Festival Musica

C’est dans un Palais des Fêtes rénové que nous sommes conviés à suivre l’ouverture du Festival avec déjà un grand nom à l’affiche, Georges Aperghis, un compositeur venu maintes fois à Musica.


L’œuvre qu’il propose « Migrants » n’est, bien sûr, avec un tel titre, pas destinée à plaire ou à être un divertissement. Dès les premières mesures entendues, la puissance et la vitalité de la partition signent une œuvre engagée. Rien de surprenant de la part de ce compositeur grec qui a connu l’exil et veut en témoigner, bouleversé qu’il est par les situations de détresse dont son pays d’origine fut le théâtre et par celles de tous ces gens qui errent actuellement encore à travers l’Europe.

Il propose un oratorio en cinq mouvements dont les trois premiers ont été créés en 2017 à Hambourg et répondaient à une commande de l’Ensemble Resonanz.

C’est cet ensemble, dirigé avec ferveur par le chef italien Emilio Pomarico, composé de 18 cordes 3 percussionnistes et 2 pianistes qui interprète cette œuvre saisissante à bien des égards puisqu’elle nous plonge sans ménagement dans la détresse et dans l’horreur. Pour en saisir la portée la partition est confiée aux cordes qui, de tous leurs sons aigus, stridents, parfois saccadés amènent en nous un vrai bouleversement.

La musique n’est pas seule à nous interpeler des textes vont être déclamés, chantés, inspirés pour certains par des propos de migrants mais surtout par des citations du livre de Joseph Conrad « Au cœur des ténèbres » et des phrases comme celle-ci nous serrent le cœur :

« Ils mouraient à petit feu, c’était très clair ce n’étaient point des ennemis ce n’étaient point des criminels ce n’était plus rien de ce monde-ci désormais »

 Ces poèmes sont chantés avec conviction par deux chanteuses très engagées dans le répertoire contemporain, la soprano polonaise Agata Zubel et la mezzo-soprano ukrainienne Christina Daletska .

C’est dans le troisième mouvement qu’on entendra ce leitmotiv :
« Je suis allé un peu plus loin, puis un peu plus loin encore, jusqu’au jour où je me suis retrouvé si loin que je ne sais pas comment je pourrai jamais revenir »

Le quatrième mouvement est un concerto pour altiste, une grande pause musicale où l’on a pu savourer les talents, la virtuosité, la finesse et la puissance de jeu de cette grande artiste strasbourgeoise qu’est Geneviève Strosser. Un moment pour réfléchir à toutes ces réalités bien dures qui ont été évoquées.

Enfin, pour la première fois sera interprété le cinquième mouvement dans lequel alternent les bruissements et les éclats de la musique pendant que le texte parle de cris, de lamentation, de clameur et de disparition ; texte d’une infinie tristesse sur lequel s’achève cette œuvre à la fois poétique et réaliste destinée à marquer les esprits et qui, c’est sûr les marquera par l’implacable justesse de son propos  tel qu’il est mis en œuvre par la musique  et le chant.

Musica le 15 septembre 2022 au Palais des Fêtes

Marie-Françoise Grislin