Bible mécanique

Plonger dans le livre de Peter Nygaard, c’est entrer à la fois dans le monde fascinant de la Formule 1, le plus populaire des sports mécaniques mais surtout c’est effectuer à retour dans un passé tout personnel, dans celui des courses que nous regardions à la télévision, enfant avec nos pères et adulte avec nos enfants. Avec sa narration et sa succession de photos magnifiques tirées de ses archives personnelles et d’anecdotes, l’auteur nous embarque immédiatement pour un voyage sur les plus grands circuits et dans les paddocks de ces quelques soixante-dix dernières années.


Il faut dire que le livre brille par sa complémentarité. En parcourant ainsi toute l’histoire de la F1, Peter Nygaard ne se limite pas seulement à la simple énumération des faits. Certes, il liste en fin d’ouvrage tous les champions du monde, dans une sorte de galerie de portraits où chacun, de Fangio à Verstappen en passant par Stewart, Lauda ou Prost, est affublé d’un titre, d’un surnom, celui parfois que l’on entendait dans la bouche des commentateurs. Prost est le professeur, Häkkinen, le Finlandais volant luttant contre l’impitoyable baron rouge, Michael Schumacher, et Jochen Rindt, le champion posthume remportant le titre mondial après son décès à Monza, le 5 septembre 1970. Les drames terribles, ceux de Gilles Villeneuve, de Roger Williamson ou d’Ayrton Senna, revers de la médaille des victoires éclatantes sont là et nous rappellent la fragilité de ce sport qui ne tient parfois à rien.

La partie consacrée aux évolutions technologiques est également fascinante. Fibre de carbone, volant, pneus – l’apparition des pneus slicks date de 1971 – sécurité comme la mise en place du halo qui sauva certainement la vie de bon nombre de pilotes ces dernières années, toutes ces considérations montrent également que la F1 est l’antichambre des évolutions qui touchent nos voitures du quotidien. Avec ce livre, la Formule 1 prend parfois des airs d’œuvres d’art, de musée du Design qu’il s’agisse de l’évolution des monoplaces ou de la comparaison fascinante des casques, ces armures modernes qui tantôt disent quelque chose de chaque pilote, tantôt semblent tout sortis, comme le casque de Mario Andretti, de films de science-fiction.  

McLaren

Mais tout champion en devenir a besoin, comme un cavalier, d’un cheval à la hauteur de ses ambitions. C’est cette complémentarité, cette alchimie entre un pilote et sa voiture qui fabrique les légendes de la Formule 1. Dans cette course sans cesse recommencée que raconte à merveille l’auteur, il y a bien évidemment ce cheval noir cabré de Maranello à qui Peter Nygaard a d’ailleurs consacré un autre ouvrage avec ses cavaliers successifs, mais également tous ces autres chevaux qui ont changé de robes au fil des décennies : verte chez Lotus, argentée chez Mercedes, bleue chez Ligier. Le lecteur verra ainsi que les McLaren n’ont pas toujours été blanches et rouges mais qu’elles ont aujourd’hui retrouvé leur orange originelle lorsqu’elles étaient pilotées par Bruce McLaren et qu’elles étaient floquées du célèbre logo Gulf qui barra également la Ford GT40 victorieuse au Mans en 1968, logo qui a d’ailleurs renoué ces dernières années son partenariat avec l’écurie britannique.

Au fil de ces pages que le lecteur ouvrira soit au hasard pour se laisser surprendre, soit pour suivre l’évolution d’une discipline et de ces monoplaces qui ont, depuis leur apparition, fasciné notre imaginaire collectif, il laissera ces images pénétrer ses souvenirs. Formule 1 de Peter Nygaard a donc tout d’une bible pour non seulement tout passionné de F1 mais également pour tous ceux qui ont été, un moment ou un autre, percuté dans ce carambolage culturel par un sport qui a et continue très largement de dépasser ses simples frontières mécaniques.

Par Laurent Pfaadt

Peter Nygaard, Formule 1, 2e édition, préface Laurent-Frédéric Bollée
Chez Glénat, 480 p. 2022