Le 23 mai 1992, 600 kilos d’explosifs pulvérisaient la voiture du juge antiterroriste Giovanni Falcone, non loin de l’aéroport de Palerme. Cet assassinat allait marquer durablement une mémoire non seulement italienne mais également européenne, faisant du juge, le martyr de la pieuvre.
Vingt-trois
ans plus tard, voilà qu’un autre juge, littéraire celui-là, Roberto Saviano,
auteur du mondialement célèbre Gomorra, dresse à Falcone, un mausolée de
papier remarquable. Retraçant les dix dernières années du juge, depuis
l’assassinat du préfet de Palerme, le général dalla Chiesa jusqu’à la mort de
Falcone l’auteur nous fait entrer dans les arcanes du pool anti-mafia qui lutta
sans relâche contre les sbires du parrain de la mafia, Toto Rina qui fut arrêté
quelques mois après l’assassinat de Falcone.
Dans
ce récit absolument palpitant, le lecteur suit Falcone dans sa lutte contre les
banques liées à la mafia ou face aux repentis mais également dans sa vie
quotidienne auprès notamment de sa femme, elle-même juge, qui fut également
tuée le 23 mai 1992. Mais le grand talent de Saviano qui n’hésite pas, pour les
besoins du récit, à combler les interstices biographiques de son génie
littéraire, est de traverser le miroir et de faire pénétrer son lecteur dans
les rangs de la mafia comme il a si bien su le faire dans ses ouvrages qui
l’ont rendu célèbres. Un miroir qui culmine avec le maxi-procès de Palerme
contre plusieurs centaines d’accusés entre février 1986 et décembre 1987.
Dans cette Italie où le Vatican entretint des relations incestueuses avec la pieuvre, Giovanni Falcone a, qu’on le veuille ou non, un côté christique avec sa dimension sacrificielle pour le bien de l’humanité. Devenu le Joseph d’Arimathie du juge, Roberto Saviano signe là son plus beau livre, réussissant parfaitement l’alchimie entre l’enquête et la littérature afin de permettre, à ce livre en forme de croix, de permettre à son sujet d’accéder à l’immortalité.
Par Laurent Pfaadt
Roberto Saviano, Giovanni Falcone, traduit de l’italien par Laura Brignon Chez Gallimard, « Du monde entier », 608 p.
Deux magnifiques coffrets célèbrent Pierre Boulez en tant
que compositeur et chef d’orchestre
J’ai
eu la chance de pouvoir assister à un concert dirigé par Pierre Boulez. De voir
l’histoire de la musique en train de s’écrire. De voir ces mains qui
dirigeaient sans baguette, s’élevant dans l’air lorsqu’elles n’écrivaient pas
sur une partition des œuvres qui ont, dès son vivant, rejointes le répertoire
aux côtés de Mozart, de Beethoven, de Mahler et d’autres. C’était en 2005, il y
a près de vingt ans, au Festspielhaus de Baden-Baden. Je me souviens, à
l’instar de ma rencontre avec Pierre Soulages, avoir eu la tentation de monter
dans sa loge pour le saluer mais le poids écrasant de Boulez dans la culture
non seulement française mais également internationale – tout comme Soulages –
écrasa toute velléité du jeune journaliste que j’étais alors.
Le
Festspielhaus de Baden-Baden, cette ville où il résidait, entre France et
Allemagne, et où il dirigea les plus grands orchestres notamment le Wiener
Philharmoniker avec qui il interpréta ce soir-là la septième symphonie de
Bruckner et la Nuit transfigurée d’un Arnold Schönberg qu’il vénérait
plus que tout, est désormais devenu son tombeau pour l’éternité. Certes les
deux formidables coffrets regroupant ses enregistrements en tant que chef
d’orchestre et compositeur chez Deutsche Grammophon et Decca sortis ces
jours-ci à l’occasion du centenaire de sa naissance ne contiennent pas ces deux
œuvres mais la huitième de Bruckner et Pelleas et Melisande de ce même
Schönberg. Deux coffrets qui résument malgré tout à merveille l’œuvre d’un
musicien entré de son vivant dans la légende de son art.
Immense
chef d’orchestre dirigeant « au tranchant de la main » et, à l’instar
d’un Bernard Haitink, véritable métronome qui influença toute une génération de
chefs à commencer par Sir Simon Rattle, Pierre Boulez laisse apparaître dans ce
coffret ses compositeurs de prédilection : Maurice Ravel bien entendu avec
qui il partagea cette philosophie de musique absolue qu’il transcenda notamment
avec Pierre-Laurent Aimard, l’un de ses pianistes fétiches dans cet
enregistrement DG avec l’orchestre de Cleveland, cet orchestre qui, avec celui
de Chicago, fut l’un de ses plus fidèles compagnons de route. Bela Bartók
ensuite bien évidemment qui ouvre ce coffret et que Boulez considérait comme
l’un des cinq plus grands compositeurs du 20e siècle. Il est là avec
son Concerto pour orchestre ou un très beau Mandarin merveilleux.
Comme de nombreux chefs d’orchestre qui furent également compositeur –
notamment Bernstein – Pierre Boulez transcenda le répertoire wagnérien – son Ring
du centenaire mis en scène par Patrice Chéreau est présent en CD et en Blu-Ray
après sa captation en 1980 pour notre plus grand plaisir, complété d’un
incroyable Parsifal – et mahlérien avec une intégrale des symphonies qui
rendent, avec leur dimension solaire, parfaitement justice au compositeur
viennois, rapprochant son interprétation d’un Celibidache. Avec les plus grands
solistes qui furent de véritables fidèles comme Mitsuko Uchida, impériale dans
le très beau Concerto pour piano orchestre de Schönberg et Christian
Tetzlaff, le coffret prend des airs de Champs-Élysées où les héros de la
musique du siècle passé viennent ainsi se recueillir devant le temple de cet
autre Apollon musagète d’un Stravinsky qu’il rencontra pour la première fois en
1952 puis régulièrement pendant quinze ans et dont il interpréta la musique
dans un formidable coffret DG restitué en partie ici, en particulier cet Oiseau
de feu de 1992 qu’affectionnait particulièrement Boulez. Bien évidemment,
le coffret n’oublie pas cette création contemporaine qu’il favorisa à la fois
comme chef et comme compositeur et les merveilleuses interprétations des œuvres
d’Harrison Birtwistle sont là pour le rappeler. Les passionnés découvriront
également quelques petites pépites comme ces Sept Haïkaï d’Olivier
Messiaen en compagnie de la pianiste Joela Jones et le Cleveland Orchestra ou
ses interviews sur Debussy, Mahler et Webern.
En
tant que compositeur, Pierre Boulez révolutionna la musique, c’est peu dire.
Fondateur de l’ensemble intercontemporain de Paris, il laisse quelques œuvres
jouées dès son vivant par les plus grands orchestres et qui appartiennent
aujourd’hui au répertoire : Repons, Le Marteau sans maître
qu’aimait particulièrement Igor Stravinsky et bien évidemment ses fameuses Notations
ou moins connu son Dialogue de l’ombre double. Une histoire musicale
ainsi racontée merveilleusement par ces deux coffrets renfermant des disques
devenus depuis longtemps des classiques et dont les pochettes nous sont si
familières.
Une cathédrale sonore avec sa nef et sa petite chapelle renfermant bien plus que de la musique.
Par Laurent Pfaadt
Boulez, The Conductor – Complete Recordings on Deutsche Grammophon and Decca, coffret 84 CD et 4 Blu-Ray vidéo
Boulez, The Composer, coffret 13 CD (tirage Limité), Deutsche Grammophon
Depuis l’invasion russe en février 2022, Andrei Kourkov est devenu la grande voix littéraire de la résistance ukrainienne. Récompensé par de nombreux prix dont le Médicis étranger pour les Abeilles grises en 2022, l’écrivain s’est exilé en Allemagne où d’interviews en festivals – nous l’avions rencontré au festival America de Vincennes pour un dialogue avec l’Irlandais du Nord Michael Magee sur ces guerres qui corrodent le cœur des hommes – il ne cesse de dénoncer l’occupation russe sous toutes ses formes et d’affirmer la singularité de l’identité ukrainienne.
Après son Journal d’une invasion (Noir
sur Blanc, 2023), Kourkov poursuit dans cette suite, l’exploration de cette
guerre racontée de l’intérieur et qui affecte tout un peuple. Passé le choc et
la sidération, la guerre s’est installée dans les foyers, sur le front. A la
fois drôle et tragique, Notre guerre quotidienne, couvrant une période
allant d’août 2022 à février 2024 et récompensée par le prix Transfuge du livre
européen en 2024 nous emmène dans cette guerre vécue au quotidien, à Kiev,
Izioum ou Kherson qui glorifie ces actes singuliers de résistance, parfois
minimes mais ô combien symboliques. Une guerre qui comme le rappelle Andrei
Kourkov, a fait prendre conscience à ses compatriotes qu’il existait bel et
bien une mémoire collective et que celle-ci avait été piétinée, sciemment
falsifiée par une Russie qui a fait d’ailleurs de même avec sa propre mémoire.
Notre guerre quotidienne laisse pourtant un goût amer dans la bouche du lecteur au regard des derniers développements du conflit notamment depuis l’élection de Donald Trump et l’humiliation du président Zelensky dans le bureau ovale. « Pour de nombreux Américains, la guerre en Ukraine est presque devenue « leur » guerre » écrit ainsi Kourkov le 15 janvier 2023. Des mots qui paraissent aujourd’hui bien lointains.
Par Laurent Pfaadt
Andrei Kourkov, Notre guerre quotidienne, traduit de l’anglais par Johann Bihr et Odile Demange Aux éditions Noir sur Blanc, 256 p.
Dans le cadre de son Temps fort intitulé « Corps politique » Le Maillon a présenté avec Pôle-Sud, CDCN la dernière création de la chorégraphe chinoise Wen Hui de la compagnie Living Dance Studio, sise à Beijing. En compagnie de quatre danseuses, elle montre dans différents tableaux la condition féminine.
Pendant que le public s’installe se tient déjà sur le plateau le personnage d’une femme, tenant serré contre elle un gros baluchon, elle sera bientôt rejointe par deux autres femmes, elles-mêmes porteuses d’un gros sac .Toutes d’âges différents( Alessandra Corti, Patcharaporn Kuger-Distakul, Parvin Saljugi, elles sont rattrapées par la plus ancienne, Wen Hui, elle-même et c’est parti pour une rencontre au cours de laquelle, elles sortent, tissu et couettes de leur ballot pour s’installer dessus et se faire des confidences sur leur vie, des propos qui sont traduits et projetés en surtitrage car les comédiennes d’origine diverses s’expriment dans leur langue (chinois, indien, anglais). C’est qu’il y a à dire et montrer sur le sort qui leur est réservé en tant que femme, en commençant par ce problème crucial qui est celui de la maternité, la subir, la désirer ou la refuser et donc de l’accouchement comme viendra le rappeler Wen Hui dans une courte allocution directement adressée au public, et qui fait allusion entre autres à la politique de natalité en Chine qui a changé du tout au tout, passant de la norme de l’enfant unique dans les années 79 à celle plus récente de faire trois enfants, il ne perd pas, hélas, de son actualité ce nouveau spectacle est tout aussi nécessaire et pertinent que l’ancien.
En traduisant par des manipulations de tissus, tantôt déployés, tantôt ramassés en grosses boules, on perçoit l’alternance entre ces moments de vie exposées au fardeau de l’enfant qu’il faut porter dans son ventre puis au problème de l’accouchement, sans oublier les nombreuses tâches que toute femme se doit d’accomplir comme s’occuper du linge, le laver, l’étendre, le plier, le ranger, nourrir la famille, et l’alternance avec ces moments de grâce, de répit où l’on peut goûter à la liberté, tissus déployés qu’on fait voltiger et corps en bondissements, extensions, courses et cavalcades, danse pour exprimer le désir de liberté, la nécessité de la revendiquer et de la vivre de temps à autre pour survivre. Comme l’illustre cette bataille de polochons qui jaillit soudain entre elles.
Moments de paroles, moments de danse se succèdent ou s’interpénètrent. La même complicité, la même énergie parcourent ces prestations autant esthétiques que politiques, témoignant d’un engagement souligné par les images vidéo de manifestations de femmes, trop souvent réprimées (vidéo Rémi Crépeau).
Un spectacle intelligent et sensible qui alerte sur la
condition des femmes encore bien malmenées dans le monde malgré toutes les
prises de position en leur faveur qui ne cessent de se multiplier.
Tout est pensé, tenu, sensible dans le one-woman-show de Camille Cottin qui interprète l’adaptation de ce roman très spécial « Jewish Cock » de Katharina Volckmer traduit de l’anglais par Pierre Demarty et mis en scène par Jonathan Capdevielle.
Avec une audace et un humour pleins d’aisance, la comédienne
se met dans la peau de cette jeune femme qui habite Londres et se trouve dans
le cabinet du gynécologue, le docteur Seligman pour se faire placer un pénis
circoncis car depuis son enfance elle est préoccupée par son problème de genre.
Mais il n’y a pas que cela qui la hante, ce sont, entre autres, ses origines allemandes.
Profitant en quelque sorte de cette position allongée durant
l’intervention et du fait que le médecin penché sur son ventre ne voit pas plus
son visage qu’elle ne voit le sien, elle se livre à des confidences concernant
ses fantasmes où elle s’imagine intime avec Hitler, un comble pour elle qui est
obsédée par la shoah. C’est drôle et frôle le standup quand elle évoque avec
naïveté et sincérité ces « hallucinations » contraires à ce qu’elle
pense vraiment. Une révélation en entraînant une autre, ce flot de pensées
l’amène à évoquer cette enfance durant laquelle la féminité telle que sa mère
la représentait la dégoûtait, et là elle ose évoquer la cicatrice de la
césarienne sur son ventre, vestige de ce qui a présidé à sa naissance, comme
ses recommandations sur la manière de s’asseoir quand on est une fille,
c’est-à-dire sans écarter les jambes car c’est indécent et provocateur.
Si le propos a de quoi nous surprendre car il aborde encore bien des sujets, son allusion à la peur du vibromasseur électrique, qu’elle pourrait commander auprès d’un fabricant japonais de sex-toys, son histoire d’amour avec K rencontré dans les toilettes publiques réservées aux hommes, histoire qui lui fait prendre conscience que, décidément, elle ne liera jamais sa vie à celle d’un homme, elle se défaussera quant au suicide de celui-ci après leur rupture, son obligation de consulter un psy car elle a planté une agrafe dans l’oreille d’un collègue et a été du coup mise à pied, sa relation avec Jason le psy en question, ce qui lui permet de rapporter au docteur Seligman, les histoires salaces qu’elle déblatère pour faire de sa thérapie, un ramassis de mensonges outranciers et par là -même de critiquer la méthode, enfin ,le récit concernant son arrière-grand-père , chef de gare dans la petite gare de Silésie qui voyait passer les trains se rendant à la gare suivante, celle d’Auschwitz… si toutes ces considérations bâtissent le portrait d’un être original, c’est la mise en scène et le jeu de la comédienne qui rendent ses dires audibles et construisent ce personnage exceptionnel .
C’est dans l’obscurité qu’on percevra ses premiers mots avant que, dans la lumière on voit apparaître ses deux jambes écartées gainées de rouge, le reste du corps étant dissimulé par l’immense rideau bleu violet qui tombe des cintres. Très vite on la voit surgir portant combinaison de latex rouge et short militaire. La guerrière est en place pour ce show d’une heure et demie au cours duquel elle ne cesse d’aller et venir, se dissimulant derrière les tentures, se roulant sur l’amas de tissus qui occupe le centre du plateau, et qui bouge et se soulève comme un ventre qui respire. (Scénographie Nadia Lauro ). En perpétuel mouvement, elle balance son texte prenant le médecin à témoin de ses dires, l’interpellant pour qu’il l’approuve, c’est Jonathan Capdevielle, le metteur en scène qui parfois lui répond laconiquement depuis la régie. L’évocation des péripéties de sa vie la conduit à changer de posture, de tenues, elle peut apparaître en petite robe de jeune fille ou en petit Jésus automate, (costumes Colombe Lauriot Prevost) esquisser une marche au pas de l’oie ou danser éperdument en faisant de grands moulinets avec son bâton de danse. (Chorégraphie Marcella Santander)
Un travail physique très suggestif et souvent plein d’humour
pour ces paroles dites sans retenue, cette marche pour se libérer du passé et
construire sa véritable identité quoiqu’il en coûte.
En
à peine plus d’une semaine, les concerts de l’OPS ont affiché
deux beaux programmes, associant grandes œuvres du répertoire et
solistes de renom : le pianiste Alexandre Kantorow et la
violoniste Simone Lamsma. Invitée pour la première fois à
Strasbourg, Oksana Lyniv dirigeait l’un des deux concerts.
A
moins de trente ans, Alexandre Kantorow est un jeune pianiste bardé
de premiers prix de concours, de diapasons d’or et d’autres
récompenses discographiques, notamment pour ses poignantes
interprétations de l’oeuvre pianistique du jeune Brahms. Jouant
dans les grandes salles du monde entier, tant comme soliste que comme
concertiste, il a aussi fondé le festival des Rencontres musicales
de Nîmes avec le violoncelliste Aurélien Pascal et la violoniste
Liya Petrova, particulièrement appréciée lors de son récent
passage à Strasbourg. On était donc très curieux d’entendre
Kantorow dans un répertoire différant quelque peu de celui dans
lequel il s’est, jusqu’à maintenant, fait connaître.
Datant
de 1806, le quatrième concerto pour piano et orchestre de Beethoven
fait partie, avec la quatrième symphonie, de ses œuvres les plus
solaires et les plus enjouées, avec un premier mouvement d’une
très grande fluidité mélodique. Dès l’entrée du thème
principal au piano, on est quelque peu surpris de l’ambiance
statique et sombre que notre soliste suscite d’emblée, quand on y
entend habituellement celle d’un éveil lumineux. L’orchestre lui
répond immédiatement sur un rythme un peu martial, avec des timbres
à la verdeur accentuée par un recul assez audible du registre
grave. Histoire de se rassurer, on se dit que le retour du piano va
corriger cette impression première, mais il n’en sera rien.
Contre toute attente, l’ensemble de ce premier allegro,
jusque dans la cadence du soliste, demeurera dans une atmosphère
d’introversion intimiste et pour le moins rigide. L’étonnant
second mouvement, où piano et orchestre évoluent chacun de leur
côté avant de finir par se rejoindre, sera joué sans mystère ni
engagement, avec des coups d’archets peu expressifs et un jeu
pianistique assez indifférent. Quant à l’exubérance du rondo
final, elle a surtout fait entendre des accents guerriers quelque peu
agressifs.
Deux
bis, l’un consacré à Brahms, l’autre à Stravinski nous ont
fait retrouver le Kantorow que l’on aime. Dans le magnifique
intermezzo de l’opus 117, on admire la beauté du toucher et
le naturel de l’inspiration. Avec le mélange de poésie et de
virtuosité déployées dans le finale de l’Oiseau de feu (dans sa
réduction au piano), il semble insurpassable. Kantorow au meilleur
de lui-même !
En
deuxième partie de ce concert ayant débuté par Shadows of
Stillness, une courte pièce, picturale et assez joliment
colorée, de la jeune compositrice slovène Nina Senk, figurait la
quatrième symphonie de Johannes Brahms, son avant-dernière grande
oeuvre pour orchestre créée en 1885, avant le double concerto pour
violon et violoncelle deux ans plus tard, les dernières années
n’étant plus consacrées qu’à la musique de chambre et à
quelques pièces vocales. Là encore, on était curieux d’entendre
Aziz Shokhakimov dans un répertoire où, à l’exception d’un
Requiem allemand la saison dernière, on ne l’a guère
entendu depuis sa prise de fonction à Strasbourg. Bien mieux que
lors du requiem, on eût une interprétation assez originale et une
bien belle exécution orchestrale (supérieure, semble-il, ce soir du
27 février à celle du concert de la veille). Certes, les mélomanes
accoutumés aux voluptés sonores de l’orchestre philharmonique de
Berlin, que ce soit avec Karajan, Abbado ou Rattle auront pu être
surpris de cette approche fondée sur des attaques assez vives, des
notes assez courtes, des phrasés anguleux et une certaine verdeur de
timbres. L’aspect élégiaque et automnale de cette symphonie
recule quelque peu au profit d’une dimension plus conflictuelle et
tourmentée, particulièrement audible dans le mouvement lent et la
passacaille finale. Cette grande œuvre tolère, à vrai dire, bon
nombre d’approche et d’autres grands chefs, comme Carlos Kleiber
ou David Zinmann, ont eux aussi déployé dans Brahms cette
esthétique sonore que l’on peut appeler toscaninienne. On est par
ailleurs reconnaissant à Shokhakimov d’avoir opté pour le grand
orchestre car, à la différence de Beethoven, Schubert, Schumann ou
Mendelssohn, tous les essais ‘’historiquement informés’’
d’effectifs orchestraux resserrés ne se sont pas montrés très
concluants dans la musique de Brahms.
Il a bien fallu quelques minutes, environ le temps de l’exposition, pour que le jeu un peu ‘’brut de décoffrage’’ de l’orchestre cède la place à une cohérente énergie, formant un solide rempart contre le penchant mélancolique de l’oeuvre. Après le second mouvement andante, plus tourmenté que contemplatif, l’allegro giocoso emporte tout sur son passage, enchaînant sur une prodigieuse passacaille, mise en valeur par tous les vents solistes et soulevée par un orchestre chauffé à blanc, d’une cohésion hors du commun. Cette manière tempétueuse sied particulièrement à cette extraordinaire succession de trente cinq variations où Brahms, dans la lignée de Bach et de Beethoven, confirme ses qualités de grand maître du genre.
S’il
est donc des œuvres, comme cette quatrième de Brahms, qui acceptent
parfaitement une grande pluralité d’approches, il s’en trouve en
revanche dont le sens demeure plus univoque et doit être fixé par
l’interprétation. C’est le cas de cette seconde symphonie de
Schumann qui figurait en seconde partie de concert le soir du
vendredi 7 mars, sous la conduite d’Oksana Lyniv. A rebours des
quelques grands interprètes de cette symphonie que sont Georges
Szell, Léonard Bernstein, Herbert von Karajan, Wolfgang Sawallisch,
Nikolaus Harnoncourt, Yannick Nézzet-Seguin, il s’en trouve
beaucoup d’autres n’ayant apparemment pas saisi son irréductible
fébrilité intérieure, sa combativité, sa puissante atmosphère
maniaco-dépressive. La jouer dans l’optique d’un juste milieu
aimable et nourri de bonnes dispositions lui enlève à peu près
tout ce qu’elle a d’essentiel. Artisan d’une belle intégrale
Schumann sur instruments d’époque, un chef comme John Eliott
Gardiner ne nous propose pas moins une seconde symphonie, certes
d’une grande beauté sonore mais dépourvue de tout engagement
vital. C’est une approche similaire qui se faisait entendre sous
la baguette, au demeurant méticuleuse et attentionnée, d’Oksana
Lyniv.
Dans
ce violent combat entre mélancolie plombante et effort vital pour la
surmonter qui traverse tout le premier mouvement, jamais la
mayonnaise ne prend du fait d’une douceur générale, celle des
attaques, des accents, des forte. Les quelques beaux cantabile
qui, ci ou là, se font entendre sont, dans pareil contexte, tout à
fait anecdotiques. Le très regretté Giuseppe Sinopoli,
médecin-psychiatre en même temps que compositeur et chef
d’orchestre, savait quant à lui faire entendre le coeur battant de
cette musique ! En dépit d’un tempo soutenu, le scherzo,
moment maniaque s’il en est, se contente de phrasés confortables,
proches d’un menuet et prévient tout espèce d’incendie dans la
coda. Faire du splendide mouvement lent le motif d’une
simple déploration revient à colmater les abîmes de cette
musique ! Quand au dernier mouvement allegro vivace, joué
avec rondeur, souplesse et une puissance des plus retenues, il ne
restitue pas le caractère artificiel de cette joie excessive,
retrouvée mais fragile, suscitée par aucun mobile extérieur,
n’étant que le retour inopiné d’une santé intérieure
momentanément recouvrée.
Concert du 7 mars avec la cheffe Oksana Lyniv et la violoniste Simone Lamsma Photo Grégory Massat
Ce concert, donné en unique soirée, avait commencé par une fort belle exécution du Prélude de l’acte 1 de Parsifal, témoignant des talents wagnériens d’Oksana Lyniv, première femme invitée à diriger à Bayreuth. Le quatuor à cordes de l’orchestre et la trompette solo de Jean-Christophe Mentzer campent un début splendide, d’une atmosphère très prenante, qui se maintient jusqu’à la dernière mesure. Le mitan de cette ouverture donne, encore une fois, l’occasion de se réjouir de la très haute qualité des pupitres de cuivre dont nous disposons à Strasbourg. Venue il y deux ans pour le premier concerto de Shostakovitch, la violoniste Simone Lamsma, encore jeune mais reconnue sur la scène internationale, est ce soir-là soliste d’une autre grande œuvre du 20e siècle, le concerto du finlandais Jean Sibelius, composé en 1903-1904 et dont la version définitive date de 1905. Avec les moyens violonistiques qui sont les siens, notre soliste invitée soulève l’enthousiasme d’une salle qui, du coup, l’applaudit entre chaque mouvement. Reste toutefois à savoir si un jeu aussi démonstratif et extraverti exprime vraiment l’austérité sombre et minérale de ce concerto. Conduit par Oksana Lyniv, l’orchestre ne se contente pas d’accompagner et joue sa partition dans un esprit bien plus proche de l’oeuvre.
Confirmant
depuis Un divan à Tunis son sens de
la comédie et du rythme, allié à un regard acéré porté sur notre société,
Manèle Labidi signe avec Reine Mère
un film drôle, original et salutaire en ces temps obscurs du rejet de l’autre.
Nécessaire sans doute quand on apprend
qu’avant même la sortie du film, la réalisatrice a essuyé des critiques
incendiaires de son film sur les réseaux sociaux, quand ce ne sont pas des
insultes. Les questions posées lors des avant-premières où elle se rend pour
présenter son film sont parfois renversantes de bêtise. Depuis les années 90,
période à laquelle son film se déroule, la parole s’est décomplexée et dès
lors, les gens ne se cachent plus pour afficher leur racisme. On croit voir un
film « d’époque » – c’était il y a 40 ans – et Reine Mère est bien d’actualité.
Heureuse idée que d’avoir réuni
Camélia Jordana et Soufiane Zermani, les parents de Mouna, scolarisée dans leur
quartier parisien qu’ils ne veulent pas quitter alors que le propriétaire veut
récupérer leur appartement. Le parcours du combattant pour trouver un logement
est édifiant et répond à la question de la « ghettoïsation » dont
font les frais les immigrés qu’il faut regrouper ensemble, le plus loin
possible des centres villes. En ces années 90, avec la montée du parti du
Capitaine Crochet et la guerre du Golfe, les arabes sont non persona grata. On voudrait que ce couple n’ait pas d’enfants ou
bien qu’il soit italien ! Amor (Soufiane Zermani) est parfait dans son
rôle de mari amoureux de sa femme et désespéré de leur situation. Comparé par
la réalisatrice elle-même à Vittorio Gassman, il a une intensité de jeu
remarquable. Quant à Camélia Jordana dans le rôle d’Amel, comparée quant à elle
à Anna Magnani, elle a une fougue, une détermination et une énergie du
personnage indomptable qu’elle incarne qui se refuse à se laisser piéger dans
un déterminisme social assigné. Si elle doit être femme de ménage, ce sera sans
blouse, en talons et auditrice libre de cours d’histoire à la fac où elle est
employée.
Manèle Labidi a puisé dans ses
souvenirs d’enfance et n’a pas voulu faire un film autobiographique mais une
« biomythographie » (selon Audre Lorde). Déjà Freud en personne
s’invitait sur le divan de Tunis. Ici, c’est Charles Martel qui surgit dans la
cour d’école de Mouna et dans l’appartement familial. Seule Mouna le voit
depuis qu’elle a entendu cette phrase terrible : « Charles Martel a arrêté
les Arabes à Poitiers » ! C’était en 732. Comme le dit la
réalisatrice, quand elle était au CM1, cette phrase a éveillé un grand malaise
chez elle et la prise de conscience qu’elle était arabe. Comment vivre avec ce
sentiment dans la France de Chirac qui parle des « odeurs » … ? Charles
Martel devient son ami imaginaire, Damien Bonnard, inénarrable dans sa cote de
maille avec sa couronne sur la tête. Le film est poétique et plein de
fantaisies, avec des morceaux de comédies musicales. Damien Bonnard, faisant
des claquettes ou maquillé comme une poupée vaut le détour. Plus sérieusement,
Charles Martel a été réhabilité pour la mémoire nationale au moment de la
colonisation de l’Algérie. Il est une image fantasmée de la société française,
loin de la vérité historique. Consulté pour le film, l’historien et auteur d’un
livre sur Charles Martel, William Blanc, s’interroge sur la force symbolique du
personnage : « Est-ce un spectre qui hante l’hexagone comme le reflet
d’un passé et d’un présent dérangeant ? Ou bien symbolise-t-il un apaisement
possible et une meilleure compréhension de l’autre ? » Le spectateur
tranchera.
Les romans d’Eric
Reinhardt sont inspirants pour le cinéma. L’adaptation de l’Amour et les forêts par Valérie Donzelli a été un succès. Le système Victoria, dès sa parution en
2011, avait séduit Sylvian Desclous au point de contacter l’auteur. Le temps a
passé, le projet d’une adaptation s’est fait jour et avec le romancier, ils ont
coécrit le scénario. Comme souvent les bonnes adaptations, il s’agissait de
trahir le roman. Le lecteur se plaira à découvrir comment le roman a été revisité
et de voir derrière les personnages de David et Victoria, Damien Bonnard et
Jeanne Balibar.
Il
est dit que les prénoms ont une influence sur la construction de ce que nous
sommes, sur notre personnalité. Victoria incarne la réussite toute puissante
d’une DRH très influente. La rencontre est étonnante entre elle et David. Il
tombe sous le charme de cette femme qui parle aussi bien le chinois que
l’allemand, qui manage sa vie avec une liberté et un contrôle qui le
subjuguent. Et surtout, elle le comprend et elle devine son parcours de
brillant jeune architecte qui se retrouve à exercer le métier alimentaire et
schizophrénique de chef de travaux pour la construction d’une tour dans le
quartier de la Défense, lui qui rêve de maisons écologiques inscrites dans le
paysage. Un homme frustré donc, séparé de sa femme, en mal de communication
avec sa fille et humilié par ses patrons qui exigent à la fois des économies
sur le budget et un rendu de l’édifice dans les temps. Aucun retard ne sera
admis.
L’humiliation,
le manque de respect et de reconnaissance sont le quotidien de David qui évolue
dans un univers de béton, de fer et de poussière et même les fenêtres n’offrent
pas d’échappées ; dans les vitres, le reflet des personnages, un monde comme
une prison qui renverrait à leur espace mental, enfermés dans un système sur
lequel ils n’ont pas de contrôle. Ils sont dans un rapport hiérarchique et
d’intérêts. Quand David en fait le reproche à Victoria, incarnation de ce
système, elle lui rétorque que lui aussi est un petit chef qui donne des
ordres. Personnage complexe et ambigu, elle est une énigme pour David qui la
questionne, notamment sur sa sexualité qu’elle vit avec la même liberté. Mais
dit-elle la vérité ou bien ce qu’il veut entendre ? Qui est-elle ?
Femme amoureuse ou fine calculatrice ? Femme mariée, femme adultère. Qui
est son mari ? Qui est son amant ? Amusants caméos de deux hommes
biens connus de la scène littéraire.
Pour
Sylvain Desclous, nulle autre actrice que Jeanne Balibar avec son phrasé
particulier, la manière de se mouvoir, ne pouvait mieux incarner les facettes contraires
et contrastées qui composent Victoria. Damien Bonnard est le « man next
door » « à la force tranquille et bonhomme » alliée à une
sensibilité qui le rend touchant. Est-ce dire que Victoria est la méchante de
l’histoire ? Ils appartiennent à deux mondes différents, deux classes
sociales antagonistes et leur liaison improbable fait se confronter deux
systèmes de pensée inconciliables si ce n’est qu’entre les deux s’exerce une
attraction irrésistible qui conduit à tous les possibles.
Comment retourner le destin ? Inopinément, la fin du film réconcilie avec le genre humain et la capacité à encourager qui a le projet d’un monde à réinventer. L’espoir n’est pas vain de trouver sa place, d’être à la bonne place.
Avec La Forteresse, spectacle initié par le Groupe 48 de l’Ecole du TNS, mis en scène par Elsa Revcolevschi, nous nous retrouvons quelques années en arrière, époque où la psychiatrie se remettait en question et ouvrait des établissements comme la clinique Borde à Cour-Cheverny où l’on y pratiquait des expériences de vie sur le bateau L’Adamant, qui a été documenté dans film de Nicolas Philibert, sans oublier le courant de l’antipsychiatrie né dans les années 6O qui dénonçait la psychiatrie et l’enfermement comme des outils de répression.
Avant la représentation nous sommes invités à voir une exposition d’œuvres réalisées par des personnes qui ont été hospitalisées dans une de ces cliniques qui a fermé, celle des Rives à Montpalette et ce, dans le cadre du programme national de mise en valeur du patrimoine culturel et artistique des hôpitaux et cliniques psychiatriques françaises. Toutes les œuvres présentent la particularité d’être composées avec les matériaux qui se présentaient aux résidents, cartons , bouts de tissus et autres objets que leur imagination a rassemblés, agencés pour en faire ces réalisations surprenantes comme, entre autres ce bateau négrier ou cette œuvre fabriquée avec des petites cuillères ou cette puissante marionnette… et comme toujours devant tant d’inventivité nous sommes admiratifs et nous allons le rester en assistant à la pièce élaborée par les élèves du Groupe 48 de l’Ecole du TNS, probablement inspirés par ceux qui ont conçu ces œuvres.
La scénographie (Mathilde Foch) nous montre un intérieur qui est une pièce à vivre où se côtoient une grande table, un coin cuisine, un établi, une machine à laver et divers objets du quotidien permettant à chacun de mener ses petites activités et d’entrer en contact avec les autres habitants du lieu . Tour à tour les résidents prennent possession de l’espace, vont à la rencontre de l’un ou de l’autre dans un rapport simple et plutôt fraternel. On perçoit vite que chacun a ses petites habitudes et les manifeste à l’envi sans que cela déclenche la moindre remarque ou critique.
Telle prépare le café et l’offre à celui qui arrive, telle
balaie systématiquement et range, c’est la vie de famille en quelque sorte où
règnent attention et bienveillance, on perçoit bien sûr le côté maniaque de
certains mais cela n’a rien de spectaculaire et reste très juste et surtout
bien observé. Et les petits dérapages ne font que conforter ce côté bon enfant
et fantaisiste qui fait partie des aléas de la vie, alors, boulettes de pain
qu’on jette ou baiser pour se refiler une miette sur la langue, pas de quoi
s’offusquer, plutôt s’en amuser.
C’est cela qu’il faut souligner dans ce travail des élèves, cette attention à noter les détails qui mettent en évidence la personnalité de chacun à travers des attitudes, des postures qui les caractérisent Judy Mamadou Diallo est Sylvain, Thomas Lelo joue François, Gwendal Normand est Mathias, Blanche Plagnol devient Angèle, Marie Sandoval Freudelina et Apolline Taillieu Suzie. On perçoit que leurs prestations résultent de leur engagement à nous montrer ce qu’a de profondément humain ce vivre ensemble où rien ne distingue les soi-disant malades et les soignants, ce qui est le propre de la psychiatrie institutionnelle. (La dramaturgie est signée Vincent Arot). C’est pourquoi quand s’annonce la probable fermeture de ce lieu, l’idée qui leur vient est d’organiser « une fête des larmes », une belle façon de défier la tristesse et l’angoisse que cette fermeture annoncée risque de provoquer. Ils s’adonnent aux préparatifs et répétition et l’on voit apparaître les grands seaux prêts à recueillir les larme, et bientôt tous apparaissent avec de somptueux déguisements qui les rendent princiers, (création costumes Salomé Vandendriesseche), heureux au point que deux n’hésitent pas à s’enlacer pour une danse pleine de frivolité. (création sonore Paul Bertrand, lumières Clément Balcon)
Ce magnifique travail d’écriture et de jeu collectif s’achève, comme il se devait sans doute dans l’esprit de cette entreprise par « un petit discours » qui dénonce le danger que court la psychiatrie actuellement faute de personnel et de moyens pour offrir aux patients des conditions d’accueil et de soin respectant leur liberté et leur dignité telles que ce spectacle en a montré leur bien-fondé.
De la chorégraphe britannico-rwandaise Dorothée Munyaneza directrice de la compagnie Kadidi sise à Marseille.
Reçue plusieurs fois à Strasbourg, nous connaissons et apprécions cette artiste pluridisciplinaire qui était très récemment au TNS avec la pièce « Les Inconditionnelles » de Kae Tempest. Au Maillon c’est un spectacle de danse qu’elle nous offre intitulé Umoko, nom de l’arbre sacré du Rwanda, son pays de naissance. Pour ce retour aux sources elle invite 5 jeunes danseurs et 3 musiciens de ce pays et le spectacle commence par le jeu de l’un d’eux sur l’inanga, un instrument typique de ce pays, instrument à bois et à corde dont les résonances nous appellent et nous conduisent vers cette magnifique prestation, une sorte de cérémonie fascinante où dans la lumière tamisée (Lumière et scénographie Camille Duchemin) les prodigieux danseurs se mettent à évoluer.
Il n’est pas exagéré de dire qu’ils sont sublimes, la prestance de leurs corps magnifiée par des tenues rouge et noir d’une grâce et élégance extrêmes (Costumes Stéphanie Coudert). Avec quelle énergie, quelle rapidité ils parcourent l’espace scénique, bondissant, rebondissant déployant bras et jambes comme s’ils devenaient de grands oiseaux, occupant l’espace d’en haut comme celui du sol, esquissant avec une légèreté et une virtuosité époustouflantes les mouvements qui les propulsent en véritables envolées.
C’est une célébration de la vie que nous donnent à voir Jean Patient Nkubana, Impakanizi, Cédric Mizero, Abdoul Mujyambere, Michael Makembe qui n’ont seulement pratiquent cette danse performative avec maestria mais chantent aussi et s’adonnent aux percussions corporelles dont ses clochettes accrochées au mollet de l’un d’eux et ces battements de mains très rythmés, et expressifs.
Tout cela nous transporte dans un ailleurs où la culture est
le socle de la créativité.