Histoires à la grecque

Biographie passionnante de l’historien romain Dion Cassius

Aujourd’hui connu pour son œuvre d’historien, Dion Cassius fut d’abord un haut fonctionnaire puis un homme politique de l’Empire romain. Originaire de Nicée dans la province de Bithynie (aujourd’hui Iznik en Turquie), Dion Cassius naquit vers 165. Fils d’un patricien ayant occupé des fonctions de gouverneur, il arriva avec ce dernier à Rome à la fin du règne de Marc Aurèle. A partir du règne de Commode et jusqu’à celui du dernier empereur de la dynastie des Sévères, Sévère Alexandre, Dion Cassius observa ainsi l’histoire en marche en occupant de hautes fonctions – gouverneur de Pannonie puis consul en 228 – et devenant un acteur de cette même histoire. Retraité, il décida alors d’écrire son Histoire romaine, œuvre monumentale composée de 80 livres et qui s’étend de la fondation de Rome jusqu’à son époque.


Buste de Caracalla
copyright musée du Louvre

Pendant longtemps et jusqu’à une vingtaine d’années, l’oeuvre de Dion Cassius ainsi que son apport à l’historiographie romaine a été minorée, voire méprisée. C’est en premier lieu le grand intérêt de cette biographie, celui de rendre justice au travail de cet homme qui rappelle un peu son grand modèle, Thucydide qui fut lui-aussi – on l’a oublié – un homme politique avant d’être l’historien de référence de la guerre du Péloponnèse. S’inscrivant dans une longue tradition d’historiens d’origine grecque qui va de Polybe à Appien, Dion Cassius s’employa depuis son observatoire politique à raconter ces années de mutations précédant la crise du troisième siècle dans ce que les historiens ont depuis qualifié d’anarchie militaire.

Au-delà des parties parfois fragmentaires de l’Histoire romaine, lire l’œuvre de Dion Cassius permet également de prendre connaissance des difficultés de rédaction et de collecte des sources afin de constituer un récit de cette taille. Jesper Majbom Madsen, grand spécialiste de l’historien qui contribua d’ailleurs avec Marianne Coudry, autre figure réhabilitatrice de Dion Cassius – elle participa à l’édition de l’Histoire romaine dans les Budé des Belles Lettres – et qui signe la préface, y parvient parfaitement.

Si la fiabilité du récit de Dion Cassius n’est plus à questionner et permet selon l’auteur d’apprendre des détails peu connus sur des évènements marquants de l’histoire romaine, son Histoire romaine est également un traité politique où l’auteur vante notamment les mérites de la monarchie, seul système capable selon lui, d’assurer la stabilité, à l’inverse de la démocratie. Une monarchie qui cependant ne doit pas être basée sur un système dynastique comme celui mis en place par l’empereur Septime Sévère car « aux yeux de Dion, Sévère plaçait sa quête de gloire et la réputation de sa famille au-dessus des intérêts et de la sécurité du peuple romain » écrit l’historien danois. Un éloge qui n’empêche pas Dion Cassius de critiquer vivement certains empereurs notamment Commode et Caracalla.

La biographie de Jesper Majbom Madsen met également en lumière la réflexion d’un historien sur un empire entré dans cette époque qui allait faire basculer son destin, celle de la montée en puissance de l’ordre équestre, et d’une armée qui allait faire et défaire les empereurs. Car pour Dion Cassius, la nature humaine est mue par deux principes : la cupidité et la haine car « le pouvoir corrompt, les individus luttent toujours pour la gloire et le succès ».

A-t-on réellement évolué depuis ?

Par Laurent Pfaadt

Jesper Majbom Madsen, Dion Cassius, un historien méconnu, traduit par Marianne Coudry. Avant-propos de Marianne Coudry. Préface de J. M. Madsen.
Les Belles Lettres, 212 p.