Célébration de Mark Tompkins

Le retour de Mark Tompkins à Pôle Sud, remis en raison du Covid
19 était très attendu par tous ceux qui ont suivi, ici même, les
étapes de sa carrière de chorégraphe, d’interprète et de
pédagogue.

Conduire sa vie, reconnaître le temps qui passe et le défier, jouer
avec cela, en jouir et inviter les autres à partager cette expérience,
finalement commune à tous, voilà ce qu’il montre dans sa dernière
création où il s’expose avec finesse et humour pour cette leçon de
vie.

C’est d’abord la silhouette d’un grand gamin, torse nu qui vient à
notre rencontre, disposant autour du bac à sable les petits jouets de
son enfance et confectionnant avec application, tout en
chantonnant et murmurant, une sorte de berceau pour y coucher
tendrement une petite souris. Elle exige une histoire pour s’endormir. Qu’à cela ne tienne, il se met à raconter  la célèbre
histoire des « Trois petits cochons ». L’enfance est là, improbable et
juste. un monde si tranquille, si doux dans lequel cependant on ne
peut s’attarder.

Commence alors l’évocation du périple d’une vie mouvementée qui
nécessite que notre conteur se relève, déploie sa longue silhouette
et s’adonne  à cet exercice de prestidigitateur qui consiste à faire
surgir les moments de grâce et de douleur qui ont marqué son
chemin de vie et ce à travers des chants, des danses, accompagnés
par deux complices musiciens pleins d’ardeur, des seconds rôles qui
prennent parfois le pas sur l’acteur, en proposant leurs propres
ébats comme ce superbe corps à corps, cette simili bagarre de
jeunes déchaînés. Pour cette performance ils ont quitté leurs
instruments, Maxime Dupuis son violoncelle et ses objets, Tom
Gareil son vibraphone et son synthétiseur ayant avec eux déjà fait la
preuve de leur talent. Ainsi jouent-ils, fraternellement, ensemble,
effaçant  les frontières entre danse, musique et  chant, manifestant 
l’engagement des corps, faisant fi des frontières de l’âge. Mark peut
bien s’enrager aussi, recroquevillé sur lui-même contre le
vieillissement qui le gagne. Il n’en reste pas là et joue à se déguiser,
s’entourer de lumière, rebondir, déployant un corps encore plein
d’élégance et de souplesse, adressant ainsi un pied de nez au temps
qui passe. Humour et tendresse sont au rendez-vous, marques
sensibles de sa vulnérabilité et de son obstination.

Ce spectacle dont Jean- Louis Badet signe une scénographie et des
costumes très pertinents, fut pour nous,  un moment de
retrouvailles, exceptionnel, plein de réflexion et d’humanité, une
véritable invitation à se réconcilier avec soi-même, à apprendre à
jouir du temps qui passe.

Marie-Françoise Grislin

Représentation du 29 septembre à Pôle Sud Strasbourg