Retrouvailles polonaises

Avec ce concerto de Lutoslawski, Krystian Zimerman se confie.

Lutoslawski © Amy T Zielinski
Lutoslawski © Amy T Zielinski

Witold Lutoslawski, compositeur polonais décédé il y a un peu plus de vingt ans demeure largement méconnu et les implications d’une légende du piano  – Krystian Zimerman – d’un chef d’orchestre de renom tel que Simon Rattle et de l’orchestre le plus prestigieux du monde, celui de Berlin, ne peuvent qu’encourager à redécouvrir l’œuvre du maître.

Ce nouvel enregistrement de son concerto pour piano et de sa deuxième symphonie constitue donc une occasion rêvée pour pénétrer l’atmosphère parfois difficile mais toujours fascinante du compositeur polonais.

Le concerto pour piano du compositeur polonais est particulier pour Krystian Zimerman. Il faut dire que le pianiste polonais n’arrive pas en territoire étranger puisqu’il est le dédicataire de l’œuvre qu’il créa en 1988 et grava en 1992 avec le compositeur à la tête du BBC Symphony Orchestra. Vingt-trois ans séparent donc ces deux interprétations. Le temps a passé, l’épaisse chevelure et la barbe de Krystian Zimerman ont blanchi et le doigté est devenu plus intense. Nimbée d’une maturité tragique cette œuvre énigmatique et fascinante nous est relatée par un Zimerman qui, avec sa prodigieuse technique, semble nous parler un peu de lui-même. On le sent pénétrer par cette musique. Le toucher est plus lent, plus profond. On assiste alors avec émotion à une forme de communion entre le compositeur et son dédicataire.

Rattle et Zimerman se connaissent bien pour jouer ensemble avec le Philharmonique de Berlin ou le London Symphony Orchestra dont Rattle sera le prochain directeur musical. Avec Lutoslawski, ils construisent une alchimie faîte de complicité qui est immédiatement perceptible et qui donne une interprétation vivante, puissante. Les deux hommes nous convient à un véritable voyage au centre même de la musique et l’on imagine presque Lutoslawski tout près en train d’écouter son oeuvre.

Le disque est complété par la deuxième symphonie du compositeur mais on retiendra surtout ce magnifique concerto qui s’inscrit dans la tradition des grandes œuvres concertantes pour piano de l’histoire de la musique au côté de Beethoven, Tchaïkovski ou Bartok.

C’est vrai que l’on connaît peu Witold Lutoslawski. Sa musique est trop proche de nous. Mais l’histoire se chargera de rendre au compositeur polonais la place qui est la sienne et qui est et demeurera éminente. Nul doute qu’un disque comme celui-ci facilitera cette reconnaissance en même temps qu’elle contribuera à faire connaître son incroyable créativité.

Lutoslawski, concerto pour piano (Zimerman), symphonie n°2, Berliner Philharmoniker, dir. Simon Rattle, Deutsche Grammophon, 2015

Laurent Pfaadt