Comment meurt une démocratie

La fin de la République de Weimar et l’ascension d’Hitler

Le regain d’intérêt éditorial pour les années 30 a permis de questionner certains évènements ayant conduit au second conflit mondial et de mettre en lumière des périodes moins connues ou écrasées entre deux époques fondatrices du 20e siècle, à savoir la Première guerre mondiale et l’avènement du Troisième Reich. En se saisissant de quelques moments-clés racontés avec intensité qui tendent presque à en faire un thriller historique, Benjamin Carter Hett, professeur au Hunter College réussit parfaitement son pari, à savoir celui de nous plonger là où tout a commencé, de tirer les principaux fils pédagogiques de cette époque, et de démonter certains mythes bien établis.

Tout commence donc durant cette nuit du 27 au 28 février 1933, cette « dernière nuit de la démocratie allemande » selon l’auteur. Le Reichstag vient d’être incendié par des nazis arrivés au pouvoir quelques semaines plus tôt. Déroulant les évènements ayant conduit à ce drame depuis 1918, tels des flashbacks d’une histoire dont on connaît la fin, Benjamin Carter Hett n’omet rien : le complot de l’armée rejetant la défaite sur les politiques avec le fameux « coup de poignard dans le dos », la responsabilité des conservateurs menés par Franz von Papen qui ont cru pouvoir utiliser Hitler, « nous l’avons engagé pour nous-mêmes », et bien évidemment la crise économique.

Dans le même temps, l’auteur réalise un précieux travail de réhabilitation de ce régime perçu comme faible car ayant échoué à contrer l’avènement du nazisme. Avant-gardiste sur les droits des homosexuels et des femmes, réalisant des avancées sur l’avortement et la peine de mort, instaurant un scrutin proportionnel tout à fait remarquable et menant une activité diplomatique efficace, la République de Weimar dont la constitution est ici parfaitement analysée, souffrit cependant de certaines faiblesses notamment au sein de son système institutionnel et en particulier la Présidence, exercée par Paul Hindenburg, héros de la Grande guerre qui lui aussi, sous-estima Hitler et ses acolytes. La mort d’Hindenburg ouvrit ainsi une brèche dans laquelle les nazis et Hitler s’engouffrèrent pour précipiter l’Allemagne, l’Europe et l’Histoire dans le brasier de la seconde guerre mondiale. C’est cette course à l’abîme que relate avec talent et érudition Benjamin Carter Hett.

Par Laurent Pfaadt

Benjamin Carter Hett, Comment meurt une démocratie, la fin de la République de Weimar et l’ascension d’Hitler
Aux éditions L’Artilleur, 512 p.