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Les métamorphoses d’un orchestre

JochumL’orchestre symphonique de Bamberg fête ses 70 ans

Il y a deux catégories
d’orchestre : les grands
orchestres, prestigieux avec
une longue histoire derrière
eux, et les orchestres de
province. Entre les deux
subsistent encore quelques
ovnis musicaux dont fait
assurément partie l’orchestre
symphonique de Bamberg. Un ovni transnational parce que bien qu’allemand, l’orchestre tire son identité de cette
musicalité tchèque qui a prévalu à sa création.

En 1946 naquit l’orchestre symphonique de Bamberg sur les
ruines de l’orchestre philharmonique allemand de Prague dans
une Tchécoslovaquie qui comportait une minorité allemande
importante. Le chef d’alors, Joseph Keilberth, aujourd’hui
injustement oublié, présida à sa création et à sa consolidation à
partir de 1950. Le formidable coffret édité par Deutsche
Grammophon permet aujourd’hui  d’entendre ces témoignages
musicaux uniques de l’ancêtre de l’orchestre symphonique de
Bamberg. Kleiberth inscrivit pleinement l’orchestre dans le
répertoire symphonique allemand, dans Beethoven notamment,
créant ainsi cette identité unique qui colore l’orchestre et où le
folklore d’un Dvorak croise l’académisme du maître de Bonn.
L’arrivée d’Eugen Jochum en 1968 dont le frère avait déjà dirigé
l’orchestre entre 1948 et 1950 marqua un tournant puisque le
chef affirma un peu plus cette identité germanique autour du
romantisme tardif de Bruckner. Les deux frères qui partagèrent
cette même passion brucknérienne insufflèrent à l’orchestre un
son particulier en revenant notamment aux versions originales du
génie d’Ansfelden. Quelques grands chefs brucknériens comme
Günter Wand, Rudolf Kempe ou Herbert Blomstedt, nommé chef
honoraire de l’orchestre, y trouvèrent ensuite magnifique gant à
leur baguette de velours ou de fer.

1973 constitua un nouveau tournant pour l’orchestre lorsque le
remplaçant d’Eugen Jochum, Istvan Kertesz, brillante étoile de la
direction d’orchestre, trouva la mort en Israël. Lentement,
Bamberg s’enfonça alors dans une routine, dépassé par d’autres
orchestres.

Il fallut attendre un quart de siècle jusqu’à l’arrivée d’un
britannique, Jonathan Nott, pour voir l’orchestre renaître de ses
cendres. Sans prétention, Nott redressa lentement l’orchestre
jusqu’à l’inscrire à nouveau au sommet de l’Europe musicale en
reprenant à la fois cette tradition du romantisme tardif avec
Mahler notamment dont il réalisa plusieurs gravures de référence
mais également en s’appropriant le répertoire contemporain. Il
créa ainsi des œuvres de Bruno Mantovani, de Wolfgang Rihm et
de Jörg Widmann, certainement l’un des compositeurs les plus
talentueux de sa génération, qui a été, ces deux dernières années,
en résidence à Bamberg.

Le départ de Nott vers la Suisse et l’arrivée du jeune et talentueux
Jakob Hrusa ouvre une nouvelle période dans la vie de
l’orchestre. La nouvelle programmation laisse entrevoir une
fidélité à cette tradition germano-tchèque consubstantielle à
l’orchestre et en même temps offre un clin d’œil malicieux à
l’histoire de la musique dans laquelle l’orchestre de Bamberg a
définitivement pris toute sa place.

Laurent Pfaadt

Retrouver toute la programmation de la saison 2016-2017 sur :

https://www.bamberger-symphoniker.de/

A écouter : Bamberg Symphony – The First 70 Years, Deutsche Grammophon (17 CD)

A lire : Andreas Herzau, Nora Gomringer, Bamberg Symphony, Hatje Cantz, 2016