Une rue à Moscou (Sivtsev Vrajek)

Dans la rue Sivtsev Vrajek de Moscou résonne une drôle de musique. Celle de l’opus 37 joué par un piano déchirant l’air. Celle d’un monde, celui de la Première guerre mondiale et d’une Russie, prêt à basculer dans l’abîme. Celles enfin des voix d’Ivan Alexandrovitch, ornithologue et de sa petite-fille,Tanioucha, qui rythment ce roman magnifique.

Après plus d’un demi-siècle passé dans les éditions de l’Age d’homme, ce petit bijou de la littérature russe est à nouveau disponible dans la bibliothèque de Dimitri. Son auteur, Mikhaïl Ossorguine participa à la révolution de 1905 et fut emprisonné. Libéré, il fonda la fameuse boutique de livres des écrivains de Moscou avant de faire parti du bateau des philosophes, ces 150 écrivains expulsés par Lénine, en compagnie notamment du philosophe Nicolas Berdiaev et du dernier secrétaire de Tolstoï, Valentin Boulgakov. Cette expulsion qui lui sauva peut-être la vie avant la terreur stalinienne. Réfugié en France, il y mourut en 1942.

Avec sa puissance narrative incroyable qui n’a rien perdu de sa force, une rue à Moscou, son magnum opus écrit il y un siècle, est une sorte de kaléidoscope de l’humanité. Ses multiples chapitres souvent courts sont comme autant de souffles brefs, langoureux d’un monde où cohabitent rats et hirondelles. Proprement majestueux.

Par Laurent Pfaadt

Mikhaïl Ossorguine, Une rue à Moscou (Sivtsev Vrajek), traduit du russe par Léo Lack, coll. Bibliothèque de Dimitri
Aux éditions Noir sur Blanc, 460 p.