Jeu de masques

Intuition, friction, papillon

Atelier du Groupe 47 de l’Ecole du TNS

Le masque nous interpelle car il fait jaillir devant nous de drôles de personnages, aux visages comme immobilisés d’où nous parviennent par deux petits trous ronds des regards intenses qui nous observent, qu’il nous est impossible de déchiffrer et qui créent notre malaise. Alors on s’interroge, la personne masquée l’est-elle de son plein gré, par jeu ou par nécessité ou par quelque obligation qu’elle s’est créée. Est-ce une personne ou un personnage qui évolue devant nous ? Un être hybride en quelque sorte.


C’est cette capacité de transformation qui est en cause puisqu’il s’agit d’un atelier de l’école et qu’on y montre une sorte de casting.

En effet, un observateur, examinateur (Marc Proulx, responsable de la formation corporelle et jeu masqué), se tient en dehors du plateau, assis tranquillement sur une chaise et encourage des « candidats » à venir montrer leur prestation, à sortir de l’ombre, à surgir du rideau derrière lequel on les entend se préparer avec fébrilité. 

Une jeune fille se présente enfin avec un problème qui semble l’obséder « être dans le temps » ses gestes traduisent son inquiétude et elle multiplie ses gesticulations.

 Chez tous nous allons retrouver ce besoin de souligner par un travail corporel le message qu’ils veulent faire passer, les masques les privant des expressions du visage, les gestes se font plus amples, plus maniérés, plus répétitifs, plus expressionnistes ce qui exige une vraie maîtrise pour éviter de tomber dans le caricatural. Savoir jouer aux limites du burlesque, c’est ce dont les jeunes comédiens élèves du groupe 47 ont su faire preuve.

Ils nous ont emmenés dans un ailleurs déroutant mais dans lequel ils semblent mener leur affaire puisque chacun vient faire la démonstration de sa capacité de jeu et tel apparait, en habit blanc , comme un Pierrot, petit chapeau brun sur la tête et nous explique qu’il est le «  propriétaire du théâtre », qu’il a payé les gens pour venir, il peut l’affirmer en toute bonne foi car, ici, on improvise et on  peut se permettre semble-t-il de dire des propos non tenus d’être des vérités absolues. Cependant son partenaire de jeu tape frénétiquement des pieds pour lui adjoindre de taire pareilles aberrations. 

« On vous attend » dit le coach sollicitant calmement l’apparition des candidats, alors une fille en robe blanche, pleurant à moitié, manifestement exaspérée et avec force gestes, viendra dire qu’elle ne peut travailler, que personne ne l’aime, qu’on veut prendre son rôle, que pourtant nous étions ses fans…

Il sera question de devenir femme de ménage ou pour un autre de distribuer des tracts, autant de propositions de jeu menées avec détermination.

Ainsi, sous les lourds rideaux et draps blancs qui soudainement s’affaissent et se relèvent et servent de décor (scénographie  et costumes Sarah Barzic lumière Arthur Mandô), Yanis Bouferrache, Felipe Fonseca Nobre, Vincent Pacaud, Naïscha Randrianasolo, Thomas Stachorsky font défiler ces différents personnages masqués, comme mus par une  recherche d’identité , se jouant  de l’énigmatique intérêt qu’ils ne manquent pas de susciter chez le spectateur durant cette convaincante prestation .

Marie-Françoise Grislin

 Représentation du 28 mars au TNS