Cosmos

Spectacle intelligent et sensible comme on les aime « Cosmos » a remporté un vif succès au TNS auprès d’un public en majorité très jeune qui n’a pas hésité à crier son enthousiasme à la fin d’une représentation il est vrai passionnante, sur un texte de Kevin Keiss mis en scène par Maëlle Poésy


Dans un décor des plus sobres, (scénographie Hélène Jordan), une sorte de grande boîte aux parois blanches, surgit une
« présentatrice », qui nous met au parfum du thème qui va faire l’objet du spectacle, à savoir la conquête spatiale. C’est Domi (Dominique Jeannon) elle se dit astrophysicienne d’origine chilienne, attirée dès son plus jeune âge par la contemplation du ciel et des étoiles. Elle en est encore à évoquer ses souvenirs d’enfance en français et espagnol traduits par sa consoeur astrobiologiste Elphège (Elphège Kongombé Yamalé ) moments passés avec sa
« Nonna », sa grand-mère quand, avec grand fracas, un trou se fait dans la paroi et, projetées sur le plateau, trois cosmonautes apparaissent, Jane(Caroline Arrouas, Wally ((liza Lapert),Jerrie (Mathilde-Edith Mennetrier.

Commence alors l’histoire proprement dite de ces femmes américaines qui, dans les années 60 ont été prises du désir de devenir cosmonautes. Elles étaient pilotes de ligne et ont pu ainsi accéder au programme « Mercury 13 » qui consistait  à tester la capacité des femmes à pouvoir aller dans l’espace. Elles s’y sont adonnées avec l’espoir de faire partie un jour d’un de ces vols. Mais, si leur réussite aux tests fut un succès, il leur restait à être autorisées à suivre l’entraînement pour devenir pilote d’essai, condition indispensable pour prétendre à être sélectionné pour l’espace ce qui, au final, leur fut refusé et, malgré leur demandes d’explication et leur insistance auprès de toutes les instances, jusqu’au congrès, il n’y eut rien à faire.

Si leur parcours tel qu’on peut en suivre les traces et les péripéties au fil de leurs récits, témoignent de leurs désirs, de leur volonté, de leur ténacité, et du leur courage face à l’ adversité, il démontre que la misogynie et le patriarcat étaient encore bien implantés dans les mentalités de ces années-là.

Si tout cela nous a tenus en haleine et bouleversés c’est aussi en raison de la sublime interprétation qui en est faite. Astrophysiciennes ou cosmonautes, les comédiennes endossent ces fonctions avec une sincérité qui nous les rend proches et défie le temps pour nous plonger dans » les années spoutniks » où l’émerveillement était de mise devant ces exploits que constituaient ces envois de fusées soviétiques et américaines avec animaux puis bientôt humain, Gagarine devenant  un super héros ! Et nous allons les suivre et partager les péripéties de cet envoûtement, donnant à entendre et à voir leur implication totale dans cette aventure grâce à un jeu où elles se donnent, on pourrait dire « corps et âme », faisant preuve d’un travail corporel remarquable qui nous amuse et nous stupéfie à la fois. Ne les voit-on pas en phase d’entrainement se livrer avec énergie à des exercices physiques intenses et bien rythmés avant de retrouver l’une ou l’autre escaladant le mur, se hissant sur un trapèze simulant ces postures caractéristiques des astronautes, des mises en jeu performatives  accompagnées de projections vidéo situant les événements dans leur époque (Quentin Vigier) comme  les costumes d’époque également signés Camille Vallat. Les lumières de Mathilde Chamoux, comme le son de Samuel Favart-Mikcha contribuent grandement à nous transporter dans cette époque exceptionnelle.

Un spectacle  qui sait de façon pertinente allier le théâtre, le cirque, la danse (chorégraphie Leïla Ka) pour nous  montrer un moment de l’histoire peu répertorié au théâtre et nous conduit avec bonheur à une réflexion sur l’espace et le temps, sur l’avenir de notre planète si minuscule dans l’immensité du cosmos mais si précieuse  puisque, pour le moment, elle seule y montre la vie.

Marie-Françoise Grislin pour hebdoscope

Représentation du 3 avril au TNS