Mon absente

A la demande de Stanislas Nordey ,Pascal Rambert  a écrit , mis en scène et scénographié  une pièce  pour les  actrices et acteurs associés du TNS.


C’est en pensant que l’une d’elle, Véronique Nordey n’était plus et pour des raisons personnelles qu’il a eu l’idée de travailler sur la disparition et d’intituler sa pièce « mon absente » ramenant ainsi   ce problème existentiel auprès de chacun de nous.

Au pied du catafalque entouré de fleurs sur lequel repose le cercueil en bois clair, lui aussi chargé de fleurs, les enfants de la défunte, de la maman, vont venir parler de ce qu’ils ont en tête et sur le cœur à son sujet.

Comme il sait si bien le faire, Pascal Rambert   nous place devant des situations concrètes et nous fait entendre des paroles personnalisées qui expriment sans concession la complexité des rapports humains, les bouleversements et contradictions qui traversent toute personne confrontée à la mort d’un être proche.

Une quasi-obscurité règne sur le plateau, une musique douce et lointaine l’envahit (lumière, Yves Godin, musique, Alexandre Meyer). De l’ombre surgissent les personnages qui gardent leur prénom de comédien (c’est habituel chez Pascal Rambert). Le premier, c’est Laurent (Laurent Sauvage), grande silhouette en costume blanc (costumes Anaïs Romand) qui situe ses souvenirs dans le vaste appartement de 250 mètres carrés, précise-t-il, du boulevard Haussmann où sa mère l’a élevé, sans argent et sans amour comme ses frères et sœurs qu’elle considérait, dit-il, comme des chiots. « Je n’ai rien reçu » va-t-il répétant, poursuivant ses allées et venues autour du cercueil. C’est ça qu’il a à dire, ne s’interrompant que pour répondre à son amoureuse qui l’appelle sur son portable.

 Aimé, moins aimé, préféré, chacun y va de ses souvenirs, s’adressant à cette maman plus préoccupée de se renfermer dans son bureau pour écrire que de s’occuper des enfants. Une mère écrivain égocentrique qui nous fait penser à Marguerite Duras et à sa propre mère désargentée et peu affectueuse à ses dires.

Une cérémonie des adieux personnalisée où l’un et l’autre finissent parfois par se croiser au risque d’une confrontation car souvenirs et points de vue sont loin d’être en accord. Ce sera le cas pour Laurent et Claude (Claude Duparfait), les deux ainés qui ont parfois reçu des coups de leur mère. Claude, très excité, affirmant que Laurent était le préféré.

Surviennent bientôt, les autres fils, Stan qui a entretenu une relation compliquée avec sa mère (Stanislas Nordey) ,Houedo (Houedo Dieu- Donné Parfait Dossa) qui veut devenir écrivain, et Vincent (Vincent Dissez) le benjamin habillé en femme, qui déclare son amour à sa mère,  et  décide de danser nu  pour elle, lui révélant qu’il le fait chaque soir pour ceux qui le regardent en buvant du champagne.

 Du côté des filles les situations sont moins problématiques, Audrey (Audrey Bonnet) la fille de l’absente a été aimée et s’est occupée de sa mère. Quant aux petites -filles, Océane (Océane Caïraty), elles l’ont aimée voire admirée, leur problème est plutôt la relation avec leur père en particulier pour Claire (Claire Toubin) la fille de Claude que son père rejette car elle vit en couple avec une femme Ysanis (Ysanis Padonou).

Cette réunion autour de leur mère rassemble aussi des personnes « rapportées » comme Mata(Mata Gabin) , la belle-mère de Houedo, sa fille Melody (Melody Pini) qui  témoignent  de leurs souvenirs de la morte.

Leurs témoignages contradictoires sont dits avec beaucoup de conviction, parfois violemment, avec cette émotion et sensibilité de mise dans de tels circonstances et que révèlent ces paroles pertinentes :  le terme de « Maman », abondamment répété, « où sont les pères ? », « les parents sont abjects », « nous étions libres », « je n’ai rien compris », « tu l’as fait mourir »…

Ainsi, en ce moment des adieux, se dessine le portrait d’une femme de caractère vis-à-vis de laquelle ses six enfants disent chacun à leur façon qu’ils l’ont aimée mais qu’ils auraient souhaité qu’elle soit autre.

Peut-être une situation plus courante qu’on ne pense et souvent inavouable ici soulignée sans vergogne.

Marie-Françoise Grislin

Représentation du  28 mars