Second Tour est le huitième long-métrage mis en scène par Albert Dupontel. Comme toujours le cinéaste en a signé le scénario qui, comme toujours, ne ressemble à aucun autre, et positionne immédiatement le film dans la catégorie des œuvres inclassables.
Une fine équipe
Dans
cette histoire suivant le parcours d’un brillant candidat à la
présidentielle entre deux tours, il y a beaucoup de scènes de pure
comédie, mais pas que. Des réflexions sur des thèmes actuels
importants -coucou l’écologie,
coucou
l’immigration- font irruption ici ou là avec un sérieux d’autant
plus percutant que l’atmosphère générale du film tire vers la
loufoquerie.
Second
Tour nous montre le
quotidien de Pierre-Henri Mercier, interprété
par Albert Dupontel,
candidat sorti de nulle part et issu d’une riche famille
industrielle. Il est
financé par de puissants
groupes aux intérêts uniquement mercantiles, qui
attendent de lui une politique en leur faveur.
Passé quelques scènes, nous découvrons que Pierre-Henri Mercier
n’est pas la marionnette que ses sponsors espéraient, et qu’il a
l’intention d’œuvrer
à la défense de l’écologie, ce qui va totalement à l’encontre
des promesses faites aux magnats qui le financent. Son
secret était jusque là bien gardé…
Cécile de France et Nicolas Marié
Nathalie
Pove (Cécile de France)
est une journaliste TV
sportive dynamique.
Brillante, elle couvrait auparavant une actualité plus prestigieuse,
mais a été placardisée suite à un reportage peu
élogieux sur l’un des actionnaires de sa propre chaîne. Avec
son fidèle cameraman, Gustave Clément (Nicolas
Marié), elle se morfond
en couvrant des événements sportifs, jusqu’au jour où son patron
lui demande de suivre la campagne de Pierre-Henri Mercier suite à
l’indisponibilité
des principaux journalistes politiques de la chaîne. Son
patron lui fait promettre de museler son esprit critique, et lui
fournit l’ensemble des questions à poser, les
aseptisées, celles évitant toute polémique. Nathalie
acquiesce, bien entendu, mais va-t-elle réussir à réfréner son
instinct, rien n’est moins sûr…
Infiltrés…
Second Tour démarre sur les chapeaux de roue, Albert Dupontel n’aime pas perdre de temps à planter le décors. Le réalisateur est efficace dès les toutes premières images, ses films durant la plupart du temps moins d’une heure trente (exception faite d’Au revoir là haut il y a six ans). Il nous présente ce candidat atypique en quelques scènes, l’homme providentiel que la droite libérale a propulsé sur le devant de la scène faute d’autre candidat. Vient le tour de Nathalie Pove, dépeinte comme une experte dans l’art de dénicher les petits secrets, sorte de Columbo moderne du journalisme. Avec son acolyte, le cameraman, elle forme un duo percutant, les forces et faiblesses de l’un et l’autre se compensant. .
Ce
huitième long-métrage reflète partiellement
l’âme de son metteur en
scène, qui ne peut s’empêcher de (se) questionner sur la nature
humaine, ainsi que son rapport à son environnement. La fable
politique et écolo est bien évidemment teintée d’une certain
cynisme, sans quoi ce ne serait pas vraiment un film de Dupontel,
mais on remarque ici ou là des percées d’espoir,
mesurées.
Albert Dupontel
Les
dialogues sont très souvent hilarants et
les scènes ne s’embarrassent d’aucun superflu. Les
comédiens,
parfaits, font des
merveilles, chacun dans
son registre. Les fidèles de l’univers Dupontel sont bien là, à
commencer par Nicolas Marié, aux côtés de Philippe
Duquesne, Philippe Uchan,
et encore Bouli Lanners. Albert
Dupontel les connaît bien, il leur offre des rôles, petits ou
grands, aux petits oignons.
Face à ses habitués, la comédienne belge Cécile de France trouve
sa place sans difficulté, interprétant un personnage plus cérébral,
moins physique qu’à l’accoutumée. Elle excelle dans ce rôle de
femme forte, prête à
aller au bout de ses idées et qui, malgré ses revers professionnels
récents, arrive encore
à se laisser gagner par une indignation salvatrice. Elle
donne la réplique à un
Albert Dupontel plus
posé, qui ne se départ
pas de son côté sombre. Leurs
échanges, précautionneux au départ, leurs permettent de se révéler
l’un à l’autre, au
cours d’un jeu du chat
et de la souris imprévisible. La conclusion, teintée d’espoir,
est à l’image des films d’Albert Dupontel : traversée de
doutes, mais ouverte et positive.
En 2010, le réalisateur britannique Gareth Edwards se faisait connaître en réalisant un film de science-fiction indépendant intitulé Monsters. Le long-métrage allait récolter plusieurs récompenses et lui ouvrir les portes d’Hollywood.
La sinistre station NOMAD
Il
allait par la suite mettre en scène deux blockbusters, Godzilla
en 2014, et Rogue One : A Star Wars Story en 2016.
The Creator est son quatrième long-métrage, dans lequel il
confirme son attirance pour l’anticipation.
Le
film s’ouvre sur des images d’archives. Un rappel des grandes
découvertes de la robotique et de ses dates-clefs nous montre
l’évolution de l’intelligence artificielle, jusqu’au drame
survenu 10 ans plus tôt. L’intelligence artificielle (I.A.) aurait
fait exploser une bombe nucléaire sur la ville de Los Angeles,
faisant disparaître un million de personnes en un éclair.
Joshua et Alphie
Depuis,
les États-Unis sont en guère contre l’I.A., et cherchent à
l’éradiquer par tous le moyens. Une vision que les pays d’Asie
du Sud Est ne partagent pas, ceux-ci ayant continué à développer
des robots humanoïdes de plus en plus perfectionnés, au cœur d’une
société où les androïdes et les humains cohabitent pacifiquement.
Le États-Unis ne sont pas en guerre contre ces pays, mais
n’acceptent pas leur fonctionnement. Ils ont décidé d’éradiquer
l’I.A. partout sur Terre, et on développé une gigantesque station
orbitale qui survole la planète dans le but de supprimer tous les
foyers d’I.A. Pour cela, ils doivent trouver le mystérieux
Créateur, celui qui a tout conçu depuis le début, et qui a permis
de fabriquer des clones toujours plus perfectionnés et plus humains.
Joshua
est un ancien soldat infiltré chez les robots. La bombe nucléaire a
fait disparaître l’ensemble de sa famille, et lui a fait perdre
l’usage d’un bras et d’une jambe. Suite à ce drame, il a fait
ce que son pays voulait de lui, contribuer à débusquer le Créateur.
Mais un drame viendra bousculer ses certitudes…
Le
thème de l’interventionnisme américain est le premier qui
apparaît dans le film. Il semble une évidence, et se teinte d’une
grande sincérité, l’Amérique est condamné à défendre le monde
contre lui-même. Elle souffre d’un complexe de supériorité
tellement écrasant qu’elle l’empêche de comprendre les choses
comme elles sont. Persuadés d’avoir raison, les Américains
estiment avoir le droit d’imposer leur vision à tous, quitte à
engendrer des dommages collatéraux sur leur route. Le complexe du
Sauveur s’accompagne de manifestations belliqueuses : même en
pays étranger, les États-Unis s’autorisent à intervenir, sans
avoir consulté les dirigeants concernés. Ce « dialogue »
de sourd est au cœur de l’histoire. Le pays exerce une forme de
justice aveugle, que Joshua embrassera, du moins au début. Persuadé
d’agir pour le bien de l’humanité, Joshua suivra d’abord ses
ordres à la lettre, dans l’espoir de retrouver -ne
serait-ce que brièvement- un être cher.
Alphie, le Sauveur
Gareth
Edwards filme The
Creator comme une
fable d’anticipation. Cela lui permet d’aborder son genre de
prédilection, la science-fiction, tout en faisant la critique de la
civilisation occidentale opposée,
selon lui, à la notion de tolérance prônée par les pays
orientaux. Le thème de l’intelligence artificielle est finalement
plus un prétexte pour défendre le droit à la différence et
le respect de l’autre, quel qu’il soit. Les effets spéciaux
n’éloignent pas le spectateur du récit, ils créent un monde
futur plausible dans
lequel les robots sont parfois plus qu’humains. Isaac
Asimov aurait apprécié ! L’intelligence
artificielle telle qu’elle est ici représentée n’apparaît
jamais comme menaçante, son but est simplement de cohabiter avec les
hommes. Loin du Skynet que James Cameron imaginait en 1984 dans son
film culte Terminator,
et
qui allait donner de nombreuses suites.
Le
périple de Joshua est éreintant, il est poussé par une force
immense, et aidé par un petit «enfant» qui pourrait bien être la
clef de tout…
A la toute dernière image celui-ci nous gratifie d’un sourire annonciateur de jours meilleurs. Gareth Edwards nous confirme qu’il n’a pas perdu espoir en l’humanité…
Avec plus d’une vingtaine de longs-métrages à son actif,
Robert Rodriguez a démontré qu’il était un cinéaste éclectique. Le réalisateur américain d’origine mexicaine a en effet prouvé qu’aucun genre ne l’effrayait.
Capable d’aborder le film de gangsters (El Mariachi et ses suites, les Desperados), celui de vampires (Une nuit en enfer), pour ensuite passer par le film d’invasion extra-terrestre (The Faculty), la comédie d’action pour adolescents (Spy Kids et ses nombreuses suites), le film d’anticipation (Alita : Battle Angel) et le film d’horreur(Planète Terreur), Robert Rodriguez a démontré sa curiosité à la moindre occasion. Son amour pour le cinéma s’étend à tous les genres, et le pousse même à cumuler de nombreuses casquettes sur chacun de ses films.
En effet, le réalisateur ne se contente pas de la mise en scène de ses films, il en est très souvent le scénariste, le producteur, le monteur, le compositeur, tout en se permettant ici ou là des petits caméos bien sympathiques. Véritable homme-orchestre, son amour du Septième Art lui fait embrasser ses créations comme peu de cinéastes aujourd’hui. Avec Hypnotic, il choisit d’aborder un genre hybride, entre le thriller psychologique et le film d’anticipation, renvoyant à des classiques du cinéma. A la vue de certaines scènes et concepts, comment en effet ne pas penser aux Matrix des Wachowski, ainsi qu’à Christopher Nolan et son célèbre casse-tête Inception…
Le début du film nous montre un flic, Danny Rourke (interprété par Ben Affleck), en pleine conversation avec sa psychiatre. Le personnage est fatigué, amaigri, il suit une thérapie suite à la disparition de sa fille quelques années auparavant. Alors que le père et sa fille partageaient un moment ensemble dans un parc de la ville, celle-ci avait brusquement disparu. Rourke avait juste détourné le regard une fraction de seconde, elle n’était plus là… La séance de thérapie touche à sa fin, Rourke est déclaré apte au service alors qu’on l’appelle justement sur une affaire urgente.
Sur le lieu du braquage en cours, il constate rapidement que certains intervenants se comportent de manière étrange. Comme agissant dans un état second. Commence alors une course contre la montre dans laquelle il va découvrir une sombre machination et des personnes aux capacités étranges. Il devra faire face à une organisation opaque, dont le but ne sera jamais très clair (bras armé secret des USA, obscure organisation criminelle, secte …?). Dans le rôle de ce père qui n’a toujours pas fait le deuil de sa fille disparue, Ben Affleck s’en sort plutôt bien, de même qu’Alice Braga (La Cité de Dieu, Le Rite, Elysium et plus récemment le Suicide Squad version 2021 de James Gunn) dans celui de sa compagne de fuite, Diana Cruz. Le grand méchant nous offre le plaisir de croiser William Fichtner, second rôle de plus d’une soixantaine de films (Heat, Armageddon, La Chute du Faucon Noir, Strange Days, En pleine tempête, Pearl Harbour, Hell Driver), surtout connu pour sa participation aux séries Prison Break et Crossing Lines. Sa présence suffit à personnifier une menace plausible, même si on aurait aimé voir le personnage de Lev Dellrayne un peu plus développé à l’écran.
Hypnotic s’avère être un drôle d’objet, une pellicule qui pourra paraître brouillonne à certains, tandis que d’autres y verront une fois encore la sincérité de son metteur en scène. Pour certains, Robert Rodriguez a réalisé un sous-Christopher Nolan. Nous préférons y voir un film à prendre au premier degré, plein de bonnes intentions, parsemé de rebondissements et qui nous donne la brève occasion de revoir cette bonne vieille trogne de Jeff Fahey.
La scène qui suit le début du générique laisse entendre qu’une suite serait possible, mais au vu des chiffres d’exploitation au box-office (très mauvais, en grande partie du fait d’une campagne publicitaire inexistante aux USA) cela est malheureusement peu probable….
En 1996, Brian de Palma mettait en scène un premier Mission impossible sur grand écran. Dans cet excellent film, aujourd’hui qualifié « d’old school », Tom Cruise endossait pour le première fois le costume d’Ethan Hunt, cet ex-soldat d’élite aux capacités d’adaptation extraordinaires et entraîné aux techniques d’espionnage.
Près de trente années ont passé, Emmanuelle Béart, Jon Voight et Jean Reno ne sont plus là, seuls Tom Cruise, Ving Rhames et Henry Czerny sont rescapés du premier film. L’époque, les moyens financiers et la technique ont beau avoir évolués, l’histoire conserve ce qui a fait la réussite de la saga. Une sombre machination, une menace planétaire, des trahisons et des déguisements à foison, le tout agrémenté de cascades ébouriffantes (mention spéciale à la course poursuite dans les rues de Rome, et à l’arrêt brutal de l’Orient Express, au bord d’un précipice). Ce qui se fait de mieux en terme d’image et d’effets spéciaux, une technique à l’état de l’art. Cela pourrait sembler répétitif à certains, et pourtant, il n’en est rien.
La menace qui plane sur l’Humanité est mise au goût du jour. Ère numérique oblige, il s’agit d’une intelligence artificielle ayant échappé à son créateur, évolutive, qui apprend de ses erreurs et s’améliore sans cesse. Et bien évidemment animée des pires intentions. Comme quoi, depuis le classique d’anticipation Terminator de James Cameron il y a 40 ans et son sinistre Skynet, il n’y a pas grand’chose de nouveau. Si ce n’est qu’aujourd’hui l’Humanité n’est pas décimée par les robots, mais en passe d’être manipulée par la désinformation par une Entité tentaculaire. De manière toujours aussi évidente, tous les gouvernements sont prêts à tout pour mettre la main dessus.
Solution de la dernière chance, l’équipe Force Mission impossible va accepter ce nouveau défi. Les premières images se prêtent au jeu de la paranoïa : dans le milieu confiné et étouffant d’un sous-marin, l’équipage russe teste un programme permettant de rester invisible aux yeux de tous. La manœuvre militaire prendra une tournure inattendue. On retrouve ensuite Ethan Hunt, caché et seul comme toujours. Contacté par son « employeur », il va accepter une nouvelle mission au nom de son équipe. Luther (Ving Rhames) et Benji (Simon Pegg) sont là, ils vont devoir retrouver Ilsa Faust (Rebecca Ferguson), une vieille amie. Transfuge du MI6, celle-ci possède la moitié d’une mystérieuse clef qui, associée à son autre moitié, permet d’ouvrir l’accès à cette mystérieuse Entité, capable d’altérer toute vérité pour faire disparaître le monde tel que nous le connaissons. Ethan croisera la route de Grace, une jeune femme aux multiples talents. Associée à Ethan Hunt bien malgré elle, elle lui donnera du fil à retordre.
Le metteur en scène n’en est pas à son coup d’essai. Il met en images son troisième Mission impossible (et signe son quatrième scénario), et collabore pour la neuvième fois dans un long-métrage mettant Tom Cruise en haut de l’affiche. Christopher McQuarrie évolue donc en terrain connu, et le degré d’exigence et de professionnalisme de la star ne l’étonnera pas. Mais le film ne se résume pas uniquement au personnage d’Ethan Hunt. La notion d’équipe conserve toute son importance. La Force Mission impossible est envisagée comme une famille, chaque membre la composant bénéficiant du soutien indéfectible des autres membres.
Pour personnifier les enjeux, l’Entité est affublée d’un avatar en la personne de Gabriel. Cette vieille connaissance d’Ethan le connaît trop bien, et sait à quel point il est prêt à mettre la sécurité de ses proches avant la sienne. Et n’hésiterait pas une seconde à se sacrifier pour eux. On pourra regretter que ce « méchant » soit un peu trop doux, trop mielleux à notre goût. La faute à des choix d’interprétation faits par Esai Morales, pourtant habitué aux rôles ambiguës. La froideur qu’il affiche est malheureusement atténuée par un petit côté espiègle qui ternit son aura de super méchant.
Cette première partie est très divertissante, on ne voit pas le temps passer, malgré les quelques deux heures quarante que dure le film. Tom Cruise porte bien évidemment le film sur ses épaules, mais laisse à chacun l’opportunité de marquer la pellicule à son image. Connue pour son rôle de Peggy Carter dans l’univers Marvel, la comédienne Hayley Atwell incarne le petit grain de sable qui grippera la machine Force Mission impossible dans un premier temps, avant d’en devenir un allié. Un électron libre, habitué à ne suivre que son propre instinct, et à faire cavalier seul, coûte que coûte. Face à elle, les fans des films Gardiens de la Galaxie auront bien du mal à reconnaître la comédienne française Pom Klementieff, dont les traits étaient maquillés pour donner vie à Mantis. Elle interprète ici Paris, une assassine française à la solde de Gabriel, déterminée mais rattrapée par sa conscience dans la dernière partie du film.
Lorsque le rideau se lève, il le fait au bon moment. Les événements se sont enchaînés naturellement, sans temps mort, et le spectateur n’a pas eu l’impression que l’histoire s’étirait en longueur. Une juste mesure, pour un long-métrage qui remplit son objectif à 100 %. La suite l’année prochaine…
Adaptée au cinéma en 2014, la franchise Les Gardiens de la Galaxie a aussitôt rencontré le succès, ce qui a rapidement permis la mise en route de sa suite, sortie en 2017. Les studios Marvel se sont ensuite consacrés à exploiter d’autres personnages (Thor, Docteur Strange, Black Panther), pour finalement revenir sur la fine équipe des Gardiens.
On ne va pas tourner autour du pot, ce troisième opus est aussi réussi que les deux précédents. Tout ce qui a fait le succès de la saga est là, sans que cela paraisse répétitif, et le metteur en scène développe de nouveaux éléments, ainsi que certains déjà présents auparavant. Le film dure, là encore, 15 minutes de plus que le précédent. De là à dire que Marvel donne dans la surenchère il n’y a qu’un pas, que nous ne franchiront pas.
Les premières images sont sombres et, une fois n’est pas coutume, ne donnent pas dans la gaudriole. Un bref aperçu des origines de Rocket, l’irascible et génial petit raton-laveur qui refuse d’être décrit ainsi. Plus tard on en apprendra un peu plus sur ses origines et sur les terribles expériences dont il a été le cobaye. Aussitôt après, on retrouve la bande composée de Star-Lord/Peter Quill, Drax le Destructeur, Nébula, Mantis, Groot et bien sûr Rocket, dont on a vite compris qu’il sera le ressort dramatique du long-métrage.
Sur la planète Knowhere les Gardiens s’occupent comme ils peuvent. En fait chaque membre est surtout chargé au quotidien de veiller à tour de rôle sur Peter, celui-ci passant son temps noyé dans l’alcool, pleurant encore la disparition de sa bien-aimée Gamora. Cette routine déprimante aurait pu se prolonger encore longtemps, mais voilà, un ersatz de méchant “Superman”, Adam Warlock (étonnant Will Poulter, qui interprétait le cousin Eustache dans Le Monde de Narnia et Gally dans Le Labyrinthe), Souverain fils de la grande prêtresse Ayesha, décide de débarquer sur Knowhere en détruisant tout sur son passage, dans l’idée d’enlever Rocket. Dans la bataille qui s’ensuit celui-ci est blessé puis plongé dans le coma. Pour le sortir de là, Peter Quill va devoir dessaouler, et les Gardiens se lancer à la poursuite du Maître de l’évolution, l’apprenti sorcier qui s’est livré à toutes ces expériences sur Rocket et détient le secret permettant de le sauver.
Ce troisième épisode des Gardiens de la Galaxie emprunte une trame assez classique dans le genre, celle d’un être qui se prend pour Dieu et s’est peu à peu éloigné de son idée originelle (créer un monde parfait, peuplé de créatures aussi parfaites), face à un groupe de héros. On croise avec plaisir des personnages secondaires désormais familiers (Sylvester Stallone reprend l’uniforme de chef des ravageurs Stakar Ogord, Nathan Fillion de la série Castle celui de Maître Karja). Comme à son habitude, James Gunn a bâti son film sur trois grands piliers, l’équipe, l’action, et la musique. Les deux premiers sont communs à toutes les productions Marvel, le dernier est ici un personnage à part entière, une partie de l’âme du film.
Le cinéaste a en effet encore une fois composé une bande-son délirante, qui donne à son histoire des faux airs de dessin-animé sous acide. Certaines scènes en deviennent indescriptibles, les couleurs vives le disputant à des mélodies d’une autre époque. Les querelles au sein du groupe sont toujours présentes (elles sont indissociables de la troupe des Gardiens), mais c’est véritablement la musique qui fait des films « Gardiens de la Galaxie » un genre à part au cœur de l’univers Marvel. Star-Lord ne saurait vivre sans musique, il est resté fidèle à ses origines, baratineur, charmeur et pacifiste avant tout. Mais comme tout héros qui se respecte, il ne faut pas s’attaquer à un membre de « son » équipe.
Quand le rideau se lève, le spectateur pourra s’étonner. Peter Quill en a-t-il fini avec les Gardiens ? C’est ce que semblent nous montrer les dernières scènes (deux scènes post-génériques viennent compléter celles présentes dans le générique), et le départ de James Gunn pour le concurrent DC Films tend à le confirmer. À moins que les studios Marvel ne lui trouvent un successeur ?
Un an à peine après son retour, Ghostface revient semer la mort, mais quitte le cocon douillet de la petite ville californienne (et fictionnelle) de Woodsboro, pour l’animation perpétuelle de la Big Apple.
Commencée il y a 26 années sous la caméra du regretté Wes Craven, la célèbre franchise revient dans les salles obscures pour la sixième fois, pour le plus grand bonheur des amateurs de whodunit et de meurtres à l’arme blanche. Pour varier les « plaisirs », les scénaristes ont décidé de planter l’histoire dans l’univers foisonnant de la ville qui ne dort jamais. À chaque coin de rue New York offre au récit un cadre idéal, propice à la suspicion et l’angoisse. Véritable fourmilière géante, la ville est ici un personnage à part entière, qui ne laisse aucun répit à ses supposés héros.
L’ouverture du film est tellement classique : la sonnerie d’un téléphone ! Au-delà de la figure imposée, cette première scène démontre la sincérité des réalisateurs. Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett sont parfaitement conscients du poids de l’histoire : il y a les éléments incontournables, et ceux dont on peut s’affranchir. Dans la catégorie des premiers, le téléphone (et sa sonnerie, si possible bien stridente) en est un, les gentils héros/survivants des épisodes passés en sont un autre, de même que les nouveaux venus, forcément suspects, même s’ils ont l’air totalement sincères et inoffensifs. Les ingrédients principaux ne changent pas, mais la recette subit à chaque nouvel opus de subtiles variations. Certaines sont heureuses, d’autres non.
Les commentaires méta sur le genre sont bien là, ils ouvrent même le bal, avec le personnage de la prof de fac qui attend patiemment son rendez-vous au bar d’un restaurant banché de la ville. Celle-ci est (évidemment) enseignante de cinéma, avec une spécialisation sur le sous-genre du slasher. Pour sa seconde collaboration avec le duo de metteurs en scène (elle incarnait le personnage principal de leur sympathique comédie d’horreur Wedding Nightmare il y a 3 ans), Samara Weaving apparaît le temps de quelques scènes introductives bien développées, avant de devoir tirer brutalement sa révérence. Le premier meurtre surprendra par son issue. Et la suite plus encore ! Le concept de tueurs multiples, copycat ou non, a déjà été utilisé au cinéma. Il est ici employé avec une grande ironie, qui sera constante tout au long de l’histoire (jusqu’à la scène post-générique). Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett ne se contentent pas de faire un film dans le film, ils dépassent à certaines occasions le cadre rigide du sous-genre, sans lui manquer de respect. Certains fans n’ont évidemment pas été d’accord avec l’usage qu’ils font des armes à feu (Ghostface ne peut que se servir d’une arme blanche, selon eux, alors imaginez-le armé d’un fusil à pompe !!!), et certains personnages importants ont parfois l’irritante capacité de ressusciter, et pourtant, ce sixième épisode de la saga est une réussite.
Soumis à un cahier des charges assez strict, Scream VI s’en sort avec les honneurs. Les rebondissements sont nombreux, les mise à morts aussi, et le concept du slasher prend parfois de la hauteur -évidemment pour souffler le chaud et le froid- pour le plus grand bonheur de son public.
Certaines scènes se distinguent, comme celles, anxiogènes, se déroulant dans le métro bondé de New York, ou dans un ancien cinéma de quartier abandonnée, véritable sanctuaire à la mémoire des sanglants événements des films précédents. Le concept de famille est développé de manière intéressante, puisqu’au-delà du duo composé des sœurs Carpenter, Samantha (Melissa Barrera) et Tara (la comédienne Jenna Ortega, la « Mercredi » de la série Netflix du même nom), Mindy (Jasmin Savoy Brown) et Chad (Mason Gooding, fils du comédien Cuba Gooding Jr) sont à nouveau de la partie, formant avec les deux héroïnes une bien étrange famille de survivants, depuis les tragiques événements du précédent film. La psychologie complexe de Samantha est à nouveau scrutée à la loupe, ses liens avec le tueur originel refaisant surface dès les premières scènes.
Petit plus du film, déjà utilisé l’année dernière, Scream VI fait en effet revenir le personnage de Billy Loomis en deux occasions, offrant aux nostalgiques de la première heure de quoi raviver d’agréables souvenirs. C’est donc naturellement lorsque Samantha est mise à rude épreuve que le visage familier de Skeet Ulrich réapparaît, lui permettant de trouver les ressources de se défendre et faire face à son agresseur. Issu du passé, Billy Loomis lui explique que sans lui la jeune femme ne serait peut-être pas celle qu’elle est aujourd’hui. Elle ne peut renier ses origines, pas plus qu’elle n’est responsable des tueries de l’époque. Le personnage de Samatha donne une orientation un peu différente au concept d’héroïne développé dans les quatre premiers films. Elle n’est en effet ici pas uniquement la jeune femme en détresse de l’histoire, elle est aussi la fille d’un homme très perturbé, dont les pulsions meurtrières ont marqué la petite bourgade de Woodsboro il y a un quart de siècle. Une dernière petite précision, ne quittez pas trop vite la salle au moment du générique, un petit clin d’œil vous attend juste après, illustrant parfaitement l’ironie du concept et le recul qu’a le film sur lui-même…
Et voilà ! On y est arrivé ! En cette fin janvier 2023, Gérardmer a encore vibré à l’occasion de la célèbre manifestation qui met le film de genre à l’honneur. Cette fois-ci avec un petit plus, le festival fêtant pour l’occasion un cap, le 30ème anniversaire de l’événement.
Avant
d’évoquer les films en compétitions (et les autres) qui, comme
chaque année, ont soulevé de vives discussions, évoquons
rapidement les membres du jury longs métrages , accompagnés
d’invités prestigieux. Michel Hazanavicius (célèbre depuis les
deux OSS 117, The Artist, et plus récemment le féroce Coupez
!) formait avec son épouse et comédienne Bérénice Béjo une
présidence bicéphale, au cœur d’une équipe composée des
comédiens Alex Lutz, Finnegan Oldfield, Pierre Rochefort et Pierre
Deladonchamps, du rappeur Gringe, de la comédienne Anne Le Ny, du
réalisateur Sébastien Marnier, et de la toujours décalée
Catherine Ringer.
Le jury courts métrages était lui présidé par le magicien David Jarre, fils de Charlotte Rampling et de Jean-Michel Jarre. Il animait une équipe composée du réalisateur François Descraques, de la scénariste Frédérique Moreau, des comédiennes Ophélie Bau, Lou Lampros et du comédien Jules Benchetrit. Un plateau de qualité, que la manifestation vosgienne avait eu la bonne idée d’embellir encore en y intégrant la venue d’invités de marque tels les metteurs en scène Jaume Balaguero et Kim Jee-woon. Bien connus du public vosgien, les deux cinéastes faisaient figure de caution de prestige pour l’anniversaire de la manifestation gérômoise. Leur présence avait quelque peu calmé les râleurs habituels, même si ce ne sont jamais les mêmes, ils changent au gré de la programmation ! Et cette année, celle-ci était discutable.
Mais
ils n’étaient pas seuls, loin de là ! Pour fêter
l’événement, Alex de la Iglesia, Jan Kounen, Lucile
Hadzihalilovic, les jumeaux Ludovic
et Zoran Boukherma avaient fait
le déplacement, sans oublier le créateur du festival, Lionel
Chouchan. Lors de la cérémonie d’anniversaire dans la grande
salle de l’Espace Lac, les amateurs eurent le plaisir de croiser
tout ce beau monde, pour ensuite assister à
de sympathiques petits messages
projetés sur le grand écran
avant la projection du dernier film de Jaume Balaguero, l’explosif
Venus.
Ce fut au tour d’Eli Roth, de David et Brandon Cronenberg, Dario et
Asia Argento et de quelques autres d’y aller de leurs
encouragements à la quête sans cesse renouvelée, insatiable, de
Fantastique de la Perle des Vosges.
Blood de Brad Anderson
Cette
année, neuf films étaient présentés en compétition. En
ouverture, Blood
de Brad Anderson donnait le ton, avec une histoire assez classique
qui semblait ancrer le festival dans un contexte familier. On
assistait au drame frappant une petite famille déjà bien abîmée,
suite à la morsure du cadet par son chien possédé. Bien
connu du public qui avait apprécié à l’époque ses films Session
9 (en 2004) et l’Empire
des ombres (en 2011), Brad
Anderson était de retour avec
son nouveau film, on ne peut plus à sa place à Gérardmer. En
ouvrant le festival avec Bloodles organisateurs
semblaient dire aux spectateurs « voilà, vous êtes de retour
en milieu connu après deux
années compliquées,
maintenant
détendez-vous »…C’était
sans compter leur malice, la programmation prenant ensuite un malin
plaisir à brouiller les piste, avec
des films « classiques » et d’autres nettement moins…
La Montagne de Thomas Salvador
Aux
côtés de Blood,
il y avait La Montagne,
du français Thomas Salvador. S’étant fait connaître en 2015 avec
la sortie de son premier long-métrage Vincent
n’a pas d’écailles, le
réalisateur avait une approche du fantastique à part, faite
d’humour, d’imaginaire et de décalage. La
Montagne allait reprendre
tous ces éléments, et y ajouter une bonne dose de poésie. On y
découvrirait Pierre, un ingénieur parisien qui à l’occasion
d’une mission dans les Alpes serait séduit par la beauté des
cimes pour ne plus vouloir en repartir. Lors de ses ballades il
suivrait d’étranges lueurs, qui allaient lui conférer de
nouvelles aptitudes. Le film partirait avec deux prix (à
l’annonce, un étonnement légitime a parcouru une partie de
l’assistance), celui
du Jury et celui de la Critique, avec
un aspect fantastique pourtant très relatif, le
film communiquant surtout une forte envie d’aller à la découverte
de la montagne.
Memory of Water de Saara Saarela
Dans
un genre plus classique, Memory
of Water de
la Finlandaise Saara Saarela, emprunterait la voix de la politique
fiction, avec un mélange dictature-complotisme que n’aurait pas
renié George Orwell. On y suivrait le parcours de la jeune Noria
dans un monde futuriste où la pénurie d’eau aurait forcé un
gouvernement militaire à mettre en place un rationnement strict de
la ressource rare. À
travers son discours alternant fatalisme et espoir, ses décors de
fin du monde, Memory
of Water
laisserait un sympathique souvenir.
The Nocebo Effect de Lorcan Finnegan
The
Nocebo Effect
marquait le retour de Lorcan Finnegan au festival de Gérardmer,
après son intrigant Vivarium
en 2020. Avec une distribution prestigieuse (Eva Green, Mark Strong,
qui font face à la jeune comédienne philippine Chai Fonacier), The
Nocebo Effect
nous invite dans le folklore philippin. Une histoire solide et
réellement fantastique,
à base de traumatisme enfoui et de sorcellerie somme toute
classique, mais
avec un petit plus appréciable, et
un ancrage bien réel et sincère dans la culture philippine.
La pieta d’Eduardo Casanova
Très
attendu, le film espagnol/argentin La
pieta d’Eduardo
Casanovaraviverait
les débats, les uns farouchement pour, les autres férocement
contre. Avec son espèce de huis clos mettant en scène un jeune
homme étouffé par sa mère, et en faisant un parallèle avec la
dictature de la Corée du Nord (si, si!), La
pieta
allait être sur toutes les lèvres, jusqu’à récolter trois prix,
le Grand Prix, le Prix du Public et le Prix du Public Jeunes,
montrant que le jury longs-métrages avait
été séduit par le
côté non conventionnel de l’histoire. A des années lumière du
côté classique qu’offrait Blood,
Memory of Water
ou encore The Nocebo
Effect,
La pieta
allait susciter de vives réactions, mais
ça, ce n’est pas nouveau à Gérardmer.
Il faut bien
reconnaître
que nul côté classique ici, dans cette vision rose bonbon d’un
enfer moderne régenté
par une mère abusive implacable et terrifiante.
Autre
film de la sélection, plus
balisé, La Tour
du Français Guillaume Nicloux (Le
Poulpe, Une affaire privée, Le Concile de Pierre, Les confins du
Monde…) allait
nous enfermer dans une tour de cité isolée du reste du monde par un
épais et vorace brouillard. Les habitants de la tour tenteraient de
s’organiser pour survivre, des groupes antagonistes se formant et
s’affrontant au fil d’une chronologie parfois déroutante.
The Watcher de Chloer Okuno
Avec
The Watcher,
film américain réalisé par Chloe Okuno, le festival resterait dans
le balisé avec cette histoire de voisin voyeur, interprété
par le toujours génial Burn Gorman (toujours aussi dérangeant dans
ses rôles, ceux
qui ont vu la série Forever
se rappellent du glaçant Adam qu’il y incarnait, face
à un autre immortel incarné par Ioan Gruffud).
Dans le rôle de la femme espionnée, Maika Monroe revenait à
Gérardmer, après y être apparue en personnage principal de It
Follows,
Grand Prix et Prix de la Critique en 2015. Film anxiogène assez lent
aux airs de Polanski, The
Watcher
est en quelque sorte un film à l’ancienne mêlant thriller et
fantastique. Le résultat a séduit le jury, qui lui a donné le Prix
du 30ème anniversaire du festival, créé
pour l’occasion.
Piaffe d’Ann Oren
Dans
le genre expérimental et bizarre, le
film allemand Piaffe
d’Ann Oren était, avec La
pieta,
un des deux véritables ovnis de cette sélection en compétition. On
y partageait le quotidien d’une jeune femme spécialisée dans la
synchronisation et les bruitages de films. Déjà
là, après
quelques scènes, on
avait perdu une partie des spectateurs. En la faisant ensuite
rencontrer un botaniste un
brin pervers et
manipulateur, on était pas loin de perdre ce qui restait du public.
Intrigant
par certains aspects, Piaffe a dérouté une partie des spectateurs,
ce qui ne l’a pas empêché de séduire le jury longs métrages,
qui lui a décerné son Prix, ex æquo avec La
Montagne.
Là
encore, étonnement poli de rigueur !
Dernier
film de la compétition, le film d’animation Zeria
de l’acteur et réalisateur belge Harry Cleven. Primé avec le
Grand Prix du festival en 2005 avec Trouble,
qui mettait en scène Benoît Magimel dans un double rôle face à
Natacha Régnier et Olivier Gourmet. A la fois film d’animation et
film de marionnettes, Zeria
pouvait rebuter au premier regard, ou alors piquer la curiosité.
Dans cette histoire raconté par Gaspard, dernier homme a être resté
sur Terre, celui-ci s’adresse à Zeria, son petit-fils, premier
être humain à être né sur Mars. Il lui raconte sa vie, en
espérant que son petit-fils pourra venir le voir, alors que ses
dernières forces sont sur le point de le quitter. Ce faisant, Zeria
serait le premier humain n’ayant jamais connu la Terre à y
remettre les pieds. Il faut reconnaître que le film était de nature
à provoquer une profonde léthargie. Car passé la poésie et le
côté transmission de l’Histoire, il ne s’y passait pas
grand-chose. La courte durée du film (1 heure) n’empêcha pas
certains spectateurs à quitter précipitamment la salle, ce qui
perturba quelque peu la projection.
En
parallèle à cette compétition, le festival proposait aux
spectateurs une sélection parmi laquelle En
Plein Feu
de Quentin Reynaud, un intéressant huis clos, à la fois au cœur
d’une nature embrasée et dans l’esprit d’un père traumatisé
(très bon Alex Lutz, que le réalisateur avait déjà dirigé dans
son précédent long, Cinquième
set).
Domingo et la brume
était un film costaricien, sur un vieil homme qui ne veut pas céder
son terrain à des promoteurs sans scrupules, et entretient une
relation poétique avec la brume. Huesera,
film mexicain, nous faisait partager le trouble et les visions
accablant une future jeune maman à l’occasion de sa première
grossesse. The
Communion Girl
nous transportait dans l’Espagne de la fin des années 80.
Adolescente discrète, Sara tente de s’intégrer dans son nouveau
milieu dans la banlieue de Tarragonne. Elle fréquente Rebe, une
copine nettement plus extravertie et populaire. Les deux vont croiser
une petite en tenue de communiante en rentrant de boite de nuit, et
là leurs ennuis vont commencer…
Venus de Jaume Balaguero
Dernier
film hors compétition vu, le tonitruant Venus
de Jaume Balaguero (La
secte sans nom, Fragile, Darkness, REC, REC 2, Malveillance,
ou une certaine constance dans la qualité…).
Comme à son habitude, le réalisateur espagnol n’y va pas par
quatre chemins, et dispose visiblement des moyens pour le faire.
Débutant comme un thriller explosif où une go go danseuse essaye de
doubler un caïd de la pègre en lui volant un sac rempli de drogues,
Venus
prend ensuite une autre voie, plus à sa place à Gérardmer.
L’occasion
pour le metteur en scène de se faire plaisir, et d’alterner les
scènes chocs, rarement gratuitement. La dernière partie enchaîne
les morceaux de bravoure, le rythme ne laissant jamais de répit au
spectateur, jusqu’à un crescendo tout en outrance. Le
final prend des allures de western, montrant l’héroïne, Lucia, se
rafistoler d’une éventration que l’on pensait définitive (une
nouvelle manière d’utiliser une agrafeuse, associée à du
chatterton),
pour ensuite monter, canon scié à la main, en découdre avec les
vraies méchantes du film. Sélectionné
en compétition, le film aurait certainement glané l’une ou
l’autre récompense, tant
il avait de l’avance dans certains domaines.
Kim Jee-woon au bord du célèbre lac
La
manifestation n’avait pas oublié les à coté, puisque Kim Jee
woon était là pour une masterclass très suivie, que le grimoire
affichait toujours complet, et que René Manzor (oui c’est bien
lui, le réalisateur du mythique Le
Passage
en 1986, et de 36 15
code Père Noël
en 1990) venait parler de son dernier livre, Du
fond des âges.
Sa fascination pour la mort toujours intacte, celui qui est
aujourd’hui devenu écrivain était venu dans la Perle des Vosges
pour évoquer la place de l’imaginaire dans nos vies, et ses
manifestations dans notre quotidien. Des
projections étaient en outre consacrées à la gémellité au
cinéma, et deux nuits, la première Sans
lendemain
et la seconde Décalée,
avaient
été organisées afin de satisfaire les insomniaques.
Après cinq jours bien remplis, le rideau s’est levé sur Gérardmer. Lors de la cérémonie de clôture Pierre Sachot, Président de l’association du festival, pouvait déjà en faire le bilan positif (une affluence record, déjà constatée lors de la mise en vente des Pass digitaux, précieux sésame pour accéder à la réservation en ligne des séances), et nous annoncer les dates de de la prochaine manifestation. Du 24 au 28 janvier 2024, à vos agendas !!!
On y sera, car le festival de Gérardmer est unique…
Grand
amateur de films de genre, Ti West n’a cessé de clamer son amour
pour la grande époque du film d’horreur des années 70 et 80.
Révélé par le film d’horreur The Roost (une soirée
d’Halloween pas comme les autres…), sorti en 2005, il a ensuite
confirmé son penchant pour l’horreur avec Cabin fever 2,
The House of The Devil et surtout The Innkeepers, où
son histoire sur les derniers jours d’un vieil hôtel hanté avait
ravi les amateurs.
Avec
X, il regarde du côté d’un illustre cinéaste récemment disparu,
le pape de l’horreur rurale Tobe Hooper (Massacre à la
tronçonneuse 1 et 2, Le Crocodile de la mort, Poltergeist, The
Mangler, l’Invasion vient de Mars…). Les premières images
donnent immédiatement le ton. Le décors, une vieille maison qui
ne paye pas de mine, perdue au milieu de la campagne. Une voiture de
police s’approche. Les protagonistes, un shériff et son adjoint.
Sur le sol, les restes sanglants de ce que l’on devine être un
corps humain, sous un drap imbibé. L’histoire commence par la fin,
pour rapidement reprendre au tout début.
La
musique se fait enjouée, douce, légère. On fait la connaissance
d’une bande de jeunes quittant la banlieue industrielle de Houston,
en 1979. La folle équipe part tourner un long-métrage à la
campagne. La petite amie du producteur aspire à devenir une star,
elle n’entend pas accepter autre chose que la célébrité et
refuse une vie médiocre. Sur ses lèvres, une des stars de l’époque,
la divine Linda Carter, qui sortait tout droit de 60 épisodes de
Wonder Woman, la série qui lui avait valu la célébrité. On
comprend que ce petit monde veut aller vite et loin, très loin…
Des
images s’échappent d’une vieille télévision en noir et blanc.
Un prédicateur blanc s’enflamme, exhorte la foule de ses fidèles
à suivre le Seigneur, et à pourchasser le Mal sous toutes ses
formes. L’intolérance est élevée au rang de vertu, et la
tentation est à bannir. Car c’est de cela qu’il s’agit, de
tentation. Et là nous revenons à notre petite équipe, qui est là
pour tourner un film adulte à l’abri des regards, dans une vieille
bicoque louée pour une bouchée de pain.
Arrivés
à bon port, ils rencontrent le vieux propriétaire de la ferme et
s’installent. Ti West prend son temps, construit méthodiquement
son histoire, nous fait découvrir les lieux, méticuleusement. Puis
il développe chacun de ses personnages, aborde leur psychologie. Il
fait le portrait d’une jeunesse insouciante, qui n’aspire qu’à
profiter de tout le bon temps qu’elle peut avoir. C’est aussi
simple que cela. Ce faisant, il créé un lien avec le public, afin
de renforcer ce qui va suivre. L’horreur viendra plus tard.
Le
metteur en scène suit une trame balisée. Certaines scènes sont
certes prévisibles, mais Ti West y apporte un soin particulier,
jusque dans la musique qui les accompagne. Cumulant les casquettes de
réalisateur, scénariste, monteur et producteur, Ti West s’est
assuré la maîtrise de son long-métrage. Son approche de l’horreur
a d’autant plus d’impact qu’il a articulé son film en deux
parties. Dans la seconde il laisse la violence éclater, sans aller
dans la surenchère. Il n’y a pas de scènes de trop, pas de
fioritures, la durée du film (1H45) est parfaite pour trouver un
équilibre entre les deux parties. L’hommage rendu ici au sous
genre du slasher fonctionne parfaitement, la sincérité du cinéaste
s’exprimant d’abord par l’histoire racontée, puis par de
nombreuses scènes qui nous rappellent les classiques du genre.
Dans
la paysage cinématographique actuel, en particulier celui de
l’horreur, X est une bonne surprise. Le long-métrage fait
revivre aux spectateurs les grands frissons partagés à l’époque
par d’autres générations. Des frissons qui n’ont rien perdu de
leur force, et qu’on ne se lasse pas de ressentir, dans le noir…
Après avoir remporté en 2020 le César du meilleur court-métrage avec Pile poil, le tandem Lauriane Escaffre / Yvonnick Muller réalise son premier long-métrage avec Maria rêve. Une bouffé d’air frais dans un quotidien parfois morose.
Dès le « lever de rideau », la bande-son met le spectateur dans l’ambiance. La voix inimitable d’Elvis Presley berce chaudement les premières scènes, on devine que le ton du film sera résolument optimiste, sans donner dans la béatitude naïve. Bien sûr, cela ne suffit pas pour faire un bon film, mais c’est déjà un bon début… Nous faisons connaissance de Maria, une femme de ménage qui se retrouve sur son lieu de travail pour la dernière fois. La vieille dame qui l’employait dans son grand appartement est effet décédée, les héritiers n’ont plus besoin de ses services. Discrète, effacée, Maria va vite rebondir. Elle va postuler pour rejoindre l’équipe de femmes de ménage de l’École Nationale des Beaux-Arts de Paris, pour être aussitôt embauchée, à sa grande surprise.
Maria à la cinquantaine, elle est mariée depuis 25 ans à Oratio, actuellement à la recherche d’un emploi. D’un naturel aimable, Maria est une personne simple en apparence, mais très curieuse. Dans son nouvel environnement elle s’ouvrira à des choses auxquelles elle n’avait jamais été confrontée jusqu’ici, et s’émerveillera d’un monde dans lequel la chose la plus banale peut avoir un sens totalement inédit. Maria a traversé jusqu’ici l’existence sans trop d’anicroche, mais aussi sans grande joie. Une vie sans histoire, en somme, mais un peu terne. Aux Beaux-Arts, elle entamera un renaissance, aidée par un environnement qui stimule l’imagination.
A peine engagée, Maria s’intègre vite à l’équipe chargée du ménage du vénérable établissement. Les autres femmes qui la composent sont sans fard, généralement de bonne humeur, et plus expressives que Maria. Mais celle-ci va évoluer, peu à peu. Chaque journée de travail la fera découvrir de nouvelles choses, qu’elle accueillera à bras ouverts. Même si, parfois, elle ne comprendra pas tout ce qu’elle a sous les yeux. Les rapports entre élèves fantasques et enseignants farfelus la désarçonnent à l’occasion, mais cela ne lui fait pas peur. Maria a beau s’être emprisonnée au cœur d’une inexorable routine au fil des années, sa curiosité naturelle est toujours là, comme endormie par le quotidien. Tout ce temps elle est restée une grande rêveuse. Elle fera la connaissance d’une personne étonnante à plus d’un titre, Hubert le concierge. Et peu à peu tombera sous son charme.
Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller réalisent avec Maria rêve une comédie douce amère (plus douce qu’amère, heureusement). Leur mise en scène fait preuve d’une très grande sensibilité. Leur scénario, leur manière de filmer et leur compréhension des personnages est d’une grande délicatesse. Le tandem fait preuve de finesse, et on sent une connexion évidente et profonde avec les deux personnages principaux, Maria et Hubert. Pour autant, le film ne tombe jamais dans la mièvrerie. Maria rêve est un film drôle (notamment lorsque Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller se mettent eux-mêmes en scène), mais qui sait être triste par moment. Sans jamais tomber dans les excès ou la caricature. Le long-métrage évite en effet les facilités et les scènes trop prévisibles (car attendues dans le genre de la comédie dramatique), grandement aidé par une excellente distribution.
Dans le rôle de Maria, la comédienne Karin Viard nous rappelle sa large palette d’interprétation. S’il est vrai qu’elle incarne d’ordinaire des femmes plutôt exubérantes, elle est ici toute autre. Dans un rôle qu’elle reconnaît elle-même comme étant à l’opposé de sa propre personnalité, elle parvient à incarner la douce et sensible Maria, un être toujours en retrait, discret et arrangeant. Face à elle il fallait le comédien apte à exprimer un savant mélange de sensibilité et virilité. Un petit côté lunaire, fantaisiste, dans un être à l’existence pourtant très concrète et à l’apparence de grand nounours.
Dans la peau d’Hubert, ce concierge des Beaux-Arts qui semble avoir toujours été là, Grégory Gadebois fait des merveilles. Il faut le voir pour le croire ! Le comédien parvient à traduire les nombreuses facettes de son personnage avec une apparente facilité et un naturel déconcertants. Tantôt timide, passionné, hésitant, débrouillard, Hubert va petit à petit cristalliser en lui toutes les rêveries de Maria, lui faire imaginer que, peut-être, un monde différent est là à sa portée. Un monde loin de son train train quotidien, plus exaltant que ce qu’elle a toujours connu. Beaucoup de choses passent par le regard de Grégory Gadebois. Celui-ci est tellement expressif qu’il en devient presque un personnage à part.
Quand Maria rêve s’achève, c’est sur une note optimiste, un nouveau départ. Maria peut désormais vivre ses rêves…
Depuis plus de quarante années le génial metteur en scène australien nous embarque dans des voyages improbables. Révélé en 1979 avec le tonitruant et culte Mad Max, George Miller n’a cessé de balader les spectateurs dans des univers à part.
Parmi la dizaine de longs-métrages qu’il a mis en scène, presque tous sont restés gravés dans la mémoire des cinéphiles. De la saga Mad Max à celle de Babe, le cochon dans la ville, on a ensuite partagé celle de Happy Feet, croisant sur la route de singulières sorcières (cf. Les sorcières d’Eastwick). Aujourd’hui il nous invite à partager le destin d’une âme solitaire, alors qu’elle croise le chemin d’un génie libéré de sa bouteille. Voilà pour le synopsis, un peu sec, mais qui a le mérite d’éveiller la curiosité. Alithea Binnie est une universitaire britannique un peu cynique, désabusée, pour qui l’existence ressemble à un gigantesque cirque aux illusions. Elle en a fait son quotidien, l’accepte, et porte un regard critique sur le genre humain. Mais ce qu’elle apprécie le plus, ce sont les récits que les hommes se sont racontés au cours des siècles, et comment ils ont façonné les générations futures. Elle sera la narratrice de l’histoire, et entend nous conter une formidable histoire.
Alithea nous fait partager un moment clef de son existence. se définissant comme une personne heureuse et solitaire, elle est absorbé par son travail sur les contes, mythes et autres histoires à travers les âges et les continents. Elle a de bons rapports avec ses pairs, qu’elle retrouve chaque année à l’occasion de la grand-messe les rassemblant pour des conférences en un lieu différent. Cette année là, c’est à Istanbul qu’elle se rend. Son imagination débordante, que son travail de recherche nourrit pleinement, lui joue parfois des tours. Elle est confrontée à des hallucinations, de plus en plus fréquentes. Elle fera l’acquisition d’un petit flacon dans une des nombreuses échoppes de la capitale, sans se douter que ce geste changera à jamais sa vie. Alors qu’elle tentera de nettoyer le flacon, un génie s’en échappera.
Celui-ci lui demandera de faire trois vœux. Mais devant sa réticence (Alithea est une grande sceptique…), il entreprendra de lui raconter trois histoires, qui auront toutes la même issue, celle de le voir se retrouvé emprisonné dans un flacon. George Miller construit son film autour de fresques incroyables, mais n’oublie pas de tisser un lien avec les simples mortels que nous sommes. Au contact du djinn, Alithea prend conscience de sa propre solitude, avec laquelle elle cohabitait pourtant parfaitement jusque là. Trois mille ans à t‘attendre promène le spectateur au cœur d’époques plus grandes que nature, avec toujours la petite interrogation concernant la volonté du génie. N’y aurait-il pas un petit détail caché quelque part, quelque roublardise comme Alithea semble le suspecter ?
Le réalisateur reste dans son genre de prédilection, le fantastique, en prenant soin de bien l’ancrer dans le réel. Car même s’il est question d’anciens empires et de leurs fastes, les récits hauts en couleurs du génie s’articulent toujours autour des caprices des hommes. Avec leurs forces, leurs faiblesses, et une bonne dose de fourberie aussi. Et pour conter cela, George Miller n’a pas son pareil.
Dans le rôle du djinn, le comédien britannique Idris Elba (révélé en 2002 avec la série The Wire, les cinéphiles se rappellent plus récemment de ses rôles dans Thor, Pacific Rim, Star Trek : Sans Limites, La Tour Sombre, The Suicide Squad), incarne un être qui, bien que théoriquement immortel, n’en est pas moins traversé par les mêmes doutes que les simples mortels. Un être surnaturel qui reste émerveillé des prouesses dont le genre humain est capable, sans pour autant le comprendre tout à fait. Face à lui, la comédienne Tilda Swinton (dont la carrière, toujours parfaite, a débuté au milieu des années 80, ses prestations, souvent hallucinantes, dans Snowpiercer: Le Transperceneige, Only Lovers Left Alive, The Grand Budapest Hotel, Crazy Amy, le Suspiria de Luca Guadagnino, The French Dispatch nous le rappellent) se glisse dans la peau d’un être sensible, moins serein qu’elle veut bien le laisser croire, et va évoluer au contact du djinn.
Le jeu du chat et de la souris auquel se livrent les deux comédiens est sympathique, et ramène un peu de poésie à une époque qui en a bien besoin, à l’heure du pessimisme et du cynisme ambiants…