tout est allé de mieux en mieux dans les quatre chants
suivants : la voix de Simon O’Neil et le jeu de l’orchestre ont fini par
trouver un équilibre dès le troisième chant ; à partir du quatrième, les
difficultés de Madame Gringyté dans l’aigu se sont bien atténuées ;
certaines parties d’orchestre comme l’arrivée des jeunes et beaux cavaliers
dans le lied Von der Schönheit ont été particulièrement bien rendues.
Quant à l’Abschied final, l’un des plus sublimes morceaux pour
voix et orchestre jamais composé, si on n’en a entendu de plus poétique,
convenons que le dramatisme de la direction d’orchestre et le registre grave de
la mezzo en ont fait un moment très prenant.