Les fantômes de Munich

Les récentes déclarations du député LFI Thomas Portes affirmant que « la délégation israélienne n’est pas la bienvenue à Paris. Les sportifs israéliens ne sont pas les bienvenus aux Jeux Olympiques à Paris » ont brutalement fait ressurgir le drame des Jeux Olympiques de Munich en 1972 lorsqu’un commando palestinien baptisé Septembre noir et brisant la trêve olympique, prit en otage plusieurs membres de la délégation israélienne, une prise d’otage qui allait se solder par la mort de onze d’entre eux.


Ces propos ont rendu nécessaire de se replonger dans cette « affaire » car il y a bien eu une « affaire » des JO de Munich, un cold case que l’ancien rédacteur en chef de l’Equipe, Eric Champel, restitue à merveille. Son livre, aboutissement d’un travail d’enquête d’une année, met en lumière les différents acteurs de cette tragédie, des victimes à la police allemande en passant par le Mossad et les journalistes.

La fin tragique et symbolique de ce drame a fait oublier les zones d’ombre et les diverses incuries dédouanant certains acteurs d’une reponsabilité pourtant bien réelle, à l’image du président du comité international olympique, l’américain Avery Brundage, si prompt à reprendre la compétition. Des responsabilités qui, d’ailleurs reste à établir comme en témoigne la mise en place d’une commission d’historiens chargée, sur la base d’archives, d’établir la vérité en 2026. Replongeant dans cette affaire vieille de plus d’un demi-siècle comme on s’immerge non pas dans ce bassin qui vit les exploits du nageur américain Mark Spitz, lui-même juif et qui dut être exfiltré d’Allemagne, le lecteur avance  dans une sorte de thriller glaçant mêlant histoire, sport et récit d’action, et avale les pages. Mais surtout, ce livre montre une fois de plus combien le sport a toujours comporté une dimension politique, encore exploitée aujourd’hui par des extrêmes prêtes à instrumentaliser la sécurité de sportifs au profit de leurs seules ambitions. Eric Champel estime d’ailleurs que les attentats du 7 octobre 2023 et le regain d’antisémitisme constituent des menaces qui planent sur Paris 2024. Et force est de constater que les propos infâmes du député Thomas Portes ne font que lui donner, malheureusement, raison.

Un livre plus que salutaire donc.

Par Laurent Pfaadt

Eric Champel, Les fantômes de Munich, contre-enquête sur l’attentat des JO de 1972, le cold case le plus tragique de l’histoire du sport, et ses conséquences sur Paris 2024
Chez Solar, 224 p.