Liberté à Brême

Cette pièce créée en 1971 au Theater Bremen remet en cause la
société patriarcale qu’on ne cesse  actuellement de vilipender
sans réussir à l’éradiquer. Une société qui montre la femme
soumise, la femme au foyer et nie l’égalité homme-femme qu’il
s’agisse des capacités intellectuelles ou de celles du management.
L’héroïne, Geesche est d’abord celle qui subit, reçoit des coups, est
sans arrêt humiliée par son mari mais qui bientôt rebondit,
froidement, avec détermination et une bonne dose de malignité
pour devenir celle qui décide de sa vie en supprimant l’homme –
obstacle qui se dresse devant elle.

L’un après l’autre, sans autre forme de procès, elle fait disparaître
ces compagnons successifs qui ne s’attachent à elle que pour
mieux l’exploiter. Très calmement, elle leur offre un petit café
empoisonné. Alors, oui meurtrière, mais aussi justicière, quand
bien même elle procède à ces actes sous le regard de Dieu. Après
tout, il doit selon les dires savoir pardonner et accueillir dans son
royaume ceux qu’elle lui envoie accompagnés du cantique qu’elle
chantonne et qui leur promet l’éternité, la paix et la félicité ! Ce
qui ne manque pas d’ironie.

Nous nous surprenons, nous aussi, à pardonner ou du moins à
comprendre cette femme qui agit au nom de sa liberté car les
coups reçus, le mépris dont elle est l’objet ne peuvent rester sans
réponse même si celle-ci est aussi radicale que l’élimination pure
et simple  du responsable.

C’est une belle pièce, très finement mise en scène par Cédric
Gourmelon, interprétée par des comédiens qui investissent leur
rôle avec conviction. Qui d’autre que Valérie Dréville aurait pu
s’emparer du personnage de cette femme sans concession,
solitaire dans sa détermination à sauver sa vie jusqu’à finalement
en mourir, le choix était parfait.

La pièce  » Liberté à Brême  » traduite par Philippe Ivernel  est
éditée par L’Arche.

Marie-Françoise Grislin

Rainer Werner Fassbinder
C’était au TNS le 3 mars 2020