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Festival international de musique de Wissembourg

Le festival de musique de Wissembourg, dont les concerts ont lieu durant la seconde quinzaine du mois d’août, fêtait cette année son vingtième anniversaire. Sa relative confidentialité dissimule la haute qualité des artistes conviés et des programmes, tous axés sur la musique de chambre. En témoigne le concert entendu le samedi 24, donné par le Trio Miroir et le pianiste Simon Bürki dans un programme éclectique avec des œuvres de Beethoven, Fauré et Rachmaninov, que l’on n’a pas toujours l’occasion d’entendre.


Photo Michel Le Gris

Sise au pied des Vosges du nord, la petite ville de Wissembourg, outre son abbatiale avec son très bel orgue du 18ème siècle, possède aussi un accueillant auditorium d’environ six cents places et sa scène parfaitement adaptée à la musique de chambre. L’acoustique y est légèrement mate, avantageant plutôt la clarté des lignes instrumentales que leur volupté. Le Trio Miroir, qui s’y produisait samedi 24 août au soir, se compose de trois musiciens de haut vol : le violoncelliste Christophe Morin, officiant, entre autres activités, dans cette formation d’élite qu’est le Mahler Chamber Orchestra, Grégoire Vecchioni, jeune altiste à l’Orchestre de l’Opéra de Paris et Charlotte Juillard, violon supersolo à l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg depuis 2014, très active en matière de musique de chambre, créatrice et première violoniste du quatuor Zaïde de 2009 à 2017.

Le trio n°1 de l’opus 9 de Ludwig van Beethoven ouvrait le concert. Il fait parti d’un ensemble de trois trios pour cordes écrit par le jeune Beethoven dans les années 1796-98 et que le compositeur jugeait, en ce temps-là, comme ‘’la meilleure de ses œuvres’’. Son maître Joseph Haydn estima cependant, lors de leur première audition, que le n°3 de cet opus 9 ferait mieux de ne pas être publié, du fait d’audaces excessives risquant de le rendre insaisissable par ses contemporains. Vu le caractère ombrageux du jeune Beethoven, les relations entre l’élève et le maître n’en furent évidemment pas améliorées. Si le troisième de l’opus 9 est en effet le plus novateur, le numéro 1 entendu l’autre soir reste mélodiquement le plus beau et le plus étonnement varié. Le Trio Miroir en aura donné une fort belle exécution, techniquement parfaite et musicalement pleine d’allant, de spontanéité et de vitalité, assortie à une grande justesse de style.

L’une des belles découvertes de ce concert fut l’audition du très jeune pianiste suisse, Simon Bürki, bardé de premiers prix dans les concours, qui nous offrit une sélection des Préludes de Sergueï Rachmaninov, surement le chef d’oeuvre du compositeur et grand pianiste russe. La maîtrise technique dans cette musique difficile entre toutes et l’engagement subjectif que déploient ce jeune homme, le caractère naturel des nuances et la tenue des fortissimi dont cette musique abonde mais qu’il ne laissa jamais dégénérer en effet tapageur furent un réel moment de bonheur musical.

Composé en 1887, soit dix ans après son premier et mélodieux quatuor avec piano, le second des quatuors de Gabriel Fauré est d’un style tout autre, bien plus audacieux et novateur, rompant par ailleurs avec l’ambiance intimiste dans laquelle baigne généralement sa musique. Cette œuvre d’une bonne trentaine de minutes réparties en quatre mouvements débute par un allegro très modéré, suivi d’un scherzo d’une grande vivacité, d’un mouvement lent introspectif et d’un allegro molto s’achevant de manière quasi-convulsive . Rien à voir avec l’ambiance contemplative du quintette avec piano que Fauré composera ultérieurement ! Simon Bürki et les membres du Trio Miroir, excellement réunis pour cette seconde partie du concert, ont bien fait entendre tous les contrastes et les changements d’atmosphère qui scandent cette œuvre, à la fois tendue, méditative, mystérieuse, inquiète et finissant dans l’agitation.

Michel Le Gris

Un été avec les Dumas

Le Comte de Monte-Cristo par Nicolas Bernard

Plus que mon Dumas préféré, mon roman préféré ! Comment ne pas vibrer devant l’incroyable destinée d’Edmond Dantès, victime innocente d’une trahison perfide, revenu d’entre les morts sous les traits d’un mystérieux aristocrate, détenteur d’une fortune aussi démesurée que sa rancœur ? Dumas ne cesse de nous surprendre : on croit démarrer une aventure maritime, on embraye sur une injustice politique, avant d’être jeté dans le roman carcéral, qui se transforme en récit d’évasion, puis en chasse au trésor, en attendant la vengeance elle-même, mécanique froide de destruction pure – c’est-à-dire qu’elle n’épargne rien, pas même les enfants. Au rythme effréné de ce jeu de massacre, le lecteur se prend à douter : Dantès n’a-t-il fui son cachot que pour se murer dans la haine ? C’est de soi-même qu’il faut parfois s’évader, pour mieux se retrouver, semble nous dire Dumas. Intemporel. 

Nicolas Bernard est avocat et écrivain.
Dernier livre paru : Oradour-sur-Glane, 10 juin 1944, Histoire d’un massacre dans l’Europe nazie,

aux éditions Tallandier, 400 p.

Des rêves devenus films

Une magnifique rétrospective sur James Cameron permet de plonger dans ses films et dans sa vision de nos sociétés modernes

Qui ne connaît pas James Cameron ? Avatar, Terminator, Titanic ou Aliens, le retour sont devenus des monuments du cinéma, parties intégrantes de son patrimoine. Des blockbusters à regarder en famille qui nous poursuivent jusque dans nos rêves. Mais dire que cela serait commettre une injustice à l’égard de ce réalisateur qui développa bien plus qu’une simple succession de films à succès.


James Cameron Portrait de Rose, avril 1992, Avatar Alliance Foundation
© James Cameron

En réalité, on connaît assez mal les ressorts du cinéma de James Cameron. Raison de plus pour se plonger, grâce à la merveilleuse exposition que lui consacre la Cinémathèque française, dans ces abysses cinématographiques que le réalisateur affectionne tant.

Profondément influencé par l’âge d’or de la littérature de science-fiction notamment Isaac Asimov et Arthur C. Clarke mais également les comics, le jeune James Cameron s’appuya sur l’interprétation de ses rêves pour élaborer ses premières œuvres illustrées par les dessins tirés notamment de l’Avatar Alliance Foundation qui contribua grandement à l’organisation de cette exposition mais également pour jeter les bases de ses succès futurs comme on construit une bibliothèque mentale dans laquelle il puisa. « Les rêves sont des images, mais je suis persuadé qu’il recèlent des éléments narratifs codés permettant d’en comprendre le sens. Ces images ne viennent pas de nulle part, elles s’accompagnent d’un codage inconscient, presque comme des sous-titres que le rêveur peut lire » explique ainsi le réalisateur canadien. Intégrant l’atelier de maquettes du roi de la série B, Roger Corman, tout en dessinant un certain nombre d’affiches, James Cameron débuta véritablement comme réalisateur avec Piranha 2, les tueurs volants en 1981 avant d’enchaîner trois ans plus tard avec Terminator. Une fois encore, ses rêves jouèrent un rôle de matrices créatrices. Alors qu’il se rendait à Rome pour la postproduction de Piranha 2, James Cameron tomba malade. « A cause de la fièvre, j’ai rêvé d’un squelette en chrome qui émergeait d’un mur de feu (…) Pour moi, ce rêve signifiait que ce robot avait l’air humain au départ, mais que le feu avait fait fondre sa peau. C’est de là que vient Terminator » explique-t-il dans le catalogue de l’exposition, complément indispensable à cette dernière où le réalisateur raconte la fabrication de ses chefs d’œuvres.

Terminator

Ce film marqua bien évidemment une étape cruciale tant dans sa carrière que dans le développement de sa vision artistique et philosophique. Terminator et sa suite désormais culte Terminator 2 : le jugement dernier, sorti en 1991, fascinent toujours autant jeunes spectateurs de l’époque devenu quadragénaires et adolescents qui se pressent devant le storyboard du film ou le bras mécanique du T-800 incarné à l’écran par Arnold Schwarzenegger. Cette communion des générations autour du film s’explique aussi bien par la qualité artistique de la saga mais également, dans notre époque habituée à vivre avec smartphones et réseaux sociaux, par son côté visionnaire. Ainsi lorsque James Cameron dépeignit, il y a quarante ans, les règnes à venir de la robotique ou de l’intelligence artificielle ainsi que leurs dérives tout en affirmant cependant que le problème n’est pas tant la technologie que l’usage que l’humain en fait, il ne se doutait pas que la compagnie Skynet de Terminator ressemblerait à l’X d’un Elon Musk. Un film de science-fiction qui a, aujourd’hui, des allures de réalité ou en tout cas, de proche avenir. Un film qui questionne également l’évolution à venir des facultés humaines sous l’effet de la technologie.

L’exploration du cosmos (Aliens, le retour) et des profondeurs (Abyss) répondent à ce même impératif chez le réalisateur canadien avec plusieurs questions : que faisons-nous de nos découvertes ? Pour assurer uniquement notre domination ? En incluant de la plus belle des manières la dimension écologique à son cinéma avec Avatar, il parachève une œuvre à la fois artistique et philosophique emprunte cependant d’une forme de pessimisme sur l’avenir de l’humanité.

Occupant une partie importante de l’exposition où se pressent ces nouvelles générations fascinées qui attendent avec impatience le troisième opus de la saga en 2025, Avatar embarque littéralement le visiteur. On a l’impression d’être sur Pandora avec sa galerie de personnages, ses décors en jeux de lumières et les différents processus de création parfaitement décortiqués. Une atmosphère exposée de la plus belles des manières et servies, comme à chaque fois, par des objets tirés de collections américaines comme le scénario original de Titanic ou de musées tel celui du cinéma et de la miniature de Lyon pour permettre aux visiteurs d’entrer en contact, en immersion avec le cinéma du maître. Et comme point d’orgue la reconstitution d’une pièce du mythique paquebot où l’on se retrouve presque à toucher une Kate Winslet plus belle que jamais. Comme dans un rêve.

Par Laurent Pfaadt

L’art de James Cameron, La Cinémathèque française,
jusqu’au 5 janvier 2025

A lire le catalogue de l’exposition : Tech Noir, l’art de James Cameron, la Cinémathèque française, Huginn & Muninn/Dargaud

Retrouvez toutes les informations ainsi que la rétrospective des films de James Cameron sur : https://www.cinematheque.fr/cycle/james-cameron-1215.html

Rentrée littéraire

Malgré-nous, Malgré quoi ? pouvait-on encore entendre dans la bouche de certains confrères il y a quelques années à propos de l’incorporation de force des Alsaciens-Mosellans dans la Wehrmacht et la Waffen SS durant la seconde guerre mondiale. La faute à un tabou de l’histoire française jamais purgé, passé sous silence y compris par des victimes soucieuses de retrouver cette même histoire nationale dont ils furent privés.


Des traumatismes que les victimes ont avec leurs silences emportés dans la tombe tout en les transmettant aux générations suivantes désireuses pourtant d’en savoir plus, de connaître leurs passés pour mieux se construire. C’était sans compter intellectuels et hommes de lettres bien décidés à briser ces silences afin d’offrir à la fois aux mânes de leurs morts, à l’histoire de France et à eux-mêmes quelque repos salvateur.

De féroces soldats, le nouveau roman de Joël Egloff, prix Inter 2005 pour L’Etourdissement est une de ces offrandes. Dans ce récit personnel intimiste et bouleversant, il raconte à hauteur d’adolescent, l’histoire de son père, écrasé par la grande roue de l’Histoire, en même temps que celle de sa chère Moselle devenue territoire du Reich. Une roue qui déferla en 1940 lorsque la France, vaincue, vit ses enfants partir vers le Nord puis revenir dans une province dévastée qui bientôt, envoya ses enfants servir un uniforme qui n’était pas le leur. A travers sa famille, l’auteur montre magnifiquement ce pays battu et pourtant solidaire et surtout ces êtres privés de tout qui développèrent une résilience incroyable et manifestèrent un courage exemplaire en trouvant refuge notamment dans cette citadelle identitaire qu’est leur langue, le platt. Il expose également cette angoisse qui grandit avant de devenir cauchemar lorsque l’incorporation de force fut décidée en 1942 et devient une réalité pour lui, le 5 octobre 1943.

« Même si le mot t’est encore inconnu, à dater de ce jour et pour le restant de ta vie, comme cent trente mille autres, désormais tu es un « Malgré-nous » » écrit Joël Egloff dont le père est alors incorporé dans une SS – malédiction de l’âge – expédiée dans les Ardennes et en Hongrie pour servir de chair à canon à un régime à l’agonie. Dix-huit ans pour découvrir une guerre et déjà une vie derrière soi sans savoir si elle va se poursuivre. Il y a là, dans le miroir de l’Histoire, un adolescent au contact de la guerre et un autre écoutant les souvenirs d’un père. Et dans leurs reflets, l’expérience du feu par ce même père face aux cendres du souvenir d’un fils qui souhaite, tel un phénix, ressusciter et traverser ce même miroir pour être là, avec lui.

Ces féroces soldats sont bien plus qu’un simple roman, qu’un simple témoignage familial. C’est une  pierre de plus dans le jardin de la reconnaissance de cette injustice qui, de l’Alsace à la Pologne en passant par la Belgique, le Luxembourg et bien entendu la Moselle, continue à planer au-dessus des mémoires de ces hommes et de ces femmes obligés de servir un régime qu’ils n’ont pas choisi. Le père de Joël Egloff survécut. D’autres n’eurent pas cette chance. Grâce au destin, il nous laisse ce livre précieux.

Par Laurent Pfaadt

Joël Egloff, Ces féroces soldats
Aux éditions Buchet Chastel, 240 p.

Portraits JO 3.

De l’or pour les braves (3/3)

JO Séoul 1988 : Pál Szekeres (escrime) 

Lorsqu’il monta sur la troisième place du podium des JO de Séoul 1988 en compagnie de ces compatriotes, l’épéiste hongrois, modeste 24e mondial dut se dire qu’il vivait alors un moment inoubliable dans cette histoire si prestigieuse de l’escrime hongrois.

Le destin devait cependant en décider autrement. Car le jour qui changea sa vie allait intervenir trois ans plus tard dans ce maudit bus qui le paralysa à jamais. Il fit alors de son handicap une force et entra dans l’immortalité en devenant triple champion paralympique et double médaillé de bronze lors de quatre olympiades.

Une magnifique leçon de courage et d’espoir d’un athlète unique, seul médaillé olympique et paralympique. « Peut-être que l’escrime et mon accident firent de moi une meilleure personne » dira-t-il.

Les insoumis (3/3) 

JO Rome 1960 : Wilma Rudolph (athlétisme)

Elle ne se soumit jamais à une fatalité qui tenta, par tous les moyens, de s’emparer de son corps et de son esprit.

Celle de sa poliomyélite qui lui emprisonna sa jambe gauche jusqu’à onze ans.

Celle de ces lois du Tennessee qui lui refusèrent des soins réservés aux Blancs.

Mais il était écrit que Wilma Rudolph briserait tous ces obstacles, autant de haies qui tentèrent d’empêcher sa course vers l’incroyable destin qui fut le sien.

Première femme à descendre sous les 23s sur 200m, elle devint triple championne olympique du 100, 200 et 4 x 100m en compagnie des fameuses Tigerbelles. Forte de ce succès, elle contraignit l’état du Mississippi et son gouverneur raciste à organiser des courses où toutes les filles, quelque soit leur couleur de peau, seraient admises.

Les perdants magnifiques (3/3)

JO Athènes 2004 : Ladji Doucouré (athlétisme)

Ladji, je ne sais pas si tu liras cette chronique mais sache que j’ai pleuré ce 27 août 2004 après ta chute. Des larmes versées sur l’espoir déçu d’une nation prête à se hisser au firmament du sport mais également sur le rêve brisé d’un homme en une fraction de secondes. Un rêve fait de labeur, de sacrifices endurés durant des années qui disparaît subitement et se transforme en un cauchemar qui hante.

Oui, Ladji tu aurais pu devenir champion olympique, j’en suis certain. Toi, le gamin de Viry-Châtillon venu dans le temple de l’olympisme après avoir franchi des haies plus grandes que celle qui a entrainé ta chute.

Il était dit que le métal olympique se refuserait à toi mais pas le monde. Pourtant, ce jour-là, sur l’Olympe athénien, dans mon coeur comme dans celui de tout un pays, tu es devenu ce héros qui n’a pu être un dieu et est demeuré cet homme qui s’inclina devant un destin plus fort que lui.

D’or et de sang (3/3)

JO Helsinki 1952 : Agnes Keleti (gymnastique)

Elle avait vingt-trois ans lorsqu’elle vit son père partir pour Auschwitz pour y être gazé en compagnie de ces 500 000 juifs hongrois déportés en 1944 tandis que sa mère et sa sœur étaient sauvées grâce au diplomate suédois Raoul Wallenberg. Agnes Keleti ne dut, quant à elle, la vie sauve qu’en se faisant passer pour une chrétienne.

Survivante, Agnes Keleti devint conquérante en remportant plusieurs titres olympiques, certainement au nom de tous les siens, de tous ces athlètes juifs à qui on refusa la possibilité non seulement de participer à des Jeux Olympiques, mais simplement de vivre. Cinq médailles d’or qui furent plus que de simples récompenses mais bel et bien des boucliers dans lesquels se reflétera à jamais l’espoir de toute l’humanité.

Tristes tricheurs (3/3)

JO Berlin 1936 : Toni Merkens (cyclisme sur piste)

Le destin est parfois cruel. Ce qu’il vous accorde d’une main, il peut vous le rependre de l’autre. En 1936, à Berlin, Toni Merkens remporta de façon irrégulière la finale de l’épreuve de cyclisme sur piste en battant le néerlandais Arie von Vilet qu’il gêna. Ce dernier déposa bien une plainte mais Merkens n’écopa qu’une amende.

Quelques années plus tard, envoyé sur le front de l’Est ne 1942, Toni Merkens, blessé au cœur par un éclat de grenade, décéda le 20 juin 1944 tandis qu’Ariet von Vliet poursuivit sa carrière et devint champion du monde.

Par Laurent Pfaadt

Les fantômes de Munich

Les récentes déclarations du député LFI Thomas Portes affirmant que « la délégation israélienne n’est pas la bienvenue à Paris. Les sportifs israéliens ne sont pas les bienvenus aux Jeux Olympiques à Paris » ont brutalement fait ressurgir le drame des Jeux Olympiques de Munich en 1972 lorsqu’un commando palestinien baptisé Septembre noir et brisant la trêve olympique, prit en otage plusieurs membres de la délégation israélienne, une prise d’otage qui allait se solder par la mort de onze d’entre eux.


Ces propos ont rendu nécessaire de se replonger dans cette « affaire » car il y a bien eu une « affaire » des JO de Munich, un cold case que l’ancien rédacteur en chef de l’Equipe, Eric Champel, restitue à merveille. Son livre, aboutissement d’un travail d’enquête d’une année, met en lumière les différents acteurs de cette tragédie, des victimes à la police allemande en passant par le Mossad et les journalistes.

La fin tragique et symbolique de ce drame a fait oublier les zones d’ombre et les diverses incuries dédouanant certains acteurs d’une reponsabilité pourtant bien réelle, à l’image du président du comité international olympique, l’américain Avery Brundage, si prompt à reprendre la compétition. Des responsabilités qui, d’ailleurs reste à établir comme en témoigne la mise en place d’une commission d’historiens chargée, sur la base d’archives, d’établir la vérité en 2026. Replongeant dans cette affaire vieille de plus d’un demi-siècle comme on s’immerge non pas dans ce bassin qui vit les exploits du nageur américain Mark Spitz, lui-même juif et qui dut être exfiltré d’Allemagne, le lecteur avance  dans une sorte de thriller glaçant mêlant histoire, sport et récit d’action, et avale les pages. Mais surtout, ce livre montre une fois de plus combien le sport a toujours comporté une dimension politique, encore exploitée aujourd’hui par des extrêmes prêtes à instrumentaliser la sécurité de sportifs au profit de leurs seules ambitions. Eric Champel estime d’ailleurs que les attentats du 7 octobre 2023 et le regain d’antisémitisme constituent des menaces qui planent sur Paris 2024. Et force est de constater que les propos infâmes du député Thomas Portes ne font que lui donner, malheureusement, raison.

Un livre plus que salutaire donc.

Par Laurent Pfaadt

Eric Champel, Les fantômes de Munich, contre-enquête sur l’attentat des JO de 1972, le cold case le plus tragique de l’histoire du sport, et ses conséquences sur Paris 2024
Chez Solar, 224 p.

Si j’étais Milady, je serais…

Si j’étais Milady, je serais presque à l’opposé de qui je suis dans la vie de tous les jours! Je serais ravie d’être pour un temps ce personnage si éloigné de moi .

Dima Abdallah

Dima Abdallah est romancière.
Son dernier livre, Bleu nuit (Sabine Wespieser) a obtenu le prix Frontières en 2023.

Si j’étais Milady, je serais…

Si j’étais Milady, j’écrirais le roman de mon point de vue et je serais une mousquetaire très inspirée.

Stéphanie Hochet

J’inventerais des bottes secrètes pour m’amuser de la surprise de mes adversaires et j’écrirais mon histoire avec ferveur, et goût du panache.

Stéphanie Hochet est romancière.
Dernier livre paru : William aux éditions Rivages

Portraits JO 2.

De l’or pour les braves (2/3)

JO Stockholm 1912 : George Patton (pentathlon)

Il le fut le seul Américain engagé dans cette compétition et ne remporta que la 5e place, la faute à ces maudits scandinaves qui dominaient alors l’épreuve. On raconte qu’il n’obtint pas la victoire parce qu’il utilisa un calibre 38 dont les balles, laissant des trous trop gros dans les cibles, n’ont pu être comptabilisées, à l’inverse de celles des calibres 22 préférées par ses adversaires.

Mais trente années plus tard, c’est avec un autre pistolet que le général Patton partit sabre au clair à l’assaut d’une Europe en passe d’être libérée depuis le débarquement en Normandie. Le fameux 357 Magnum Smith & Wesson avec sa crosse en ivoire était capable non seulement de faire de gros trous mais également d’arracher la cible entière !

Les insoumis (2/3) 

JO Moscou 1980 :Władysław Kosakiewicz (athlétisme)

Il a suffit d’un bras, solide et puissant pour propulser Władysław Kosakiewicz par dessus une barre placée à 5,78 mètres et remporter ce concours du saut à la perche disputé dans cette ambiance moscovite électrique face à l’idole de tout un peuple, Konstantin Volkov.

Mais il était dit qu’on ne conspue pas impunément la fière et revêche Pologne où couvait cet ardent désir de liberté qui allait se manifester quelques semaines plus tard sur les chantiers navals de Gdansk.  Un bras qui se fit d’honneur pour dire qu’à Varsovie un nouveau pacte venait d’être signé : celui d’un pays avec son destin en marche porté par Solidarnosc. Un bras, de Mexico à Moscou, symbolisant la solidarité des peuples opprimés.

Les perdants magnifiques (2/3)

JO Atlanta 1996 : Linford Christie (athlétisme)

Il avait ce calme qui est l’apanage des plus grands champions et qui lui avait permis de glaner l’or olympique à Barcelone. Et voilà que notre Zeus, bien décidé à rester quatre ans de plus sur l’Olympe du sprint, se présentait au départ de la finale du 100m face à des millions d’Americains qui ne pensez pas qu’un Anglais puisse, deux siècles après avoir été vaincu à Yorktown, infliger une nouvelle défaite à leurs héros, Dennis Mitchell et Mike Marsh.

Deux coups de feu retentirent dans la nuit d’Atlanta, ceux d’un starter qu’il devança. Terrassé sans avoir mené bataille, il s’en alla comme il était venu, en champion.

D’or et de sang (2/3)

JO Amsterdam 1928 : équipe des Pays-Bas (gymnastique)

Pour la première fois, les femmes avaient le droit de participer aux épreuves de gymnastique. Et les Néerlandaises étaient si fières de représenter leur pays, ici, chez elles. Et lorsqu’elles remportèrent l’or du concours par équipe, c’est une nation toute entière qui remercia ses filles.

Mais quinze ans plus tard, le Troisième Reich contrôlant le pays se mit à traquer les juifs et notamment la jeune Anne Frank. Ces mêmes femmes, jadis célébrées devinrent des ennemis et  furent déportées puis assassinées dans les camps d’extermination de Sobibor et d’Auschwitz-Birkenau.

Elles s’appelaient Juditke Simons, Anna Polak, Helena Nordheim et Estella Agsteribbe.

Tristes tricheurs (2/3)

JO Séoul 1988 : Ben Johnson (athlétisme)

Un poing levé vers le ciel et 9,79, un chiffre longtemps maudit dans l’athlétisme.

Tricheur voué aux gémonies parce qu’il fut le plus éclatant, le premier d’une cohorte à venir. Parce qu’il fut ce Canadien qui humilia les États-Unis et leur légende Carl Lewis. Et surtout le précurseur d’un sport business, d’un entertainment à venir qui aurait besoin du dopage pour prospérer.

Dans les cours d’école, il est devenu un nom commun, celui de tout exploit jugé surprenant, inhabituel, imprévisible, suspect. Mais surtout Ben Johnson demeure aujourd’hui le côté sombre du sport, celui qui personnifie plus qu’aucun autre ce monde au-delà du sport, celui de l’argent et de l’absence de morale et de règles.

Par Laurent Pfaadt

Mon père, ce héros…

Un héros de l’épopée – Le général Dumas au pont de Clausen

Père de l’écrivain Alexandre Dumas (1802-1870), le général Alexandre Thomas Dumas (1762-1806), dont la biographie et l’envergure historique ont été pleinement mises en lumière par l’ouvrage de Tom Reiss Le Comte noir [The Black Count, 2012], est aussi un personnage à part entière de l’œuvre de son fils. Il figure tout d’abord en bonne place dans la vaste autobiographie de Dumas, Mes Mémoires (1852-1854), dont les premiers chapitres sont une évocation pleine d’admiration, de tendresse et de nostalgie de ce père mort prématurément en 1806, et ayant laissé orphelin son fils de seulement quatre ans. La force de cet « Hercule mulâtre », ses exploits en tant que général républicain, pendant les guerres de la Révolution, mais aussi la pente à la rêverie de celui que le narrateur désigne comme un « Créole », sont dépeints dans des pages vibrantes. Mais le général Dumas s’invite aussi dans l’œuvre fictionnelle de son fils. Dans La Rose rouge, version remaniée en 1831 de Blanche de Beaulieu ou la Vendéenne, dont une première mouture date de 1826, le général Dumas est ainsi, aux côtés du général Marceau, un personnage de cette nouvelle historique dont l’action est située pendant la Terreur. On voit également sa silhouette et son souvenir passer dans un roman tel que La San Felice (1864-1865), qui revient sur l’histoire de Naples à la fin du XVIIIe siècle et évoque le tyran des Deux-Siciles, Ferdinand Ier, dit le roi « Nasone », celui-là même dont l’armée, opposée à la France de Napoléon Bonaparte, a capturé le général Dumas alors que celui-ci revenait de l’expédition d’Égypte en 1799 : il restera de longs mois enfermé dans un cachot, où, peut-être empoisonné, il contracte le cancer à l’estomac dont il meurt en 1806. Enfin, de nombreux héros romanesques de Dumas héritent du souvenir idéalisé de ce père adoré et s’inspirent de sa stature : ainsi, le comte de Monte-Cristo, comme d’autres héros surhumain de Dumas (le Salvator des Mohicans de Paris ou le héros éponyme du Chevalier de Sainte-Hermine) est d’une force physique extraordinaire, d’une intelligence fascinatrice, et il poursuit avec acharnement une quête vengeresse. Ce thème de la vengeance, si prégnant dans l’œuvre dumasienne, n’est-il pas façonné par le désir de l’écrivain de prendre sa revanche et celle de son père, écarté par Bonaparte et privé de la gloire mais aussi des revenus financiers auxquels les officiers mis à la retraite avaient droit ?

Julie Anselmini
Professeure des universités en Littérature française
Université de Caen Normandie