Close

Un film de Lukas Dhont

Grand Prix au dernier Festival de Cannes, Close confirme le talent de Lukas Dhont après Girl. Sorti en 2018, ce film racontaitl’histoire de Lara qui rêve de devenir danseuse étoile alors qu’elle est née dans un corps de garçon. Avec Close, Lukas Dhont creuse le sillon de la question  de l’identité en conflit avec le regard des autres, d’un groupe. « Je voulais essayer de parler des choses qui m’ont perturbé pendant l’enfance ou ma jeune adolescence. Je tenais surtout à parler d’un sujet extrêmement intime. »


© Menuet Diaphana

La tendresse et la douceur ne sont pas acceptables de la part d’un garçon. Dans la cour de récré du collège, Remi et Léo ne passent pas inaperçus. Léo pose la tête sur l’épaule de son ami. Ils sont assis en classe l’un à côté de l’autre, arrivent et repartent en même temps. Une élève leur demande s’ils « sont ensemble » et c’est un cataclysme qui s’abat sur Léo. L’idée que l’on pense que leur amitié ait quelque chose de sexuel lui est insupportable. Sa vie bascule et celle de Rémi. Plus rien ne sera comme avant : leurs jeux encore enfantins, les nuits passées ensemble quand ils dorment l’un chez l’autre, Léo plein d’admiration, qui dit à Rémi qu’il sera son manager car Rémi joue de la musique. Léo va s’éloigner de Rémi, se dérober lorsque celui-ci veut poser sa tête sur lui, allongés dans l’herbe, ne plus emprunter au même moment le chemin qu’ils parcourent ensemble à vélo entre chez eux et le collège et choisir de faire du hockey sur glace, un sport bien viril. Puis le drame survient. Malgré tout, Close échappe au sensationnel, à la sensiblerie. Film juste, tout de finesse, délicat dans l’expression des sentiments, il impressionne par la manière de traiter un sujet des plus difficiles.

Magnifique duo d’interprètes pour incarner les deux jeunes garçons à la lisière de l’enfance et de l’adolescence ! Lukas Dhont en a casté des centaines et l’alchimie a été évidente entre ces deux-là qui ne se connaissaient pas. La belle idée du film est d’être situé à quelques kilomètres de Gand, dans la campagne, une région que connaît bien le réalisateur. Les parents de Léo exploitent une ferme floricole et le film s’ouvre sur la course des garçons dans des champs de fleurs, faisant la part belle aux corps en mouvement et à ce décor édénique au sens propre qui sera détruit en même temps que la relation des deux garçons. C’est la fin de la récolte avec une machine qui broie tout sur son passage, les couleurs de l’automne puis de l’hiver vont succéder aux couleurs vives et joyeuses de l’été et la glace du terrain de hockey, dure et froide, va remplacer les hautes herbes accueillantes. Le corps en mouvement sera corseté, emprisonné dans la tenue de hockeyeur si pesante sur les frêles épaules du garçon, le visage derrière la grille du casque évoquant à la fois la prison dans laquelle s’est enfermé Léo et une protection contre ses propres sentiments et son émotion, sa tristesse à fleur de peau prête de jaillir. La brutalité l’emporte sur la fragilité. 

Lukas Dhont a été inspiré par le livre de la psychologue Niobe Way, Deep Secrets, dans lequel elle suit 100 garçons entre 13 et 18 ans. À mesure des années, les adolescents qui grandissent ont du mal à parler de leur amitié quand d’aucuns disaient quelques années plus tôt que leur ami était la personne qu’ils aimaient le plus au monde. C’est encore ce livre qui a donné l’idée du titre du film : « l’expression revenait souvent : « close friendship ». C’est un mot incontournable pour évoquer l’amitié très proche entre ces deux garçons. C’est cette proximité questionnée qui déclenche le drame du film. Quand on perd quelqu’un, on cherche à retrouver une proximité avec l’être perdu. On est plongé dans une dimension philosophique. Ce mot illustre tout aussi bien l’idée d’être enfermé, de porter un masque et de ne pas pouvoir être soi-même. » Très émouvant et très fort, Close répond au souhait de Lukas Dhont qui était decréer avec son film  du cœur et du corps.

Elsa Nagel