Second Tour

Un film d’Albert Dupontel

Second Tour est le huitième long-métrage mis en scène par Albert Dupontel. Comme toujours le cinéaste en a signé le scénario qui, comme toujours, ne ressemble à aucun autre, et positionne immédiatement le film dans la catégorie des œuvres inclassables.

Une fine équipe

Dans cette histoire suivant le parcours d’un brillant candidat à la présidentielle entre deux tours, il y a beaucoup de scènes de pure comédie, mais pas que. Des réflexions sur des thèmes actuels importants -coucou l’écologie, coucou l’immigration- font irruption ici ou là avec un sérieux d’autant plus percutant que l’atmosphère générale du film tire vers la loufoquerie.

Second Tour nous montre le quotidien de Pierre-Henri Mercier, interprété par Albert Dupontel, candidat sorti de nulle part et issu d’une riche famille industrielle. Il est financé par de puissants groupes aux intérêts uniquement mercantiles, qui attendent de lui une politique en leur faveur. Passé quelques scènes, nous découvrons que Pierre-Henri Mercier n’est pas la marionnette que ses sponsors espéraient, et qu’il a l’intention d’œuvrer à la défense de l’écologie, ce qui va totalement à l’encontre des promesses faites aux magnats qui le financent. Son secret était jusque là bien gardé…

Cécile de France et Nicolas Marié

Nathalie Pove (Cécile de France) est une journaliste TV sportive dynamique. Brillante, elle couvrait auparavant une actualité plus prestigieuse, mais a été placardisée suite à un reportage peu élogieux sur l’un des actionnaires de sa propre chaîne. Avec son fidèle cameraman, Gustave Clément (Nicolas Marié), elle se morfond en couvrant des événements sportifs, jusqu’au jour où son patron lui demande de suivre la campagne de Pierre-Henri Mercier suite à l’indisponibilité des principaux journalistes politiques de la chaîne. Son patron lui fait promettre de museler son esprit critique, et lui fournit l’ensemble des questions à poser, les aseptisées, celles évitant toute polémique. Nathalie acquiesce, bien entendu, mais va-t-elle réussir à réfréner son instinct, rien n’est moins sûr…

Infiltrés…

Second Tour démarre sur les chapeaux de roue, Albert Dupontel n’aime pas perdre de temps à planter le décors. Le réalisateur est efficace dès les toutes premières images, ses films durant la plupart du temps moins d’une heure trente (exception faite d’Au revoir là haut il y a six ans). Il nous présente ce candidat atypique en quelques scènes, l’homme providentiel que la droite libérale a propulsé sur le devant de la scène faute d’autre candidat. Vient le tour de Nathalie Pove, dépeinte comme une experte dans l’art de dénicher les petits secrets, sorte de Columbo moderne du journalisme. Avec son acolyte, le cameraman, elle forme un duo percutant, les forces et faiblesses de l’un et l’autre se compensant. .

Ce huitième long-métrage reflète partiellement l’âme de son metteur en scène, qui ne peut s’empêcher de (se) questionner sur la nature humaine, ainsi que son rapport à son environnement. La fable politique et écolo est bien évidemment teintée d’une certain cynisme, sans quoi ce ne serait pas vraiment un film de Dupontel, mais on remarque ici ou là des percées d’espoir, mesurées.

Albert Dupontel

Les dialogues sont très souvent hilarants et les scènes ne s’embarrassent d’aucun superflu. Les comédiens, parfaits, font des merveilles, chacun dans son registre. Les fidèles de l’univers Dupontel sont bien là, à commencer par Nicolas Marié, aux côtés de Philippe Duquesne, Philippe Uchan, et encore Bouli Lanners. Albert Dupontel les connaît bien, il leur offre des rôles, petits ou grands, aux petits oignons. Face à ses habitués, la comédienne belge Cécile de France trouve sa place sans difficulté, interprétant un personnage plus cérébral, moins physique qu’à l’accoutumée. Elle excelle dans ce rôle de femme forte, prête à aller au bout de ses idées et qui, malgré ses revers professionnels récents, arrive encore à se laisser gagner par une indignation salvatrice. Elle donne la réplique à un Albert Dupontel plus posé, qui ne se départ pas de son côté sombre. Leurs échanges, précautionneux au départ, leurs permettent de se révéler l’un à l’autre, au cours d’un jeu du chat et de la souris imprévisible. La conclusion, teintée d’espoir, est à l’image des films d’Albert Dupontel : traversée de doutes, mais ouverte et positive.

Jérôme Magne