Archives de catégorie : Scène

Saïgon

Certaines pièces nous aimantent. Nous les voyons et n’avons plus qu’un désir, les revoir. Comme si nous ne pouvions quitter les personnages, devenus pour nous de véritables personnes avec lesquelles un rendez-vous nous était devenu indispensable.

Saïgon fait partie de ces pièces. Impossible de se défaire de l’attirance qu’elle a exercée sur nous et nous a poussés à la revoir.

La pièce écrite par la franco-vietnamienne Caroline Guiela Nguyen de la Cie  » Les Hommes Approximatifs « , ancienne élève de l’école du TNS ,nous propose un voyage. En effet au cours de cette longue représentation, nous irons de Paris à Saïgon, reviendrons à Paris pour terminer à Hô Chi Minh-ville. Ces allées et venues, ce sont celles qu’ont effectuées de nombreux exilés que l’histoire a bousculés entre 1956 et 1996. C’est donc aussi un voyage à travers l’histoire.

Tout commence en 1996, dans le XIIIème arrondissement de Paris, dans le petit restaurant vietnamien tenu par Marie-Antoinette, petite bonne femme empressée, volubile, accueillante qui va et vient auprès de ses clients, s’inquiétant de leur contentement. Une image de l’hospitalité vietnamienne (remarquable interprétation de Anh Tran Nghia). On la retrouvera, dans cette même fonction dans le restaurant au cadre identique (scénographie très réaliste signée Alice Duchange) mais cette fois à Saïgon en 1956. Elle donne corps à ce va- et- vient entre l’histoire et la tragédie.

Pour l’heure, en ce jour de 1996, Antoine(Pierric Plathier), sa mère Linh (My Chau Nguyen Thi) et Hao, un ami vietnamien (Hiep Tran Nghia) viennent de prendre un repas dans le restaurant de Marie-Antoinette. Linh surveille son fils, lui qui, devenu adulte, ayant une bonne situation, supporte de moins en moins bien le côté trop maternel de sa mère. Il la houspille mais s’inquiète de sa fragilité. Il évoque ce jour-là un  » retour au pays  » pour lequel il lui a déjà pris un billet d’avion. Elle n’y consent pas, demande un délai de réflexion, puis s’évanouit.

Le déroulement de la pièce nous éclairera sur ce premier moment dramatique et nous en révélera les arcanes.

En effet, très vite nous sautons dans ce Vietnam de l’année 1956 où se nouent les drames. On est après Dien Bien Phu, la guerre est finie, les Français doivent partir ainsi que ceux qui se sont compromis avec eux. C’est le cas de Linh qui a épousé un soldat français, Edouard (Dan Artus) qui s’est amouraché d’elle, et lui a obtenu la nationalité française . Hao un jeune homme amoureux de Mai partira lui aussi ayant souvent été vu en compagnie de Français. Linh et Hao vivront en France, y feront leur vie.

Hao, lorsque le Vietnam en 1998 permettra aux anciens habitants, appelés Viet Kieu de revenir au pays voudra s’y rendre. Il s’y sentira comme étranger…

On suit leur histoire comme un feuilleton, comme un roman. Comment chacun malmené par l’histoire va-t-il évoluer ? Pourra-t-il oublier son passé, son pays natal, ses amours, sa famille, sa langue maternelle?

La déchirure, le deuil occupent une grande place dans ce spectacle. Les personnages sont attachants, interprétés par des comédiens vietnamiens, franco-vietnamiens et français. En leur donnant la possibilité de s’exprimer dans leur langue, ils sont au plus près de ce qu’ils doivent montrer et cela suscite beaucoup d’émotion. Il jouent la vraie vie. Ils ne livrent pas de témoignages, ils en sont les incarnations vivantes, les protagonistes de cette période tourmentée de l’histoire coloniale française dans ce territoire qui s’appelait  » L’Indochine « .

Une pièce bouleversante donnée au mois de novembre 2018 au TNS et qui va être jouée à La Filature de Mulhouse les 27 et 28 février 2019

Par Marie-Françoise Grislin

20mSv au TNS

Le nucléaire, une affaire sensible dont la discrétion  intrigue et mérite qu’on s’interroge,  ce que fait Bruno Meyssat dans cette pièce qu’il a mise en scène et dont le titre qui nous semble mystérieux correspond au seuil annuel d’exposition aux radiations auxquelles sont soumis les travailleurs dans les centrales nucléaires.

Nous vivons dans la proximité du nucléaire, en France 58 centrales sont en activité. Nous savons, en raison des grandes catastrophes de ces dernières années Tchernobyl et Fukushima les dangers que cela représente mais nous feignons de l’oublier. Malgré tout le problème revient régulièrement sur le devant de la scène : Fermeture de la centrale de Fessenheim souvent promise, contestée, repoussée. Coup d’éclat des militants de Greenpeace s’introduisant dans une centrale pour montrer combien la surveillance y  est peu fiable.

Alors, comme une invitation à prendre conscience de tout cela, de tout ce que nous cachent les responsables d’E D F, de ce que nous préférons laisser de côté ou en arrière-plan de nos préoccupations, le metteur en scène nous pousse à ouvrir les yeux sur ce monde quelque peu mystérieux en se servant du théâtre comme de ce lieu  qui nous permet  pendant un temps donné (ici 2heures) d’aborder ensemble une question des plus anxiogènes.

Pour ce faire, des textes de scientifiques sont projetés, des interviews menés en live par les comédiens qui endossent aussi bien les rôles  d’interviewers que  des personnes interrogées. Les acteurs manipulent nombre d’objets évocateurs de ces contrôles qu’il faut effectuer après qu’une catastrophe a eu lieu. Ils revêtent des scaphandres, mettent des masques, s’aspergent d’eau, entassent des sacs remplis de déchets. C’est tout un arsenal qui est convoqué sur le plateau pour  figurer ces obligatoires précautions et cela devient vite oppressant.

Peu à peu on pénètre dans ce monde de l’après catastrophe. On suit les gestes mesurés des protagonistes, simultanément on lit les informations, les déclarations projetées pour nous éclairer  et qui nous font prendre conscience du business que tout cela représente, mais aussi de l’évident manque de préparation effective au cas où il surviendrait un accident gravissime. Cela fait froid dans le dos et l’on se demande comment il est il est encore possible de poursuivre dans cette voie du nucléaire dont le coût final serait exorbitant et les dommages incommensurables.

Une pièce qui réveille l’attention par son côté paradoxalement réaliste et quasi fantastique.

Par Marie-Françoise Grislin

Hymn to love

Après Après avoir été bouleversés par son « Magnificat » lors du Festival Premières en 2011 puis par son « Requiemachine » en 2013 co-produit par Le Maillon, nous sommes réjouis en découvrant que Le Maillon avait programmé l « Hymn to love » de Marta Gornicka et nous l’attendions avec grande impatience.

Et ce fut, comme on le prévoyait un grand moment, un de ceux qui nous emmènent, nous transportent, nous plongent dans l’irrémédiable beauté d’un spectacle original, que l’on peut qualifier de « parfait » parce qu’il dit tout et porte avec justesse la critique de la réalité sociale et politique qui se vit actuellement aussi bien en Pologne que dans beaucoup de pays occidentaux en pleine crise d’identité.

Il le dit avec cette façon très particulière que Marta Gornicka a imaginée pour porter haut et fort les critiques qu’elle juge indispensables et qui doivent être communiquées au plus grand nombre. Son outil, est ce choeur, cet ensemble de plus de vingt personnes qui, à l’image de la société se compose de gens aux allures, aux âges très divers, de conditions différentes, parmi elles on y repère aussi bien un enfant qu’une trisomique. C’est un corps aux multiples visages dont la force, l’énergie nous galvanise par sa détermination à nous faire entendre, à travers des chants magnifiquement interprétés, ce message qui dit à la fois l’amour du pays et la catastrophe quand il devient nationalisme ardent, refus de l’histoire, dédouanement pour un passé douteux pour ces crimes de guerre qui ont eu lieu sur le sol de la Pologne.

C’est aussi un corps chorégraphié qui s’avance vers nous, martelant le sol se disloquant parfois avant de se reconstituer par petits groupes, défilant de façon martiale, portant sur le public des regards pénétrants.

Ainsi nous nous trouvons immanquablement impliqués et saluons l’habilité de la metteure en scène qui a su se servir pour écrire le texte de ce spectacle des chants traditionnels, patriotiques de son pays, montrer de manière enthousiasmante les dangers d’un nationalisme qui de fait jour chez eux et se fait galopant un peu partout, s’accompagnant de ce refus de s’ouvrir aux autres pour sauvegarder une « intégrité » dont on sait qu’elle conduit au repli sur soi, à la haine des étrangers voire aux exactions criminelles.
Merci à Marta Gornicka et à ce magnifique ensemble pour ce superbe et nécessaire avertissement.

Il est vraiment dommage qu’un incident technique ait conduit à annuler la seconde représentation au grand dam de ceux qui désiraient fortement voir ce spectacle.

Marie-Françoise Grislin avoir été bouleversés par son « Magnificat » lors du Festival Premières en 2011 puis par son « Requiemachine » en 2013 co-produit par Le Maillon, nous sommes réjouis en découvrant que Le Maillon avait programmé l « Hymn to love » de Marta Gornicka et nous l’attendions avec grande impatience.

Et ce fut, comme on le prévoyait un grand moment, un de ceux qui nous emmènent, nous transportent, nous plongent dans l’irrémédiable beauté d’un spectacle original, que l’on peut qualifier de « parfait » parce qu’il dit tout et porte avec justesse la critique de la réalité sociale et politique qui se vit actuellement aussi bien en Pologne que dans beaucoup de pays occidentaux en pleine crise d’identité.

Il le dit avec cette façon très particulière que Marta Gornicka a imaginée pour porter haut et fort les critiques qu’elle juge indispensables et qui doivent être communiquées au plus grand nombre. Son outil, est ce choeur, cet ensemble de plus de vingt personnes qui, à l’image de la société se compose de gens aux allures, aux âges très divers, de conditions différentes, parmi elles on y repère aussi bien un enfant qu’une trisomique. C’est un corps aux multiples visages dont la force, l’énergie nous galvanise par sa détermination à nous faire entendre, à travers des chants magnifiquement interprétés, ce message qui dit à la fois l’amour du pays et la catastrophe quand il devient nationalisme ardent, refus de l’histoire, dédouanement pour un passé douteux pour ces crimes de guerre qui ont eu lieu sur le sol de la Pologne.

C’est aussi un corps chorégraphié qui s’avance vers nous, martelant le sol se disloquant parfois avant de se reconstituer par petits groupes, défilant de façon martiale, portant sur le public des regards pénétrants.

Ainsi nous nous trouvons immanquablement impliqués et saluons l’habilité de la metteure en scène qui a su se servir pour écrire le texte de ce spectacle des chants traditionnels, patriotiques de son pays, montrer de manière enthousiasmante les dangers d’un nationalisme qui de fait jour chez eux et se fait galopant un peu partout, s’accompagnant de ce refus de s’ouvrir aux autres pour sauvegarder une « intégrité » dont on sait qu’elle conduit au repli sur soi, à la haine des étrangers voire aux exactions criminelles.

Merci à Marta Gornicka et à ce magnifique ensemble pour ce superbe et nécessaire avertissement.

Il est vraiment dommage qu’un incident technique ait conduit à annuler la seconde représentation au grand dam de ceux qui désiraient fortement voir ce spectacle.

Marie-Françoise Grislin

At the still point of the turning world

Au Centre Dramatique National, ce fut la création de Renaud
Herbin, son directeur qui ouvrit la saison avec une pièce étonnante dont le titre « At the still point of the turning world » est un vers du poète T.S Eliot et peut se traduire en français par :  » Au point de quiétude du monde qui tournoie ».

Repoussant un rideau de fils apparaît la marionnette réduite à son corps premier que nous avons déjà vue dans « Milieu », conduite par Renaud Herbin qui manipule délicatement les fils qui la mettent en mouvement, lui prête vie et la font avancer vers nous, la tête levée vers le ciel.

Quand ce solitaire s’esquive, c’est une foule qui surgit dans la lumière, une foule dense composée d’une multitude de petits sacs blancs suspendus à des fils. Cela nous intrigue et fait vagabonder notre imagination qui soudain se met à évoquer le pèlerinage à La Mecque! (dieu seul sait pourquoi !)

Que contiennent-ils ces petits sacs ? on apprend qu’ils sont 1600. Peut-être chacun cache-t-il une petite marionnette au repos, voire délaissée, abandonnée, comme celles vues par Renaud quand il visita les entrepôts du Théâtre de Ljubljana. Pressés les uns contre les autres, ils forment une sorte de tapis de picots. Leur immobilité, leur horizontalité ne durent que peu de temps car soudain a jailli en face d’eux un être humain bien en chair, la danseuse et chorégraphe Julie Noche qui entame une danse de relation, tordant son torse, étirant ses jambes, tendant vers eux ses bras. Bientôt, la foule se met à bouger, esquisse une respiration induite par la danseuse qui, elle aussi, gonfle son buste et semble capter le mouvement de la foule dans ses poumons. C’est alors que, côté jardin, Renaud Herbin et son complice, le marionnettiste, Aïtor Sanz Juanes sont à la manoeuvre tirant au sens propre et au sens figuré les ficelles de cet étonnant spectacle. La machine se met en route, soulevant le tapis, lui impulsant des vagues dans lesquelles plonge la danseuse qui disparaît, pour reparaître, écartant les petits sacs qui s’accrochent parfois à son costume.

Côté cour nous parviennent des sons sourds qui, peu à peu, s’amplifient provenant d’un dispositif instrumental manipulé par la compositrice Sir Alice. Elle accompagne les émergences de la danseuse d’un chant étrange venu des profondeurs de l’être.
Une fois le tapis soulevé, Julie Noche apparaît, rampant sur le sol, comme emprisonnée, menacée. Cependant Renaud est de retour avec la grande marionnette. Entre eux se déroule une sorte de ballet qui dit la rencontre, la compréhension l’entraide et cela passe par des regard, des portages, des enlacements affectueux.

Nous avons partagé avec tous les spectateurs l’envoûtement généré par ce croisement de la danse et de la marionnette à fils.

Marie-Françoise Grislin

Histoire d’hôtels : Le Bristol de Vienne

UNSPECIFIED – CIRCA 1936: State visit of Edward VIII, in Austria, Arrival in front of the hotel in Bristol, Photograph, Vienna, 1936 (Photo by Imagno/Getty Images) [Staatsbesuch des englischen Königs Edward VIII, in Österreich, Ankunft vor dem Hotel Bristol, Photographie, Wien, 1936]
Une pop star vient
d’arriver au Bristol.
Un membre du
personnel,
parfaitement cintré
dans son uniforme
noir, précède cette
dernière dans
l’ascenseur et tourne
une clef. Mais ce
dernier se referme
sans le prestigieux
client. Confuse,
l’hôtesse revient
avec l’ascenseur
chercher Lionel Richie qui attend seul dans le lobby. Les portes
s’ouvrent. Le chanteur américain sourit et lance : « Hello. Is it me
you’re looking for ? » 

A l’image de cette anecdote, pénétrer dans l’ascenseur de l’hôtel
Bristol de Vienne et monter les étages successifs, revient à effectuer
à chaque instant un voyage dans le temps. Dans l’Histoire. De la
chambre la plus simple en passant par les suites les plus mythiques
ou celles du sixième étage situées dans les tours de l’hôtel et très
prisées des jeunes mariés qui, depuis leur salle de bains, peuvent y
observer la cathédrale St Etienne, aucun lieu ne laisse insensible.
Avant Lionel Richie, toute une pléiade de grands musiciens (de
Richard Strauss à Paul McCartney en passant par Leonard Cohen ou
George Gershwin), d’écrivains (Francis Scott Fitzgerald, Romain
Rolland, Peter Handke), d’acteurs (Richard Burton, Bruno Ganz,
Sigourney Weaver) et de personnalités politiques (Kofi Annan, Juan
Carlos d’Espagne ou Henry Kissinger) ont illuminé depuis 1892 ce
lieu mythique qui compte aussi en son sein une table réputée et
distinguée par le Gault et Millau et le guide Michelin.

De la petite histoire à la grande, il n’y a qu’un pas qu’il est aussi aisé
de franchir que de changer d’étage. Arrêt devant la suite 174 dite
Prince of Wales où dormit à plusieurs reprises celui qui n’était alors
que prince de Galles, le futur Edouard VIII, en compagnie d’une
Wallis Simpson qu’il fallut cacher du grand public. D’ailleurs, la
discrétion reste toujours de mise au Bristol. N’espérez pas de détails
croustillants de la part d’un personnel entièrement dévoué à ses
clients, attentif à chaque détail, à chaque habitude, donnant ainsi
l’impression à ces derniers de faire partie d’une même famille.

En août 2013, un autre prince de Galles, Charles, ayant lui aussi
épousé une femme divorcée sans que cela n’entraîne un scandale
similaire – autres temps, autres mœurs – se rendit à Vienne.
Pendant plusieurs semaines, tous les tabloïds britanniques
envisagèrent la possibilité qu’il puisse dormir dans la suite de son
ancêtre qui avait renoncé au trône pour une affaire de coeur mais
également pour ses sympathies envers Adolf Hitler. Finalement, le
prince Charles choisit un autre hôtel.

Après la seconde guerre mondiale, le Bristol devint le quartier
général des forces armées américaines dont il est encore possible de
voir les marques des fusils sur les rambardes qui courent le long de
l’escalier principal. C’est peut-être ces souvenirs et ces lieux
emblématiques de leur histoire européenne que viennent chercher
les clients fortunés américains, préférant ainsi le Bristol à ces hôtels
contemporains où se concentrent les nouveaux riches. Ils aiment y
retrouver l’ambiance de ces années tumultueuses au bar de l’hôtel
avec ses airs de nid d’espions et sa moquette léopard, premier bar
américain de Vienne où le barman vous sert directement, et y
déguster le fameux Bristol royal, cocktail à base de liqueur de cerise,
ou un verre de vin de Styrie. Croisant diplomates, touristes
européens, businessmen japonais, ou Viennois d’un jour affublés de
costumes en tweed, de tailleurs Chanel ou de simples casquettes de
baseball, tous les visiteurs s’imprègnent ainsi de cette atmosphère
unique qui a quelque chose d’une tour de Babel contemporaine.

Ici, les étoiles sont sur les murs, dans les chambres et dans les yeux
et les oreilles de tous ceux qui ont vu un Tom Cruise s’échappant de
l’opéra voisin avec le Bristol en fond dans le cinquième opus de
Mission : Impossible (Rogue Nation) ou qui ont admiré la soprano
Angela Gheorgiu dans Tosca. Ceux qui n’ont pas voulu se rendre au
Staatsoper voisin, peuvent, aux beaux jours, depuis leur chambre
voir l’opéra sur le grand écran installé face à l’hôtel. Quant aux plus
chanceux, ils ont pu attraper quelques airs de répétition en passant
devant la chambre de la diva. Mais derrière ces portes, d’autres
secrets continuent à y être échafaudés, comme ceux des
négociations sur l’accord nucléaire iranien, conclu à Vienne en juillet
2015 entre les ministres des affaires étrangères des cinq membres
du conseil de sécurité des Nations-Unies et de l’Allemagne dont
John Kerry, secrétaire d’Etat du président Obama qui certainement
se souvint qu’ici, soixante ans auparavant, se trouvait le siège de
l’ambassade des Etats-Unis. Façon de dire qu’aujourd’hui, comme
hier, l’Histoire continue de s’écrire au Bristol…

Par Laurent Pfaadt

Informations : WWW.BRISTOLVIENNA.COM

Partage de Midi de Paul Claudel

Eric Vigner, scénographe et metteur en scène a présenté au TNS sa dernière création « Le partage de midi » qu’il inclut dans un cycle sur l’amour et la mort  pour lequel il a déjà réalisé « Tristan », en reprenant l’histoire de Tristan et Yseut et qu’il conclura avec « Le Vice-consul » de Marguerite Duras, prochainement mis en scène.

Pour Eric Vigner il était fondamental de mettre en scène cette pièce de Paul Claudel car c’est par elle qu’il a eu la révélation du théâtre en la lisant à l’âge de  dix-sept ans.

La version de 1906 qu’il a choisie raconte l’expérience vécue par Claudel, quand, se rendant en Chine, il rencontre sur le bateau une femme dont il tombe amoureux  et qui lui fera connaître les tourments de l’amour et de l’abandon.

Le décor retient d’emblée notre attention et intrigue, palpitant de références diverses et faisant fi de tout réalisme. Y apparaîtront cependant, en clins d’oeil pertinents, les chaises longues qu’on place sur le pont des bateaux, les malles entassées des voyageurs, le mobilier oriental. Tout cela est beau, raffiné, allusif, comme cette grande sculpture représentant un marin quelque peu enfantin pointant sa longue-vue  sur l’horizon.

Les costumes (Anne-Céline Hardouin) sont ce qu’ils doivent être pour évoquer  cette fin du XIXe siècle, les hommes en chemises blanches et petits gilets, la jeune femme en robe ample et majestueuse, colorée au début de l’histoire et noire à la fin.

Ysé (Jutta Johanna Weiss), l’héroïne de cette histoire d’amour retient et sépare les hommes. Ici pas la pesanteur d’une mère de famille comme celle dont Claudel est tombé amoureux, plutôt une femme légère, charmeuse, préoccupée d’elle-même, de son image.

Quant aux hommes, celui qui l’a, le mari, De Ciz (Mathurin  Voltz)  reste distant, alors qu’Amalric (Alexandre Ruby) sûr, croit-il, de la posséder un jour affiche sa virilité. Mesa(Stanislas Nordey) est l’hésitant qui aura cependant le privilège d’être choisi, d’abord comblé il sera bientôt floué. C’est lui qui représente Claudel.

Alors, bien sûr tout cela ne va pas sans les mots, les longues tirades, les réflexions, les questionnements.

Les comédiens multiplient les entrées et les sorties, tournent en rond, l’image  de leurs incertitudes,  se rapprochent et s’éloignent dans le ballet constant des tourments qui les habitent,  bien mis en valeur par le jeu des lumières (Kelig Le Bars).

Ainsi est retenue l’attention du spectateur pour cette cérémonie qui marie par allusion permanente l’amour et la mort, le spirituel et le charnel.

Selon ses propres sensibilités et convictions, on s’attache ou non à ces personnages et à leurs problèmes existentiels et l’on adhère ou pas à cette mise en scène qui donne à chaque comédien le pouvoir de jouer sa solitude au contact de l’autre qui ne cesse de lui échapper.

On en sort ,éprouvé.

Marie-Françoise Grislin

La pomme dans le noir

D’après le roman « Le bâtisseur de ruines » de la brésilienne Claire Lispector traduit par Violante Do Canto

Lui, Martin, il arrive de la ville pour se reconstruire. Il a un crime sur la conscience.

Elles sont deux femmes sur cet immense domaine, la propriétaire, Victoria, et la jeune fille, Ermelinda.

L’une, autoritaire, l’autre un peu paumée, désarmée, semble-t-il, devant la vie. Et puis il y a un homme de tâche, le jardinier.

L’arrivée de Martin va bousculer leur vie, apparemment paisible bien qu’en chacune un monde de désirs bouillonne mais se tait.

Des images nous viennent en tête, celle du volcan  ou bien celle du film « Théorème » quand l’inconnu surgit  comme élément déclencheur d’une prise de conscience.

Il est toujours difficile de mettre en scène un roman. Marie-Christine Soma n’a pas eu peur de s’y attaquer, galvanisée par le très grand intérêt qu’elle a porté à ce texte dès qu’elle en a eu connaissance et qui lui a donné envie de l’adapter pour le théâtre.

Le décor est très simple mais pertinent, rien d’étonnant puisque la metteure en scène fut d’abord éclairagiste, d’où son sens de l’espace et des configurations nécessaires à rendre  les actions et les déambulations des personnages de façon juste. Il s’agit donc d’une grande cloison de bois occupant le fond de scène dans laquelle sont aménagées quelques ouvertures et des claires-voies qui permettent d’épier les allées et venues des uns et des autres, accentuant le mystère que chacun représente pour l’autre. Côté jardin, un coin table, plutôt convivial, côté cour c’est la remise à bois, le domaine du jardinier qui y range ses outils, l’endroit qui a été attribué à Martin. Sur le devant du plateau une longue plate bande est en construction. Martin y apporte des brouettées de terre, lui, l’ingénieur, devient un manoeuvre, une façon de racheter ses fautes, de se reconstruire.

La distribution est d’une grande justesse. Dominique Raymond  sait passer d’un registre de femme autoritaire et méfiante dont la carapace semble solide à celui d’une femme fragile, désemparée qui « lâche prise » comme on dit et se met à déballer sa vie privée, avouant ses manques et ses désirs secrets à ce garçon qu’elle a jusqu’ici maltraité et auquel elle sent bien qu’elle s’attache alors qu’il est trop tard et qu’il ne veut rien d’elle. Elle sait être  dans cette scène vraiment bouleversante.

Mélodie Richard est cette jeune fille toute en retenue dont la vie intérieure intense surgit parfois malgré elle et vient à se dévoiler de façon intempestive, la rendant,  tour à tour, capricieuse et émouvante.

Dans cette mise en scène c’est le jeu des acteurs qui avant tout emporte notre adhésion car il laisse transparaître avec justesse  le mystère qui habite chacun et qui constitue l’intrigue. C’est ainsi que, Pierre-François Garel qui est Martin et Carlo Brandt qui  incarne plusieurs personnages font montre d’une grande intériorité dans leur prestation.

Si nous avons quelques réserves à propos de ce spectacle, elles concernent la durée de la pièce. Les longs récitatifs qui la composent peuvent paraître pesants d’autant qu’ils sont souvent dits de façon relativement confidentielle donc pas toujours  clairement audibles.

Cette mise en scène a obtenu un vrai succès auprès du public du TNS.

Marie-Françoise Grislin

TNS octobre 2018

A la Ville et Eurométropole de Strasbourg

La preuve nous en est donnée chaque début de saison à l’annonce des programmes que nous ont concoctés les différentes institutions de la Ville et Eurométropole de Strasbourg.

Dans les choix multiples qui nous sont proposés quelques spectacles nous attirent plus particulièrement.

Au TNS « Le partage de midi », une des grandes oeuvres de Paul Claudel, mise en scène par Claude Vigner.

« SaÏgon » de Caroline Guiela Nguyen où l’histoire bouscule la vie des gens.

« Thyeste » de Sénèque dans la mise en scène de Thomas Jolly dont la création a eu lieu au Festival d’Avignon cet été dans la cour d’honneur du Palais des Papes.

« I am Europe » qui signe les retrouvailles avec Falk Richter dans une pièce politique qui nous parle d’émigrants et de frontières.

« John » une des premières pièces de Wadji Mouawad sur le suicide des adolescents  dans une mise en scène de  Stanislas Nordey.

« Qui a tué mon père » d’Edouard Louis, également mis en scène par Stanislas Nordey,une réflexion sur la violence sociale.

Au TNS deux auteurs « classiques dans de grands textes sur la passion amoureuse

« La dame aux camélias » d’Alexandre Dumas fils mis en scène par Arthur Nauzyciel

« Les palmiers sauvages » de William Faulkner par Séverine Chavrier directrice du CDN Orléans/Centre Val de Loire.

Dans le foisonnement des spectacles inscrites au programme du Maillon certains nous semblent quasiment indispensables à voir, comme:

« Hymn to love » de Marta Gornicka qui dirige ce choeur saisissant qui dénonce le populisme  comme précédemment dans son « Magnificat » il dénonçait  le sort réservé aux femmes dans la catholique Pologne.

« Eins zwei drei » qui signe le retour de Martin Zimmermann

« Bacchantes-Prélude pour une purge « , un spectacle de danse joyeux et ébouriffé de la chorégraphe cap-verdienne Marléne Monteiro Freitas présenté avec Pôle-Sud

« Beytna » un grand rituel avec invitation à partager un repas élaboré pendant la représentation du chorégraphe libanais Omar Rajen en collaboration avec, entre autres, le belge que nous connaissons bien, Koen Augustijnen

« Requiem pour L. », retour très attendu des Ballets C de la B pour cette oeuvre de Mozart interprétée par des artistes  venus de plusieurs continents dirigés par Fabrizio Cassol et Alain Platel, présenté avec Pôle-Sud

« Optraken » du Galactik Ensemble  présente cinq acrobates  performant et drôles

« Humanoptères » de Clément Dazin nous emmène à Offenburg pour apprécier les sept performers-jongleurs qui s’y produiront.

A suivre aussi l’exposition « Un siècle sans entracte », une histoire du Wacken 1924-2019 avant la démolition de ce lieu chargé de bien des souvenirs.

La programmation des TAPS nous interpellent avec plus de vingt spectacles pleins d’humanité et de sensibilité.

En tout début de saison nous retrouvons avec bonheur Mounia Raoui, une actrice que nous avons beaucoup appréciée dans les mises en scène de Jean-Louis Martinelli quand il dirigeait le TNS. Mounia Raoui expose dans « Le dernier jour où j’étais petite » les tourments de sa vie d’artiste.Jean-Yves Ruf l’accompagne dans sa mise en scène.

De Marivaux on pourra voir « La seconde surprise de l’amour »;

« Jeunesse » de Joseph Conrad mis en scène par Guillaume Clayssen

« Partout la main du rêve a tracé le dessin » à partir  des dessins et écrits de Victor Hugo ,spectacle conçu et mis en scène par Jean-Marc Eder

Parmi les auteurs à l’affiche:Tchékov (Le chant du cygne); OdÖn von Horvàth (Allers-retours); Serge Valletti (Carton plein);Molière un « Avare » mis en scène par Fred Cacheux.

A noter pour le jeune public « Souliers rouges » d’Aurélie Namur  mise en scène De Félicie Artaud  et « Sur la route de Poucet » d’après Charles Perrault par Mathieu Létuvé.

Le TJP continue sa programmation qui lie indéfectiblement Corps Objet Image dans un nouveau sigle COI. Enfants jeunes ou moins jeunes , adultes sont invités à suivre tous les spectacles et les quatre Week-ends qui proposent de vivre des expériences artistiques en particulier sur le thème de l’attention.

Parmi bien d’autres, nous avons retenu

En début de la saison  la création de Renaud Herbin « At the still point of the turning world », avec une danseuse(Julie Nioche) deux marionnettistes ,une musicienne et plein de marionnettes;

De la danse encore et des sculptures  pour ce « Swing Museum » signé Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, et aussi, présenté avec Pôle-Sud « Laisse le vent du soir décider » avec les performeurs danseurs  Damien Briançon et Etienne Fanteguzzi de la Cie Espèce de Collectif qui montent sur le plateau un meccano géant et allient danse invention et dérision.

Le retour d’Eve Ledig avec sa dernière création « Un opéra de papier » où elle marie, comme toujours poésie et questionnement sur la vie.

Deux spectacles que nous sommes curieux de découvrir: présenté par le Rodéo Théâtre » La vie devant soi » d’après l’ouvrage éponyme   de Romain Gary (Emile Ajar)

et  de Silvia Costa « Dans le pays d’hiver » présenté avec Le Maillon, une adaptation  des « Dialogues avec Leuco » De Cesare Pavese en italien surtitré en français.

Pôle-Sud,  qui est centre de développement chorégraphique national, propose une riche programmation de danse contemporaine.

Entre bien d’autres nous avons retenu « La danse aux Musées »

au MAMCS avec Hela Fattoumi et Eric Lamoureux (entrée libre) »OSCYL variation »

au Musée de l’oeuvre Notre-Dame avec Mark Tompkins, Philippe Poirier, Rodolphe Burger et La Cie Dégadézo et une cinquantaine de participants (entrée libre) »Entrons dans la danse »;

« Bacchantes-Prélude pour une purge » le spectacle burlesque de Marlène Monteiro-

Freitas  au Maillon.

Danse et jeux mêlés au TJP avec « Laisse le vent du soir décider »

signé Alain Platel et Fabrizio Cassol  de Damien Briançon et Etienne Fanteguzzi

un spectacle plein d’humour et de réminiscences au titre prometteur et engagé « El pueblo  unido jamàs serà vencido » d’Alssandro Bernardeschi et Mauro Paccagnella de la Cie Wooshing Machine

Energie et humour noir avec Ann Van Den Broek dans « Accusations »

Energie et humour léger dans »Idiot-Syncrasy » d’Igor et Moreno

Au Maillon, Les Ballets C de la B pour un magistral « Requiem pour L. »

Amala Dianor, artiste associé  à Pôle-Sud présente à Hautepiere « The Falling stardust » où se croisent différents styles de danse

A suivre le Festival ExtraDanse qui  compte de  belles prestations, à voir entre autres « Les Gens  de Fouad Boussouf qu fait se rencontrer les danses traditionnelles du Maroc avec le Hip Hop.

Enfin, en Juin, on suivra  avec Extra Ordinaire les réalisations produites par les rencontres entre 13 artistes invités et les gens des quartiers Meinau-Neuhof dans le cadre des Scénographies Urbaines qui en sont à leur 8ième édition.

Un magnifique choix de spectacles pour cette saison 18-19

Par Marie-Françoise Grislin

15. Staufener Stadtgeschichten

Ritter, Trommler und Gaukler

Von Anja Frisch

Hunderte Mitwirkende inszenieren beim großen
Freilicht-Festival zw
ölf Jahrhunderte Staufener
Geschichte.

Ganz Staufen wird zur Bühne, wenn mehr als 800
Einwohnerinnen und Einwohner zusammen mit G
ästen
aus Nachbarorten und Musikern aus ganz
Deutschland auf den Pl
ätzen und Straßen Szenen
aus der Geschichte ihrer Stadt darstellen. Die
historische Altstadt unterhalb der
eindrucksvollen Burgruine verwandelt sich in eine
Art begehbares Geschichtsbuch, das eine Zeitreise
durch die Jahrhunderte erm
öglicht. Vom 21. bis
23. September zeigen die Akteure Bilder, Szenen
und St
ücke aus der facettenreichen Geschichte der
Stadt, die als Ansiedlung urkundlich erstmals 770
erw
ähnt wurde. Tänzer und Tavernengesang begegnen
dem Besucher ebenso wie mittelalterlich gewandete
M
ägde und Gaukler, historische Händler und
Handwerker sowie badische Revolution
äre. Auf
einem
Bauernhof mitten im Städtchen neben der
Kirche tummeln sich G
änse, Schafe, Esel, Ziegen,
Schweine und H
ühner; Bauern und Bäuerinnen
pressen Apfelsaft, spinnen Wolle, binden Besen
und ziehen Kerzen.

Bis ins 20. Jahrhundert hinein führt der
Spaziergang durch die Historie, zum Beispiel
stellen mehr als einhundert Kinder und
Jugendliche Geschichten
über den Bergbau, die
Fl
ößerei und die wilden 1968er Jahre dar. In
Szene gesetzt und unterst
ützt werden die Amateure
durch moderne Ton- und Lichttechnik und
ausgebildete Maskenbildnerinnen. Entstanden 2003
zun
ächst als Herbstveranstaltung des örtlichen
Gewerbevereins, wird die beliebte Veranstaltung
seit 2008 federf
ührend vom Förderverein für
au
ßergewöhnliche und unterhaltende Staufener
Theaterkultur (FAUST) gemeinsam mit Gewerbeverein
und Stadt organisiert. Sie beginnt
am Freitag,
21.September, 18 Uhr, mit dem Aufmarsch der
Stadtwache und dem Programm
Menschen und Musik
aus 1248 Jahren
, ab Samstag, 13 Uhr, treten die
Akteure in ihren historischen Kost
ümen zwei Tage
lang in Aktion, und am Samstag Abend um 18.30 Uhr
beginnt ein
mittelalterlicher Wettstreit der
Barden und Spielleyt um das goldene Huhn
, bevor
um 20:30 Uhr ein Zug im Fackelschein stattfindet
und um 21.30 Uhr ein Konzert der Spielleute
Die
Streuner
beginnt. Kindern bietet das Festival
ein Ritterturnier, ein Märchenzelt und ein großes
Gauklerzelt. Gezeigt werden zudem Theaterst
ücke
über Doktor Faustens Tod, über Albert Hugard
sowie zum Staufener Spital.

Zeitreise Stadtgeschichten Staufen 21. bis 23. September, Information unter www.stadtgeschichten-staufen.de

Alan

La pièce de Mohamed Rouabhi, a été un bonheur de théâtre tel qu’on n’en avait pas connu au TNS depuis assez longtemps.

Il faut dire qu’elle a tout pour plaire avec ses trouvailles, son inventivité et sa dimension très humaine.

Alan vit seul, il ne cesse de nous le dire par l’intermédiaire d’une voix off ( celle de Mohamed Rouabhi) qui décrit ses activités faites du matin au soir de répétitions. Le matin, se lever, avaler son café, quitter l’appartement, prendre le bus, se retrouver au bureau et puis le soir c’est retour à la case départ. Tout semble si bien réglé que rien, semble-t-il ne peut arriver. Mais voilà que justement quelque chose se produit. Et la rupture dans ce déroulé obsessionnel crée l’histoire et fait théâtre.

Que se passe-t-il quand une porte qu’on est sûr d’avoir fermée se retrouve ouverte, que cette situation se renouvelle ? on est alors en droit de s’interroger et de se demander si un intrus à pénétrer dans sa maison  ou bien si on ne sait plus très bien ce que l’on fait, si on a peut-être une défaillance. Questionnement et inquiétude s’entremêlent et conduisent même à consulter. Sans résultat !

Spectateurs, nous assistons à cette cérémonie de l’intrusion et voyons l’arrivée  impromptue d’un être étrange portant sur un corps humain une tête de lapin, un être jeune, virevoltant  sur un petit scooter, grimpant sur les meubles, fouinant ici ou là.

Le soporifique bien-être d’Alan est mis à mal. D’abord, présence invisible et cachée, il se révèle enfin aux yeux d’Alan et en devient assez vite l’ami incontournable, un joyeux compagnon de vie. C’est alors que tout change. Le monde apparaît autrement à Alan  et il découvre que, Melle Jones, sa collègue de travail, est une personne bien intéressante dont il tombe amoureux. La réciprocité de leurs sentiments leur fait connaître le bonheur et la joie de vivre.

Le propos pourrait être banal s’il n’était accompagné d’une mise en scène originale.
En effet, si le décor est sobre, représentant avec une grande simplicité, tantôt le studio où vit Alan, tantôt le bureau où il travaille, une importance particulière est réservée aux portes, permettant d’accéder à ces différents lieux. Elles sont fermées, entrebâillées, ouvertes, symbolisant en quelque sorte l’ouverture d’esprit des protagonistes qui se modifie, se transforme au fil de l’histoire.

De plus, de petits films d’animation et des dessins très réussis, signés Stéphanie Sergeant, donnent à la narration une dimension ludique en nous embarquant dans les pensées, les fantasmes qui traversent l’esprit des personnages. C’est à la fois amusant et émouvant.

Sans aucune pesanteur une « morale » se dégage de cette fable : se laisser pénétrer par l’étranger, c’est s’ouvrir au monde et profiter d’un bonheur de vivre qui se trouve souvent à portée de main et qu’on ne perçoit pas tant qu’on reste replié sur soi et qu’on s’attache à la routine du quotidien.

Trois remarquables comédiens, Hervé Sika qui joue Alan, Marie Sergeant, Mademoiselle Jones et Lauren Pineau-Orcier qui fait l’étranger à tête de lapin mènent avec conviction cette réflexion sur la vie.

Le texte est publié aux éditions Actes Sud Papiers.

Marie-Françoise Grislin