Il
m’est toujours difficile de choisir un livre plutôt qu’un autre, une histoire
plutôt qu’une autre chez Dumas père et fils, car ils incarnent tous pour moi le
roman populaire tel que j’aime le lire et l’écrire. Mais puisqu’il le faut je
dirai les Trois mousquetaires car c’est le premier qui me donna le goût
du roman historique.
Mireille Calmel est l’une des auteures françaises de romans historiques les plus célèbres. Depuis le Lit d’Aliénor (XO éditions, 2000) vendu à près de 800 000 exemplaires dans le monde, elle enchaîne les best-sellers. Dernier roman paru : L’Or maudit (XO éditions)
Joseph Balsamo, aventurier, escroc qui se faisait connaître à la cour de Louis XVI sous le nom de Comte de Cagliostro, est transfiguré par Alexandre Dumas dans ce roman, début d’un feuilleton. Sorcellerie, alchimie, intrigues de cour autour de cet inquiétant personnage, un des plus grands méchants à faire honneur au sens du romanesque dumassien. Pour moi, c’est un des textes les plus importants de Dumas, car il mêle personnages de fictions et figures historiques au sein d’un roman résolument ancré dans le registre de l’escroquerie, du faux. Ou comment la fiction que crée Balsamo grâce à son charisme fait de lui un personnage puissant.
Par Laurent Pfaadt
Guillaume Chamanadjian est écrivain. Son prochain livre, Une
valse pour les grotesques, paraîtra aux éditions Les forges de Vulcain en
octobre 2024
Cinquante
cinq-ans après sa conquête, la lune fascine toujours autant comme en témoigne
séries, films et livres
Le
21 juillet 1969, à la tête de la mission Apollo XI, Neil Armstrong posait le
pied sur la lune. Avec Buzz Aldrin et Michael Collins, il fut l’une des
vingt-sept personnes ayant survolé le seul satellite de la terre et le premier
des douze à avoir foulé le sol lunaire. Il fut surtout celui qui redonna aux
États-Unis sa fierté bafouée par une URSS et son champion, Iouri Gagarine.
Deux
hommes pour un rêve. Deux hommes pour une lutte. C’est ce que rappelle Frédéric
Martinez dans sa brillante biographie croisée. Deux enfants de condition
modeste, amoureux des livres qui trouvèrent dans les étoiles la matérialisation
de leurs rêves de papier.
Tandis
qu’Armstrong, ce piètre conducteur se battait en Corée, Iouri Gagarine se
morfondait dans une fonderie et manqua de peu la radiation dans son école de
pilotes. Tous deux forgèrent malgré tout leurs légendes. D’une plume
particulièrement vivante et explosive comme une Saturn V, Frédéric Martinez
nous conte l’histoire de ces deux hommes, de part et d’autre du rideau de fer.
Deux hommes qui se ressemblaient. Deux rêveurs jamais rassasiés.
Fin
des années 50, l’URSS surprend le monde en plaçant le spoutnik, le premier
satellite, dans l’espace avant d’y envoyer à bord du Vostok, Iouri Gagarine, le
premier homme, le 12 avril 1961. L’Amérique humiliée sur l’échiquier
géopolitique d’un Eisenhower qui n’a pas cru à la conquête spatiale s’en remit
alors, sous l’impulsion d’un JFK, à l’un de ses anciens ennemis, Werner von
Braun, le concepteur des V2 nazies, un homme qui « a la tête dans les
étoiles et les pieds dans une mare de sang » notamment celui des
déportés du camp de Dora qui fabriquèrent les V2 et pense que les Soviétiques « ont
fait le coup pour impressionner les Noirs » écrit Frédéric Martinez en
citant l’ancien nazi. Le génie peut aussi être infâme mais il va cependant
faire de Neil Armstrong et des membres de la mission Apollo XI, les héros d’une
Amérique à l’honneur retrouvé. Quant à Iouri Gagarine, un autre mentor veille
sur lui : Sergueï Korolev, l’homme de la fusée R-7, l’ingénieur qui « n’a
pas le droit d’exister officiellement » écrit Gregor Péan qui
réhabilite – comme Frederic Martinez – dans son très beau roman consacré à
Gagarine, ce personnage oublié. Addictif, le roman suit les destinées croisées
du premier homme dans l’espace mais également de Marina Socovna, une espionne
soviétique avant que les deux chemins, les deux trames narratives ne se
croisent.
Tous
les deux paieront le prix de leur rêve, infligé par le destin. Armstrong avec
la mort de sa petite Karen-Anne emportée par une tumeur cérébrale et l’échec de
son mariage avec Janet. Gagarine en devenant une statue du régime à jamais
figée sur terre. Arrive 1966 où leur rêve commun se scinde : l’un descend en
enfer quand l’autre s’apprête à atteindre son paradis.
Gagarine
ne vit jamais son alter ego poser le pied sur la lune car il décéda le 27 mars
1968 après le crash de son avion. Le destin n’a pas voulu lui jouer ce mauvais
tour et lui, le premier à avoir approché au plus près Dieu, lui l’athée, était
retourné dans ce ciel qui l’attendait pour reprendre le titre du roman de
Gregor Péan. D’ailleurs, il s’en est fallu de peu que l’URSS ne pose en premier
le pied sur la lune comme le rappelle l’extraordinaire série d’Apple TV, For
all Mankind qui diffuse ces derniers temps sa quatrième et dernière saison.
Après
des années de sommeil, les Etats-Unis relancèrent la course à la lune avec la
mission Artémis II qui prévoit d’envoyer un homme ou une femme sur la lune en
2025. Une mission parfaitement détaillée dans le livre paru aux éditions Glénat
et préfacé par Milan Maksimovic, directeur de recherche au CNRS et
astrophysicien à l’Observatoire de Paris, dans ce qui est peut-être l’ouvrage
de référence sur la lune. Fourmillant de détails et s’appuyant sur de très
belles photos, il analyse la lune sous toutes ses coutures ou plutôt sous tous
ses reliefs avec ses montagnes, ses déserts, les différentes missions et leur
technologie. Particulièrement intéressante est la cartographie des différents
alunissages. Bien évidemment Iouri Gagarine et Neil Armstrong occupent des
places de choix dans cette course à la lune devenue à nouveau l’un des terrains
de jeu de la recomposition géopolitique post 11 septembre 2001. Une course où
de vieilles puissances tentent d’y maintenir leur influence, quitte à s’allier
sous la bannière de l’Union Européenne quand d’autres nées au siècle précédent
(Inde et surtout Chine) y affirment leur puissance grandissante ou construisent
leur place de demain comme les Emirats Arabes Unis ou l’Arabie Saoudite.
Et
si le 13e homme était une femme ? Car l’hypothèse confinée pendant longtemps à
la science fiction notamment dans la superbe saga de Mary Robinette Kowal,
n’est plus farfelue, loin de là. Et cette femme pourrait être chinoise en la
personne de Zhou Chengyu, commandante du programme spatial chinois qui, dans
cette nouvelle guerre froide où la Chine a remplacé l’URSS, pourrait réussir là
où Gagarine a, d’une certaine manière, échoué. A l’instar de son ami et rival
communiste, la Chine souhaite aujourd’hui prendre une longueur d’avance dans ce
qui reste pour le moment une course technologique notamment dans l’exploration
de la face cachée de la lune en intégrant à leur mission un satellite de
communication servant d’intermédiaire entre la terre et le vaisseau posé à la
surface. Mais derrière tout cela couve en réalité ce rêve jamais assouvi
d’envoyer à nouveau un être humain sur notre satellite.
Autant dire qu’il risque d’y avoir du monde dans la lune…
Par Laurent Pfaadt
Frederic Martinez, Neil Amstrong, Youri Gagarine, deux vies, un rêve, Passes composés, 240 p.
La Lune, préface de Milan Maksimovic Glénat, 224 p.
Gregor Péan, Le ciel t’attend Robert Laffont, 208 p.
Mary Robinette Kowal, Vers les étoiles, 528 p. Vers Mars, 512 p. Sur la Lune, 736 p. traduit de l’anglais par Patrick Imbert, Denoël