Sélection BD/Manga

La bande-dessinée, le roman graphique et le manga font parties désormais des habituels cadeaux sous le sapin. Hebdoscope vous aide à choisir


José-Louis Bocquet, Jean-Luc Fromental, Floc’h, L’art de la guerre, Un autre regard sur Blake et Mortimer, Dargaud, 128 p.

Inaugurant une nouvelle collection baptisée un autre regard sur Blake et Mortimer dans un format différent, plus long, cette nouvelle aventure nous emmène à New York, dans la fameuse maison de verre des Nations-Unies en pleine guerre froide. Nos héros retrouvent une vieille connaissance, le colonel Orlik car comme le dit si bien l’un des personnages, « s’il n’y a pas d’Orlik, à quoi servent Blake et Mortimer ? » Rassurez-vous, Olrik est là et bien là. Et même qu’il est à la manœuvre pour faire basculer, comme à son habitude, le sort du monde. Et pour cela, il a puisé son inspiration dans l’art de la guerre de Sun Tzu.

Les couleurs de Floc’h, très belles, donnent un côté années 50 fort agréable et permettent une plongée immédiate dans cette époque avec des cases comme sorties de l’agence Sterling Cooper Advertising. Fidèle à l’univers d’Edgar P. Jacobs avec ces références aux aventures désormais mythiques (Septimus) tout en le revivifiant, cet autre regard sur Blake et Mortimer est extrêmement bien réussi. Très plaisant visuellement, d’une lecture fort agréable, il comblera sans problème à la fois  aficionados du célèbre duo et nouveaux lecteurs.

Hiroaki Samura, Ryu Suenobu et Renji Takigawa, L’Habitant de l’infini Bakumatsu, Casterman, 192 p.

Il y a trente ans, au début des années 1990 paraissait un manga qui allait marquer toute une génération. L’Habitant de l’infini comptait ainsi les aventures du samouraï immortel Manji bien décidé à rejoindre sa défunte sœur. Problème : un ver installé dans son corps guérit ses blessures. Pour s’en débarrasser, il doit tuer mille scélérats. Le justicier se met en tête de remplir sa mission à coups de sabre tout au long des différents tomes qui jalonnèrent le succès planétaire de la série.

Trente ans plus tard, voilà que l’Habitant de l’infini reparaît dans un spin-off. Quatre-vingt ans ont passé. Et en ce milieu du 19e siècle, la révolution Meiji souhaite ranger les samouraïs au musée. C’est ce qu’on a appelé le Bakumatsu, la fin du shogunat Tokugawa durant lequel Manji a construit sa légende. Retiré, notre héros assiste à cette lutte entre modernité et tradition. Mais voilà que dans l’ancienne capitale, Kyoto, une étrange doctoresse maîtrisant les arcanes de l’immortologie semble pouvoir enfin lui apporter la rédemption recherchée.

Hiroaki Samura a confié le dessin de cette nouvelle série à Ryu Suenobu et Renji Takigawa. Fidèles au samouraï du crayon, ils restituent à merveille toute la beauté des combats en les plongeant dans un scénario extrêmement bien élaboré. L’Habitant de l’infini Bakumatsu est ainsi prêt à séduire une nouvelle génération de lecteurs.

Lapière, Dutreuil, Michel Vaillant Légendes, T2 L’âme des pilotes, Graton, 64 p.

Après Indianapolis, le deuxième opus de cette nouvelle série Légendes nous emmène à Monaco lors de l’édition 1971 du fameux Grand Prix. Les Vaillantes ne sont pas en grande forme. Lors du grand prix d’Espagne, elles ont accumulé les problèmes. Si bien que Michel Vaillant n’aborde pas la mythique course avec sa sérénité habituelle pour affronter l’imbattable Jackie Stewart. D’autant plus qu’à quelques kilomètres de là, à Marseille, une sombre histoire impliquant la CIA semble  liée à la célèbre course.

Le scénario signé une fois de plus Denis Lapière, tient son lecteur en haleine jusqu’au dernier tour tandis que les dessins de Dutreuil, fidèles à Jean Graton, offrent entre polar et course automobile une aventure très réussie. Les planches de la ville de Marseille réjouiront les amoureux de la cité phocéenne et les nostalgiques des années 1970 se régaleront de cette ambiance qui lui donne un petit côté French connection. Une fois de plus, sur la piste et en dehors, la team Vaillant devra faire face à une multitude de dangers pour s’en sortir. Mais n’est pas Michel Vaillant qui veut…

Par Laurent Pfaadt

Déjeuner sur papier

Il y a 120 ans était attribué le premier prix Goncourt. L’occasion d’un repas de famille en forme de livre

Chaque année, début novembre c’est la même chose. Une nuée de journalistes attend une poignée d’hommes et de femmes de lettres composant un auguste aréopage réuni dans un restaurant pour annoncer le sacre d’une nouvelle étoile des lettres. Puis la traditionnelle photo autour d’une table. Le 21 décembre 1903, John-Antoine Nau recevait pour Force ennemie, roman fortement inspiré du Horla de Guy de Maupassant le premier prix Goncourt devenu aujourd’hui le principal prix littéraire français, auréolé d’une gloire qui dépasse très largement ses frontières si l’on en croit les divers choix de pays tels que la Pologne, la Roumanie ou cette année celui du Rio de la Plata (Uruguay-Argentine).


Leila Slimani
copyright Laurence Houot/Culturebox

Pour se plonger dans l’histoire de ce prix crée par le testament d’Edmond Goncourt, à l’occasion de son 120e anniversaire, rien de tel que de parcourir le livre passionnant de Jean-Yves le Naour, spécialiste de la Grande guerre et de Catherine Valenti. Bien évidemment les auteurs passent en revue les lauréats, de Maurice Genevoix à Jean-Christophe Rufin en passant par Bernard Clavel et Romain Gary, seul récipiendaire de deux prix après un canular resté célèbre. Un prix qui couronna des romans difficiles ou populaires comme le lauréat de cette année, Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea. Il y a les absents du prix comme Jean-Marie Gustave Le Clezio, Antoine de Saint-Exupéry et Raymond Dorgelès, futur inamovible président du jury pendant dix-neuf ans et défait en 1919 par un certain…Marcel Proust dans ce qui reste comme l’un des grands duels de l’histoire du Goncourt, ce « Goncourt du siècle ». « Bien des auteurs ont eu le Goncourt mais « le Goncourt a eu Proust » écrivent ainsi les auteurs. Le livre remet à l’honneur des figures aujourd’hui oubliées comme celles de René Maran qui remporta le prix de 1921 pour Batouala, un « Goncourt décerné à un Noir » comme le titra Le Journal ou celle de Philippe Hériat, victorieux des prix Renaudot (1931), Goncourt (1939 pour Les Enfants gâtés), et de l’Académie française (1947),et revient sur quelques scandales littéraires comme lors de l’édition 1951 lorsque Julien Gracq, couronné pour Le Rivages des Syrtes, refusa le prix.

Et puis il y a ce restaurant Drouant dans le 2e arrondissement où depuis 1914 se réunissent les jurés pour décider des futurs lauréats au milieu de savoureuses agapes. D’ailleurs, ici les fauteuils de l’Académie française ont été remplacés par dix couverts. Car à y regarder de près, le prix Goncourt ressemble un peu à un déjeuner de famille. Il y a les jurés qui, tels des parents, veillent sur leurs progénitures comme maman Edmonde et sa vie incroyable et papa Hervé qui est une vraie langue de vipère. Leurs frères et sœurs qui s’invitent parfois. L’oncle Bernard, jamais avare de livres pour nous et qui saoule avec le foot. L’oncle Sacha et ses blagues. Tante Colette et ses histoires croustillantes pas comme tante Christine qui fout le bourdon. Oncle Patrick qui raconte l’histoire comme personne. Pas comme oncle Régis qu’on comprend pas toujours. Et puis oncle Roland qui a fait la guerre et vient tous les dimanches ou oncle Amin avec son accent immortel comme un rocher.

Autour de la table, les fils et filles prodigues (Leila et Mathias) se régalent, pas comme ceux qui attendent en vain la reconnaissance de leurs parents (Amélie) ou qui, invités régulièrement, mangent dans la cuisine avec Renaudot. Les trublions qui une fois sur deux (surtout Romain !) transforment le repas en pujilat ou quittent la table (Virginie) et ceux qui, rassasiés, ne laissent que des miettes à leurs voisins de table (Michel ou Andrei).

Tout cela nous a donné faim. Il est temps de se mettre à table, Le Naour et Valenti attendent de servir. Le menu du jour promet.
Miam !

Par Laurent Pfaadt

Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti, 120 ans de prix Goncourt. Une histoire littéraire française, Omnibus/Perrin, 576 p

A lire bien évidemment le dernier lauréat, Jean-Baptiste Andrea, Veiller sur elle, L’Observatoire, 592 p.

Sélection Beaux Livres

A l’occasion des fêtes de fin d’année, Hebdoscope vous propose comme chaque année une sélection d’ouvrages qui feront, à coups sûrs, des heureux

Ian Nathan, Clint Eastwood, la filmographie intégrale du réalisateur iconique, Gallimard, 176 p.

Tous les passionnés de cinéma américain vont adorer ce livre. Des westerns spaghettis à Cry Macho en passant par Bronco Billy ou Magnum force, le journaliste britannique Ian Nathan nous emmène sur les traces de Clint Eastwood, l’une des grandes « gueules » et icônes vivantes du cinéma américain.

A travers un récit thématique qui permet de couvrir l’intégralité d’une filmographie abondante et merveilleusement illustrée et passe avec brio du western à la comédie, du film d’action à la biographie musicale, le lecteur est immédiatement embarqué dans l’aventure de cet acteur devenu l’un des réalisateurs les plus transgressifs de ces soixante dernières années. Ces dernières dessinent la figure d’un anti-héros aux mues successives brisant les codes jusque-là établis et allant souvent à contre-courant des modes. Qualifié de « macho idéal », disséquant les mythes et la violence d’une nation qu’il incarna ou exposa malgré un conservatisme assumé, Clint Eastwood demeure le reflet d’une histoire américaine tourmentée qui inspira, avec ses œuvres, la civilisation occidentale.

De Josey Wales, hors-la-loi (1976) qualifié par l’auteur de « meilleur film de Clint Eastwood à ce jour » à Doux, dur et dingue avec cet orang-outan volant la vedette à l’acteur en passant par les chefs d’œuvre que furent Impitoyable et Mystic River, ce livre parle également à notre propre histoire personnelle que Clint Eastwood accompagna.

« Tout comme Impitoyable était bien plus qu’un western, ce film était bien plus qu’un polar : la question morale du bien et du mal y est abordée dans toute sa complexité » écrit ainsi Ian Nathan à propos de Mystic River qui marqua également la première collaboration musicale de Clint Eastwood avec son fils Kyle apparut dans Honkytonk Man et qui allait ensuite signer les bandes originales de plusieurs films de son père notamment Gran Torino, L’échange et Invictus. En complément du livre sort ainsi le très beau Eastwood Symphonic regroupant les musiques des films de Clint composées par Kyle, musicien accompli et partageant avec lui cette passion du jazz si brillamment démontrée dans Bird.

A écouter : Eastwood Symphonic, label Discograph

Jean-Louis Moncet, Alain Pernot, Johnny Rives, Le grand livre de la F1, préface d’Alain Prost, Marabout, 288 p.

« Pour conquérir ces avancées, il y a les hommes, les ingénieurs, les inventeurs, les techniciens et les pilotes dans une confrontation perpétuelle » écrit Alain Prost, quadruple champion du monde,  dans la préface de ce très beau livre. Ecrit par quelques-uns des plus grands connaisseurs de la Formule 1 notamment Jean-Louis Moncet, ancien journaliste bien connu des amateurs de F1, ce livre nous fait revivre les grands moments de ce sport à travers des portraits, des courses, des circuits ou des moteurs.

Les grands moments, à travers une très belle infographie comparable à celle des autres volumes sportifs de Marabout (MMA, Boxe), sont parfaitement expliqués notamment ces illustres grands prix d’Australie (1996) qui vit la victoire d’Alain Prost ou du Brésil (2008), terrain de l’affrontement titanesque entre Felipe Massa et Lewis Hamilton qui valut à ce dernier le titre mondial pour un point. Au sport, le livre ajoute une dimension technique et technologique avec l’évolution des moteurs, de la sécurité et une rubrique fort pertinente intitulée « Qu’est-ce qu’une F1 dans les années… ? ».

Un livre à parcourir sans ceinture de sécurité.

Bertrand Alary, Jean-Pierre Sabouret, Metal, 40 ans de musique puissante, Gründ, 352 p.

Il y a quarante ans, au début des années 80, quand ce nouveau genre musical baptisé Metal ou Heavy Metal fit son apparition sur quelques scènes confidentielles en Angleterre et aux Etats-Unis, les spectateurs étaient rares et regardés comme déviants. Seuls les passionnés se souviennent encore de Whitesnake ou de Mercyful Fate, ce groupe de métal danois. Aujourd’hui, ces mêmes groupes ont traversé ces décennies. Ils s’appelent Metallica, Iron Maiden et remplissent avec leurs héritiers des stades de plusieurs dizaines de milliers de spectateurs venus en famille pour admirer leurs idoles. Leurs souvenirs présents dans ce livre se transmettent lors de soirées et de concerts où fans de la première heure croisent convertis de la dernière.

Dans une nouvelle édition augmentée de 32 pages avec sa couverture désormais rouge, Bertrand Alary, photographe pour les principaux magazines de métal et Jean-Pierre Sabouret, ancien rédacteur en chef de Hard Rock Magazine s’associent à nouveau pour emmener leurs lecteurs dans un nouveau voyage musical infernal, de Black Sabbath et Led Zeppelin, les pères fondateurs aux derniers nés en passant par les incontournables (Megadeth, Def Leppard, Alice Cooper) et les plus confidentiels (Uli Roth, Cannibal Corpse, Lofofora). Le mélange des genres y est permanent et les riffs assurément monstrueux…

Paris 2024, Cent ans de Jeux Olympiques, Solar/L’Equipe

Paris et la France célébreront en 2024 le retour des Jeux Olympiques (26 juillet-11 août) et Paralympiques (28 août-8 septembre) dans la capitale, cent ans après un premier rendez-vous. Pour célébrer ce siècle de Jeux olympiques qui a vu ces derniers se répandre sur tous les continents, accueillir de nouveaux sports et refléter l’évolution géopolitique du monde, le journal l’Equipe en collaboration avec les éditions Solar publient le manuel nécessaire pour se préparer à cette grande fête.

Les grands exploits, les grands champions mais également les grands rebondissements se succèdent au fil des pages. Accompagnés de ces immortelles photos que nous connaissons tous et des mots des grandes plûmes du quotidien sportif, le livre offre à tout passionné de sport une plongée dans ses propres souvenirs mais également dans l’histoire parfois tourmentée des JO. De Jessie Owens en 1936 à Usain Bolt en 2008 en passant par l’épisode Ben Johnson en 1988 et Bob Hayes à Tokyo en 1964, d’Emil Zatopek à Michael Phelps, de Michael Johnson à Tony Riner, les champions reprennent vie dans ce livre fantastique. Des Jeux de Berlin (1936) à la prise d’otages des athlètes israéliens en 1972 à Munich en passant par les poings levés de Smith et Carlos à Mexico en 1968 ou la victoire arc-en-ciel de Cathy Freeman à Sydney en 2000, ce livre est véritablement un condensé d’émotions et pas que sportives.

L’entraînement parfait donc avant d’autres émotions à venir pour faire de Paris, selon les mots d’Hemingway, « une fête ».

Par Laurent Pfaadt