Un public nombreux est venu assister à la présentation de la future saison du TNS. C’est dire l’intérêt constant et grandissant qu’on porte à cette institution et aux propositions qu’elle nous offre.
Sa directrice, Caroline Guiela Nguyen souhaite élargir
encore cette participation nous invitant à faire connaître les bienfaits du théâtre
à nos amis et connaissances qui n’auraient plus l’opportunité de s’y rendre ou
qui ne l’ont jamais connu. La question brûlante étant « Quand
serons-nous enfin réuni-es ? » A l’évidence pour elle comme pour
nous, il est dommageable de ne pas connaître cet extraordinaire moyen de
réflexion et de partage d’émotion qu’est le théâtre. Le cœur qui figure sur le
nouveau logo du TNS en constitue le symbole. Un cœur que font battre selon ses dires, le public, les équipes du TNS,
son école supérieure d’art dramatique et tous les artistes qui interviennent
pour nous apporter ce que leur créativité, leur talent réussissent à imaginer
et à produire pour notre plus grand plaisir.
Au cours de cette saison qui débutera par le
spectacle « Lacrima » de Caroline Gueila Nguyen dont nous avons
pu voir l’avant-première au printemps dernier avant son arrivée au Festival
d’Avignon des spectacles de différents genres nous attendent. Quelques-uns
mettant en valeur des histoires de femmes comme « Beretta 68 » du
Collectif FASP qui s’appuie sur la lecture du fameux « Scum
Manifesto » de Valerie Solanas qui dénonce la société patriarcale et
revendique le droit des femmes à la violence, comme « Les Inconditionnelles »
de Kae Tempest et Dorothée Munyaneza mettant en valeur l’amitié, l’amour entre
deux femmes qui se sont rencontrées en prison et qui affirment leur
liberté en dépassant les interdits.
Autres spectacles dont la femme est le centre, ceux de
l’autrice et performeuse Laurène Marx « Pour un temps sois peu »
et « Je vis dans une maison qui n’existe pas » des textes qui de
façon intransigeante et poétique interrogent le genre et la normalité.
Il y a aussi « Cécile » dans lequel Cécile Laporte
dans une mise en scène de Marion Duval joue son propre rôle en nous
faisant connaître de façon jouissive
les multiples aventures qu’elle a vécues.
Interroge encore le genre, le corps, les tabous « Le
rendez-vous » d’après le roman de Katharina Volckmer interprété avec une formidable énergie et pas mal
d’humour par Camille Cottin dans la mise en scène de Jonathan
Capdevielle.
Spectacle où domine la musique, ce sera « La
symphonie tombée du ciel » monté par Samuel Achache» et ses acolytes qui
avaient présenté »Sans tambour » la saison dernière, partant d’une
enquête de ce qui a pu faire « miracle » dans la vie de certains
d’entre nous, ils ont conçu cette œuvre
musicale interprétée par un orchestre de 17 musiciens de jazz.
Où domine le mélange, théâtre, musique, danse, ce sera
« Los dias afuera » de Lola Arias qui est allée à la rencontre de personnes
qui, après avoir été emprisonnées dans un établissement pénitentiaire à Buenos Aires
retrouvent la liberté, une activité et jouent ici leur propre rôle dans cette
comédie musicale.
Où domine l’engagement, c’est »And here I am” avec l’acteur palestinien Ahmed Tobasi,
directeur artistique du théâtre du camp de Jénine en Cisjordanie qui, à
travers le texte écrit par Hassan
Abdulrazzak exprime la lutte de la
jeunesse palestinienne pour obtenir justice et liberté pour son peuple.
C’est aussi »Rectum crocodile » de Marvin M’toumo,
avec des performeuses qui dénoncent
l’esclavagisme, la masculinité blanche et le colonialisme.
De ce même metteur en scène avec le groupe 48 dont ce sera
leur spectacle d’entrée dans la vie professionnelle « Les
Indésirables » (titre provisoire) qui dira haut et fort combien il faut
prendre en considération tous les rejetés, marginaux, mal-aimés dans nos
sociétés policées.
Deux spectacles sont des adaptations d’œuvres qu’on peut
qualifier de « classiques », « Don Juan « mis en scène par David
Bobée verra se mêler au texte de Molière les problèmes qui agitent notre
société.
« Marius » mis en scène par Joël Pommerat est une
adaptation de la pièce de Pagnol pour une interprétation montée avec des
détenus de la Maison centrale d’Arles.
A noter un spectacle pluridisciplinaire d’Alice Laloy « Le
ring de Katharsy » avec chanteurs, acrobates, et danseurs et celui signé
Eric Feldman et Olivier Veillon « On ne jouait pas à la pétanque dans le
ghetto de Varsovie », un stand-up dans lequel « on explore avec
humour et gravité les traumatismes des enfants cachés survivants de la Shoah ».
Entre autres nouveautés de cette saison : Le festival « Les GALAS du TNS »permettra de programmer en fin de saison des spectacles où comédiens et amateurs se retrouveront comme dans la mise en scène de « La Vérité « la nouvelle création de Caroline Guiela Nguyen, de « Je suis venu te chercher« écrit, mis en scène de Claire Lasne Darcueil qui parlent tous deux d’enfants et « Marius », déjà cité .
Le « Tns club » qui,
offrira une place aux artistes
qui font le »stand-up » aujourd’hui, ils seront présents en mai pour
exprimer « le comique et la joie de la transgression »
La création d’un « Centre des récits », une banque
d’archives constituée d’histoires souvent laissées pour compte et dans
lesquelles les artistes pourront puiser pour alimenter leurs créations .
Le TNS fourmille de
propositions et pour être au fait de toutes
le mieux est de consulter la brochure de présentation, un très beau
livret magnifiquement illustré par les
photos de Slina Syan qui a fait poser
diverses communautés de Strasbourg
en habits de fête .
Enfin gardons à l’esprit ce que souhaite Caroline Giuela Nguyen que « le TNS soit un lieu de rencontre permanente dans un esprit de partage et d’ouverture ».
Deux
ouvrages passionnent abordent la question de l’épuration des femmes ayant
collaboré avec l’ennemi pendant la seconde guerre mondiale
Pendant
longtemps les femmes suspectées de collaboration pendant la seconde guerre
mondiale ont été « réduite à leur seul sexe, ce qui rend encore plus
improbable, dans l’opinion, leur participation « autre
qu’horizontale » à la collaboration » écrivent ainsi Pierre Brana
et Joëlle Dusseau, auteurs d’un livre qui vient enfin palier une absence dans
l’historiographie de la France de l’après-guerre. Ainsi ces femmes au crânes
rasés à la libération, marques de leur infamie, et symbolisées par la tondue de
Chartres photographiée par Robert Capa, ne résument pas la collaboration. Il y
eut également les personnalités, les égéries, les femmes et filles de
personnalités du régime de Vichy, les « salonnières », les femmes de
conviction ou les « comtesses » de la Gestapo et de l’Abwehr nous
disent les auteurs qui font le tri dans toutes ces catégories et dessinent une
fascinante galerie de portraits où l’on retrouve ces quelques figures célèbres
comme Coco Chanel, Violette Morris, pilote de course proche du crime organisé
ou Lydie Bastien, la fameuse diabolique de Caluire. Des figures à l’image de
cette dernière ou de la célèbre Chatte (Mathilde Carré) caricaturées en
sorcières ou en animaux.
Passé cette première partie somme toute assez connue, Pierre Brana et Joëlle Dusseau ouvrent alors une deuxième partie, certainement la plus passionnante où la galerie devient typologie. Puisant notamment dans le fameux fichier des 100 000 collabos du 5e bureau du ministère de la guerre, les deux auteurs entrent dans les foyers des Français où la collaboration réside parfois là où on l’attend le moins. Certes 20 000 femmes ont eu des relations sexuelles avec des Allemands mais la collaboration fut également le fait de vengeances professionnelles ou de lutte contre les violences conjugales. Ainsi « certains engagements, notamment dans les partis politiques, peuvent être liés à l’espoir d’un « retour sur investissement » professionnel ou personnel (libération d’un prisonnier, aide ponctuelle pour leur exploitation agricole…) » écrivent nos deux auteurs.
Des situations tirées de toutes ces femmes anonymes qu’analyse également Fabien Lostec, chercheur associé au laboratoire Tempora, enseignant et chargé de cours à l’université Rennes 2 dans son livre tiré de sa thèse de doctorat « les collaboratrices face aux tribunaux de l’épuration ». Prenant en quelque sorte la suite de l’ouvrage de Pierre Brana et Joëlle Dusseau, l’auteur est allé consulter les nombreuses archives des cours de justice et tribunaux de près de 60 dépôts d’archives départementales qui jugèrent et condamnèrent à mort 46 femmes sur 651 condamnations à mort pour peindre les portraits de ces femmes dans ce qu’il appelle « l’archipel épuratoire judiciaire ».
Ici aussi, l’étude frappe par la diversité des parcours essentiellement centrés entre deux types de collaborationnistes : les délatrices et celles qui prêtèrent main-forte à l’ennemi et « dont l’action provoque des tortures, des déportations et des morts ». Des femmes torturant ou tuant de leurs propres mains comme Jeanne Hermann, cette alsacienne de vingt-deux ans qui fut la seule des 46 condamnées à mort à tuer un individu non avec une arme à feu mais avec une arme blanche, en l’occurrence un juif de 72 ans.
L’analyse pertinente de cette justice épuratrice s’engouffre également dans une réflexion qui questionne la place de la femme dans cette période trouble du 20e siècle encore emprunte d’un profond sexisme. L’auteur avance ainsi « l’idée du rétablissement d’un ordre masculin particulièrement répressif à l’égard du sexe féminin » à la fin de la guerre. Pierre Brana et Joëlle Dusseau ne disent pas autre chose lorsqu’ils évoquent les sanctions ayant frappées de nombreuses femmes suspectées de collaboration parfois sur des fondements assez minces pour faire de la place aux hommes dans les administrations à la fin du conflit. Une place de la femme dans cette société que ces condamnées à mort ont remis en question, ont bravé souvent de la plus infâme des manières, en s’engageant par exemple dans des partis politiques collaborationnistes notamment ceux de Jacques Doriot ou de Marcel Déat, devenant ainsi des sujets politiques bien avant l’octroi du droit de vote.
Par Laurent Pfaadt
Pierre Brana et Joëlle Dusseau, Collaboratrices,1940-1945 : Histoire des femmes qui ont soutenu le régime de Vichy et l’occupant nazi Aux éditions Perrin, 384 p.
Fabien Lostec, Condamnées à mort, l’épuration des femmes collaboratrices, 1944-1951 CNRS Editions, 400 p.
Comme
chaque année, Hebdoscope vous propose une sélection d’ouvrages à lire durant
vos vacances
James
Lee Burke, Un autre Eden, traduit de l’anglais (américain) par Christophe
Mercier, éditions Rivages, 272 p.
A
chaque vacances son Burke. Et à chaque fois la même interrogation comme avec
les romans de Joyce Carol Oates : comment réussit-il à façonner de tels
bijoux littéraires et à se renouveler ? Alors oui, il y a les thèmes
burkiens : la glorification de la nature qui s’apprécie, se contemple dans
le miroir d’une nature humaine, sombre et détestable. La rédemption de ces
êtres qui peuplent ses romans, ces êtres haïssables qui pourtant nous touchent
en raison de leur volonté de se libérer de cette violence qui les emprisonne.
Un
autre Eden constitue une pierre supplémentaire dans cette cathédrale noire
avec ses vitraux qui représentent les personnages tout en clair-obscur de Burke
et dont les reflets interpellent à chaque fois notre inconscient. Dans cet
édifice, on retrouve une nouvelle fois Aaron Holland Broussard, le héros des Jaloux.
Il a grandi et vit désormais dans le Colorado. Sur sa route se présente une
fois de plus le grand amour avec la belle Joanne McDuffy et sa « gorge
colorée comme un pétale de tulipe brisée » qu’il va falloir défendre,
arracher aux griffes du mal.Dans ce deuxième opus qui relève plus du
roman noir, Aaron Holland Broussard poursuit son apprentissage de la cruauté
des hommes. Et dans les Enfers de Burke, notre Orphée contemporain devra
affronter bien des périls pour sauver son Eurydice.
Hugh
Howey, Une colonie, traduit de l’anglais par Aurélie Tronchet, Le livre de
poche, 336 p.
Mondialement
connu pour sa saga Silo adaptée en série par Apple TV, Hugh Howey nous embarque
dans l’un de ses premiers romans, à l’époque auto-publié et réédité pour
l’occasion, à bord de ce vaisseau regroupant 500 personnes destinées à
coloniser une nouvelle planète. Durant ce voyage qui doit durer trente ans, une
IA est censée leur enseigner tout ce qu’il leur sera nécessaire pour vivre en
société. Mais au bout de quinze ans, une explosion à bord du vaisseau
interrompt le processus et la soixantaine d’adolescents de quinze ans
survivants sont contraints s’installer sur une planète hostile.
Débute
alors l’édification de cette fameuse colonie et l’exploration de ce nouveau
monde. Chacun va apporter ses
compétences et en même temps construit son propre système d’autorité. Mais
cette exploration laisse vite place à celle des méandres de l’âme humaine. Ce
roman qui ravira un public young adult montre en réalité que nos pires ennemis
sont en réalité en nous-mêmes.
Hélène
Coutard, La disparition de Chandra Levy, 10/18, 224 p.
D’emblée,
quand on voit le visage de Chandra Levy, on pense à Monica Lewinsky. Un visage
d’ange aux cheveux noirs, innocent, presque naïf. Cela tombe bien, nous sommes
à la même époque, en 2001 et Chandra Levy travaille au bureau fédéral des
prisons en tant que stagiaire. Elle y fait la rencontre d’un parlementaire
démocrate de Californie, Gary Condit à qui on prête un brillant avenir et avec
qui elle a une liaison. Mais le 1er mai 2001 alors qu’elle fait son
jogging dans le Rock Creek Park de Washington DC, tout près des institutions,
elle disparaît.
Voici
le décor du dernier opus de la collection True Crime en partenariat avec le
magazine Society et raconté par la journaliste Hélène Coutard. Si les premières
pistes se tournent naturellement vers Gary Condit, elles sont vite abandonnées
car personne ne sait où se trouve Chandra Levy. Certes, le parlementaire
entretenait avec elle une relation extra-conjugale et a menti sur sa vie mais
cela n’en fait pas un coupable pour autant. Et lorsque le corps de Chandra Levy
est enfin retrouvé, un an plus tard, dans le parc, la police arrête un immigré
clandestin d’origine salvadorienne qui est condamné à soixante ans de prison
sur la base d’un dossier somme toute assez mince.
Affaire
classée donc. Sauf notre coupable est finalement libéré. Hélène Coutard nous
conduit ainsi dans cette affaire criminelle aux multiples rebondissements,
peut-être l’un des opus des plus passionnants de la série avec sa dimension
politique qui rappelle les romans de John Grisham et cette nuit dans laquelle
s’enfonce le lecteur.
François
de Bernard, La Chartreuse de Naples, Editions Héloïse d’Ormesson, 352 p.
Habituellement,
les hommes viennent contempler les toiles de maître. Mais il arrive parfois que
ces dernières, imperturbables témoins de l’histoire de l’Europe, se mettent à
observer les hommes. Le Mariage de la Vierge peint vers 1550 dans
l’atelier du Tintoret est de ceux-là. Acheté par un marquis napolitain,
Alessandro de Paladini, il est le personnage principal du très beau roman de
François de Bernard, lui-même propriétaire du chef d’œuvre qu’il a déjà mis en
scène dans son livre précédent.
Quelques
quatre-vingt ans plus tard dans une Naples qui a vu passer le Caravage, alors
que se construit la chartreuse San Martino, un monastère perché sur les
hauteurs de la ville, une autre vierge de la peinture, bien réelle celle-là,
Artemisia Gentileschi se retrouve menacée. Et lorsqu’elle fait la rencontre du
marquis, notre tableau devient le témoin des dangers qui rôdent autour d’elle
et de l’aide que le marquis lui apporte. Et comme si cela ne suffisait pas,
voilà que Dieu lui-même, peut-être courroucé de ce génie volé à son orgueil,
déclenche irruption volcanique et peste.
Une
histoire enlevée et jamais ennuyeuse narrant de multiples péripéties et qui
combine récits historique, policier et de science-fiction dans un savant
mélange d’aventures tirées d’une très belle palette littéraire.
Marie-Béatrice
Baudet, David Gaillardon, Le salon vert, A l’Elysée au cour du pouvoir,
Grasset, 144 p.
L’époque
littéraire est à faire parler les objets et les lieux. Hôtels, tableaux, ils
sont autant de spectateurs que de nouvelles trames narratives pour aborder
l’Histoire avec un grand H. Voilà que le salon vert de l’Elysée, au premier
étage du célèbre palais de la République, juste à côté du bureau du président
de la République, se met à table. Le salon vert et ses objets singuliers en ont
vu des vertes – c’est le cas de le dire – et des pas mûres. C’est là que
François Hollande a décidé de répondre aux attentats terroristes, qu’Alstom a
été vendu. Il a servi tour à tour de QG, de chambre mortuaire et de salle de
mariages. Lieu de confidence, il fut également celui des traîtrises les plus
infâmes notamment lorsque Patrick Buisson enregistra de nombreuses
conversations avec Nicolas Sarkozy et Carla Bruni.
Pour
nous conter la fantastique histoire de ce lieu fait de bonheurs et de
tragédies, les plûmes combinées de Marie-Béatrice Baudet, grand reporter au
Monde et de David Gaillardon allient magnifiquement petite et grande histoire,
témoins et archives, anecdotes et grandes décisions. Le salon vert invite à un
voyage dans l’histoire de France et dans le temps et en passionnera plus d’un.
Lorina
Balteanu, Cette corde qui m’attache à la terre, traduit du roumain par Marily
Le Nir, éditions des Syrtes, 160 p.
C’est
une merveilleuse petite pépite littéraire venue d’un pays que peu de gens
savent placer sur une carte. Une pépite qui vous ouvre les yeux en même temps
que ceux de cette petite fille d’une
Moldavie qui était, à cette époque, un satellite de l’URSS.
Tandis
que cette petite fille avance, grandit, le récit du premier roman de cette
designer devient plus net, comme un brouillard qui se déchire, emportant avec
lui cette nostalgie faite de ces gâteaux confectionnés, du cochon qu’on tue, du
magasin de papa qui vend des bonbons, pour laisser place à cette vie où il faut
s’imposer, gagner sa place et en même faire la sublime découverte de l’amour.
Derrière
tout cela, avec sa magnifique plume, Lorina Balteanu, magnifiquement traduit
par Marily Le Nir, dessine le décor d’un monde disparu, une sorte de Goodbye
Lenine les yeux ouverts enfermé dans une bulle étanche au monde extérieur,
à l’Ouest avec sa liberté perçue comme un poison tandis qu’à l’intérieur, toute
initiative pour affirmer son identité est sévèrement réprimée. Car il y a une
ombre que cet enfant ne perçoit pas tout de suite et qui, sans le savoir,
recouvre son existence, sa famille, son pays. Une ombre faussement
bienfaitrice.
Ce
magnifique roman d’apprentissage et d’une certaine manière géopolitique célèbre
les choses simples mais en même temps, il nous rappelle qu’elles ne sont rien
sans liberté.
Michel
Vaillant, Rédemption, saison 2 tome 13, Denis Lapière, Eilam, Marc Bourgne,
Graton, 56 p.
L’an
passé, Denis Lapière, scénariste de cette nouvelle saison nous l’avait
promis : « le prochain épisode de la nouvelle saison se tiendra à
Indianapolis mais de nos jours ! Alors patience… » Nous y voilà donc.
Après avoir échappé dans le tome précédent à un sniper sur la piste des 24h du
Mans, Steve Warson est rentré chez lui aux Etats-Unis. Mais il n’est pas pour
autant en sécurité car le FBI sait que le sénateur est menacé par ces mêmes suprématismes
et que se profile à l’horizon la mythique course des 500 miles d’Indianapolis
que la team Vaillante et Steve Warson souhaitent bien évidemment gagner. Michel
lui, a pris du recul, pour s’occuper de Françoise qui se bat contre un cancer
et a laissé le volant à la talentueuse Elsa Tainmont. Tandis que se prépare la
célèbre course d’IndyCar, le FBI décide de tendre un piège aux conspirateurs en
utilisant un sosie du sénateur démocrate tandis que le vrai s’installe au
volant de la Vaillante. Une fois de plus, le suspense est à la fois sur la
piste et en dehors.
Les
fans du célèbre pilote de Jean Graton retrouveront avec plaisir ce circuit
qu’il a dompté à de nombreuses reprises dans des albums devenus mythiques
(Suspense à Indianapolis, Le secret de Steve Warson) ou plus récemment dans le
premier tome de la série Légendes. Un circuit que les auteurs sont allés
ausculter notamment en rencontrant Romain Grosjean, ancien pilote de F1 passé
en IndyCar. Cela donne un album qui s’inscrit dans la lignée des grands opus de
la saga de Jean Graton en faisant cohabiter à merveille course automobile et
thriller à l’américaine.
Robert
Pike, Oradour s’est tu. Le destin tragique d’un village français, traduit de
l’anglais par Julie Primon, coll. Au fil de l’histoire, Flammarion, 496 p.
Parmi
les nombreuses publications qui émaillent l’anniversaire du plus important
crime de guerre commis sur le sol français, à Oradour-sur-Glane, le 10 juin
1944, celle de l’historien britannique, Robert Pike, spécialiste de la France
durant la seconde guerre mondiale, mérite d’être signalé. Combinant
intelligemment archives et récits des survivants notamment celui de
l’infatigable Robert Hebras, il donne à lire la préparation, l’exécution et les
enseignements de cet épisode majeur de l’histoire de France au 20e
siècle.
A
travers trois parties qui forment ce livre passionnant et en même temps
émouvant car il laisse en suspens certaines questions renforçant ainsi ce
sentiment d’injustice avec son lot d’incompréhensions, Robert Pike revient sur
ces évènements « aussi inattendus qu’immérités ». Il montre
ainsi avec force que la destruction méthodique de ce village de Haute-Vienne
fut également celui d’un îlot d’humanité « idyllique » avec la
présence à Oradour de juifs et de républicains espagnols dont Ramona Domínguez Gil, reconnue en 2020 comme
la 643e victime du massacre d’Oradour et qui périt ce jour-là aux
côtés de son fils, de sa belle-fille et de ses trois petits enfants dont le
dernier n’avait que vingt-et-un mois. Plus qu’un livre, cet ouvrage est une
voix qu’il est nécessaire d’entendre à nouveau.
Eden,
une gamine de onze ans surdouée, vue pour la dernière fois au moment de prendre
ce bus qu’elle laissa filer, vient de disparaître. Eden qui ressemble à la
fille de l’inspecteur Myers chargé de l’enquête et nouvellement arrivé dans ce
trou perdu ou coin tranquille – c‘est comme on veut – du nord de la Californie.
Avec sa
mise en scène très réussie, façon thriller avec Morgan Freeman ou Woody
Harrelson, Christophe Penalan, journaliste sportif breton qui signe là son
premier roman, embarque immédiatement son lecteur.
On
imagine Myers, 33 ans, beau gosse cabossé façon Mark Wahlberg, Megan Bailey, la
journaliste qui lui prête main-forte en Eva Mendes avec ses cheveux châtains et
sa peau hâlée. Des flash-backs de disparitions d’autres enfants insérés donnent
un petit côté Mindhunter. Et puis l’astuce de Penalan est de ne rien
révéler jusqu’au bout. Donc on avale les pages en attendant la confrontation
finale.
On pense s’attendre à tout. Les jours passent, l’espoir se
réduit, d’autres meurtres interviennent, des pistes se refroidissent, des
parents suspectés, des interrogatoires avec des glaces sans teint. Et Eden qui
s’est volatilisée tandis que Myers commence à vaciller. Au milieu de la nuit
vient alors l’épilogue, inattendue. Eh oui, c’est toujours pareil avec les bons
polars. On pense être plus malin et puis non. Alors préparez-vous à passer de
l’autre côté du miroir de la réalité. Il y a des criminels qui ne vieillissent
jamais…
Fabrice
Drouelle, Cahier de vacances, Affaires sensibles, Hors Collection, 80 p.
Plonger
dans la crise des missiles de Cuba ou dans les arcanes du Vatican, traquer
Dupont de Ligones ou Adolf Eichmann, revivre la séparation des Beatles et
l’exploit de Nadia Comaneci avec Fabrice Drouelle et ses Affaires sensibles.
Voilà ce que propose ce cahier de vacances passionnant qui sera votre compagnon
idéal sur les plages de vos vacances ou sur les terrasses de vos maisons
principales ou secondaires.
Un
cahier qui associe culture générale et activités ludiques, parfait pour les
grands et les moins grands. Des QCM pour vous plonger dans l’histoire des JO ou
dans les scandales politiques de ces quinze dernières années, des jeux de piste
qui vous feront revivre à merveille cette émission désormais culte de France
Inter et permettront aux lecteurs de briller face à leurs profs ou à la machine
à café dès la rentrée.
Alors
le temps d’une double page, transformez-vous en espion du Mossad ou en
enquêteur de la brigade criminelle tout en sirotant votre boisson préférée ou
un cornet de frites à la main pour résoudre ces quelques affaires sensibles.
Lunettes noires et stylos indispensables. Et attention aux empreintes !