Dernier amour à Constantinople

Milorad Pavic, Dernier amour à Constantinople, manuel de divination, traduit du serbe par Jean Descat
Aux éditions Noir sur Blanc, 192 p.

Un roman comme un jeu de tarot. Avec son empereur, sa papesse et sa roue de la fortune. Un jeu dans lequel s’inscrit la destinée de Sofronije Opujić, lieutenant serbe de l’armée napoléonienne et surtout fils du capitaine Haralampije Opujić, légende vivante dans l’armée de l’Empereur à qui l’on prédit plusieurs vies et morts et qui fait l’objet de pièces de théâtre. Son fils cherche quant à lui son destin sur les champs de bataille de cette Europe napoléonienne. « Il est fait de deux sangs différents, le serbe et le grec. Il changera l’insomnie en arc-en-ciel et le sommeil en bibliothèque » dit de lui sa mère. Dans sa quête de gloire, il rencontre un autre héritier, Pana Tenecki, soldat de l’armée autrichienne contre lequel il n’aura de cesse de se battre. Dernier amour à Constantinople est une variante de la nouvelle Le Duel de Joseph Conrad trempée dans la magie de la cartomancie.

Le dernier opus de la bibliothèque de Dimitri, appelée ainsi en hommage à Vladimir Dimitrijevic, fondateur de la maison d’édition L’Age de l’Homme qui édita en autres Vassili Grossman ou Charles-Ferdinand Ramuz nous emmène dans l’univers fantasmagorique, entre réalité et ésotérisme, de l’écrivain serbe Milorad Pavic (1929-2009), auteur du célèbre Dictionnaire khazar. Avec une langue d’une beauté inouïe qui confère parfois à la poésie en prose grâce à la très belle traduction de Jean Descat, le lecteur est embarqué dans un voyage dont il se souviendra longtemps, dans une Europe en proie aux flammes de la guerre, mais surtout dans cette Mitteleuropa qu’il mythifie de la plus belles des manières et où le destin des hommes se jouent aux cartes.

Par Laurent Pfaadt